Par Zouhair Yata
Une des capacités d’assistance du FMI auprès des pays avec lesquels il collabore étroitement comme le Maroc, consiste à mettre le fruit de son expérience à la disposition du pays sous forme d’assistance technique.
Comme le précise M. Jihad Azour dans son entretien réalisé pour ce numéro spécial «pour faire des réformes, il faut des réformateurs, mais pour les implémenter, il faut des cadres que le FMI accompagne avec du savoir et des techniques.»
Les administrations publiques marocaines bénéficient de cette capacité d’assistance pour des réformes précises, mais elles agissent également plus globalement dans le cadre des engagements du Maroc vis-à-vis du FMI et s’attaquent désormais à des réformes structurelles dont elles définissent elles-mêmes les objectifs en conformité avec les ambitions nationales.
Une des administrations publiques dont la réputation d’exemplarité dans sa capacité de transformation, dans le numérique notamment, est avérée auprès de nos partenaires internationaux, est la Trésorerie Générale du Royaume.
D’ailleurs, preuve de son avancement, celle-ci s’est attaquée récemment à la mise en œuvre d’une politique à forte portée pour le positionnement du Maroc en tant qu’acteur proactif en faveur du développement durable : «La dimension sociale et environnementale dans la réforme des marchés publics».
Avec une volonté affichée d’être parmi les pays précurseurs et «best in class» dans ce domaine, pour la TGR, les marchés publics constituent un pilier fondamental de la gouvernance publique et se présentent comme un outil de régulation et un instrument puissant au service des politiques publiques dans les différents secteurs.
La dimension sociale et environnementale de ces marchés est donc une brique importante de la politique de développement durable du pays.
En d’autres termes, ce qui est visé, en cohérence avec les missions du FMI et de la Banque mondiale par ailleurs, c’est un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable. Un développement qui garantit l’efficacité économique, sans perdre de vue les finalités sociales du développement que sont la lutte contre la pauvreté, contre les inégalités, contre l’exclusion, tout en assurant la recherche de l’équité.
Concrètement, cette réforme a nécessité plus que des intentions mais un changement complet de paradigme au niveau des achats publics, qui requiert de repenser le mode de développement basé sur une accélération de l’industrialisation, la consolidation du progrès technique et l’encouragement d’une société de consommation.
Pour la TGR, il s’agit au contraire de tendre vers le principe qui consiste à faire des achats durables une source de création de valeur pérenne, anticipant les préoccupations environnementales, tout en améliorant les conditions de travail sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, avec une implication croissante des décideurs, des opérateurs économiques et de la société civile pour adhérer à cette nouvelle approche.
D’autant que les enjeux sont colossaux dans la mesure où la commande publique a été portée par un volume record des investissements publics de l’État, des collectivités territoriales et des entreprises ou établissements publics.
De 160 milliards de DH en 2011, ce sont près de 300 milliards de DH en 2023, soit plus de 22% du PIB de cette dernière année, qui ont été investis par l’État.
Une nouvelle politique de marchés publics prenant en compte les dimensions sociales et environnementales est donc assurée d’avoir un impact direct et concret sur le pays.
En effet, pour ne citer que certains secteurs comme le BTP ou l’Ingénierie qui dépendent respectivement à 75% et 80% de la commande publique, c’est un levier incontournable pour mener des politiques publiques intégrant un développement durable qui s’impactent directement sur les secteurs en question.
Cette réforme contribue également à améliorer la transparence des comptes spéciaux du Trésor, des collectivités territoriales, et du secteur public en général, et à en rationnaliser l’utilisation pour un meilleur rendement.
C’est encore une fois une contribution à un cercle vertueux que le FMI souhaite mettre en œuvre pour aboutir à une situation consolidée du secteur public, pour en mesurer sa taille et sa part réelle dans l’économie.
La réforme actuelle des marchés publics, qui a œuvré pour une consolidation des différentes déclinaisons des achats publics durables, s’est faite progressivement au fur et à mesure que la conduite du changement s’effectue dans le temps.
Car l’enjeu est de dépasser l’aspect globalement consumériste de l’achat public, pour s’inscrire dans une démarche considérée comme plus citoyenne de l’achat public.
Ainsi, les achats verts contiennent une dimension environnementale, tandis que la commande publique socialement responsable se préoccupe des droits sociaux et des conditions de travail ;
C’est un tout nouveau vocabulaire pour les marchés publics dans lesquels on parle d’achats écoresponsables, d’achats éthiques, équitables, solidaires…
L’enjeu de l’insertion des considérations environnementales dans les marchés publics concerne, d’une part, l’élément socio-écologique progressivement traité par la réglementation régissant la commande publique au Maroc.
D’autre part, cet enjeu concerne le problème d’articulation entre la finalité recherchée par la réglementation en question qu’est le trio : liberté d’accès aux marchés publics, transparence des procédures et égalité de traitement des concurrents d’un côté, et la poursuite d’objectifs de développement durable de l’autre.
En outre, depuis la phase de préparation et de passation d’un marché public, il est préconisé l’introduction de la dimension de protection de l’environnement et de développement durable parmi les éléments de détermination de la nature et de l’étendue des besoins.
De surcroît, l’élément écologique tel que les performances liées à la protection de l’environnement et le développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétiques est prévue comme critère d’admissibilité déterminant et d’évaluation des offres techniques des concurrents pour l’attribution d’un marché de travaux, de fournitures ou de services.
Et comme pour les autres critères, le critère écologique ne doit pas être formulé de manière à donner un pouvoir discrétionnaire à l’acheteur public, lors de l’analyse des offres.
La prise en compte, dans le cadre de la réforme des marchés publics, des objectifs de protection de l’environnement, de développement durable et d’accélération de la transition énergétique vise, entre autres, à mettre en œuvre les fondamentaux d’une économie verte et inclusive au Maroc.
En outre, la réforme des marchés publics prône un engagement des différents acteurs impliqués dans ce domaine grâce à une mutualisation des efforts de chaque acteur, devant s’opérer via des modes de contractualisation, de transmission de l’information et de renforcement de la participation de chaque acteur.
Enfin et dans la même lignée, il est fait de la consolidation du processus de dématérialisation et de digitalisation, de bout en bout, des marchés publics avec tout ce que cela générera comme valeur ajoutée en termes de protection de l’environnement et de développement durable, un véritable facteur d’optimisation financière de l’achat public et de verdissement des marchés publics.
En définitive, la prise en compte, dans le cadre de la réforme des marchés publics, des objectifs de protection de l’environnement, de développement durable et d’accélération de la transition énergétique est un levier fondamental pour la création des fondamentaux d’une économie verte et inclusive au Maroc.
Mais, le volet social est tout aussi important pour le développement du pays.
En effet, la promotion du bien-être de la population passe, entre autres, par la recherche d’un équilibre entre les attentes sociales et les exigences d’inclusion territoriale et spatiale dans le processus d’achat public.
Quant à la dimension sociale, la refonte du cadre réglementaire de passation des marchés publics constitue une nouvelle génération de réformes, qui marque une grande avancée et un saut qualitatif dans le processus du progrès social de la population en ce qu’elle s’attèle à répondre aux attentes exprimées par la société dans les différents secteurs de santé, d’éducation, d’infrastructures, de culture et d’emploi.
En effet, la promotion du bien-être de la population passe, entre autres, par la recherche d’un équilibre entre les attentes sociales et les exigences d’inclusion territoriale et spatiale dans le processus d’achat public.
Dans ce cadre, la nouvelle réforme des marchés publics à introduit l’obligation pour tous les maîtres d’ouvrage de prévoir, dans le dossier d’appel d’offres, que les titulaires des marchés de travaux et de services autres que les études sont tenus de recourir à l’emploi de la main-d’œuvre locale dans la limite de 20% de l’effectif requis pour la réalisation du marché.
En outre, il est fait obligation pour le maître d’ouvrage de prévoir, dans le dossier d’appel d’offres, que les titulaires des marchés de travaux doivent faire appel au savoir-faire des artisans pour les marchés comportant une composante artisanale.
Aussi, et pour garantir le respect de la législation sociale et du travail, est-il devenu impératif d’instituer la règle en vertu de laquelle le titulaire est tenu de présenter au maître d’ouvrage les documents justifiant le paiement, par ses soins, de ses employés au fur à mesure de l’exécution de certains marchés.
C’est le cas notamment des marchés portant sur des prestations de gardiennage, d’entretien et de nettoyage des bâtiments administratifs et de jardinage.
Enfin et dans l’objectif de promouvoir l’expertise marocaine, la réforme dont il s’agit a institué l’obligation pour le maître d’ouvrage de prévoir, dans le dossier d’appel d’offres, que les bureaux d’études ou les entreprises non installés au Maroc sont tenus d’associer des experts marocains disposant des qualifications requises.
Cette obligation est cantonnée dans une proportion qui ne peut être inférieure à 20% des experts affectés à l’exécution des prestations objet du marché d’études ou du marché portant sur les systèmes d’information, sauf en cas d’indisponibilité des experts marocains dans la filière ou dans le domaine concernés.
Enfin, grâce à la mise en œuvre de cette nouvelle politique d’achat public durable menée par la Trésorerie Générale du Royaume, l’État fait preuve d’exemplarité face au secteur privé qui est encouragé à se transformer et à adopter les mêmes pratiques de développement durable promues par l’État.