Par Afifa Dassouli
La Moudawana, censée réunir les principes de base de la vie en famille est certes à l’origine, basée sur le Coran et le Hadith nabawi. Les évolutions sociales notamment au Maroc ont mis en exergue certains aspects de cette dernière qui sont en totale contradiction avec l’égalité des citoyens et la liberté de la Femme. En conséquence une entreprise de sa réforme a été engagée dès 1993 à petits pas vers le soutien de la femme dans sa vie privée et sociale.
Il est généralement reconnu que la Moudawana de 2004 a constitué un élan considérable dans la consécration des droits des femmes et des enfants contrairement au Code de la Famille qui était une loi élaborée par des humains à un moment donné sachant que toute nouvelle loi aspire au perfectionnement des dysfonctionnements qui apparaissent au gré de l’application de la précédente.
Toutefois, la Moudawana, du fait qu’elle est restée fidèle à l’esprit de la religion musulmane, depuis son entrée en vigueur en 2004, n’a cessé de créer le débat, malgré les acquis en faveur des femmes qu’elle a introduites. De ce fait, dans un discours royale prononcé en 2003, le Souverain avait précisé en tant qu’Amir Al Mouminine : ‘‘je ne peux halaliser un Haram et je ne peux haramiser un Halal’’.
Aussi, il faut savoir que la tradition musulmane s’apparente à différents rites. Par exemple, la tutelle (Wilaya) dans le mariage, a été inspirée d’autres rites, que le malékite, l’obédience du Maroc. Et pour la question d’égalité et des droits des femmes et des hommes, le législateur marocain a dû faire le tour d’autres rites musulmans, pour s’en inspirer. Ainsi, le droit du mariage de la femme adulte sans tuteur a été inspiré du rite hanafite et donc est loin d’avoir été calqué sur l’Occident, comme l’on pourrait l’imaginer. D’ailleurs, le dernier article de la Moudawana de 2004 précise que pour tout ce qui n’a pas été expressément énoncé dans le présent Code, il y a lieu de se référer aux prescriptions du Rite Malékite et/ou aux conclusions de l’effort jurisprudentiel ou de l’Ijtihad, pour donner une expression concrète aux valeurs de justice, d’égalité et de coexistence harmonieuse dans la vie commune, que prône l’Islam.
Aujourd’hui encore, avec l’évolution des droits des femmes sur les plans politiques, économiques, sociales et civiques, certains dysfonctionnements ressortent de d’application concrète de la Moudawana.
En effet, la Constitution de 2011 qui fait prévaloir l’égalité des genres et les accords internationaux relatifs aux respects des droits des femmes signés par la Maroc, donne à la Femme marocaine, un ensemble d’acquis non négligeables que la Moudawana ne doit pas restreindre.
D’autant que Sa Majesté le Roi Mohammed VI, depuis son intronisation se porte garant des droits des femmes marocaines, comme le prouve l’article 19 de la constitution de 2011 rénovée sous son égide, qui fait prévaloir l’égalité de tous les marocains homme et femme. De même que dans son dernier discours de la fête du trône en juillet 2022, Il a lancé une nouvelle réforme de la Moudawana, affirmant sa volonté d’aller de l’avant dans le développement de la famille marocaine.
A ce titre, certains articles de la Moudawana de 2004 devraient être impérativement révisés pour répondre à ses directives. Il s’agit tout particulièrement de ceux relatifs au mariage des mineurs, qui est soumis à un âge légal de 18 ans, mais qui par ailleurs, est autorisé par la possibilité donnée aux juges de l’autoriser pour les petites filles avant cet âge sans précision d’un minimum.
Sachant que le Maroc de 2023 n’est pas celui de 2004. Aujourd’hui avec l’obligation de la scolarisation des filles, y compris dans le rural, qui s’impose au père comme une obligation, les mariages des mineurs doivent reculer.
Par ailleurs, en ce qui concerne la question matérielle de la famille, dans l’ancienne loi de 2004, l’argent gagné dans le couple était évalué par le tribunal en faveur de l’homme, aujourd’hui l’on doit prendre en considération que la femme participe directement ou indirectement au foyer, et donc doit bénéficier de toutes acquisitions de biens pendant le mariage.
D’ailleurs, dans notre pays même, dans certaines mœurs ce partage était à la base de la famille. Comme la femme Jazoulia qui fut reconnue pour son travail dans les champs et par conséquent, a eu droit au partage des biens générés lors de la période du mariage. Dans le sud, également il y avait Hak Al Kad Oua Sâaya (droit de l’effort et l’aspiration). Dans la région du Nord, on l’appelait Hak Achqa. Un juge de cette région au nom d’Ibn Ârdoune prenait acte des mœurs dans ses jugements.
La réforme de la Moudawana de 2004, ne devrait-elle pas instaurer un partage des biens entre le mari et la femme, sur la base de la contribution de cette dernière dans le foyer ? Il faudrait commencer à évaluer et prendre en compte pendant la période conjugale la contribution de la femme au foyer surtout lorsqu’elle est sans emploi.
Pour donner une vraie place à la femme dans la famille et la société, la Moudawana de 2004, doit évoluer, en prenant notamment en compte ces quelques exemples de la défaillance de cette dernière dans le couple, et d’autres encore que relèvent les différents articles de ce spécial… .