Redouan Najah est assistant de recherche en relations internationales et géopolitique au Policy Center for the New South. Il est titulaire d’un Master en géopolitique et relations internationales, de l’Université Caadi Ayaad, à Marrakech, et d’une Licence en Sciences économiques et gestion, de la Faculté poly-disciplinaire, Béni-Mellal. Ses axes de recherche portent principalement sur le cyberespace, la cyberdéfense, la cybersécurité.
A l’heure de la Covid-19, la surveillance numérique semble être devenue la clé de voûte de toute stratégie étatique pour contenir la pandémie. Comme l’a révélé Edward Snowden, de nombreux Etats recourent aux technologies de surveillance et à l’extension des dispositifs de traçage numérique, non seulement au sein de l’Union Européenne, mais aussi dans d’autres pays, tels que les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Russie, la Chine, ou encore l’Italie…
Le recours à ces technologiques est omniprésent et les données jouent un rôle capital, qu’il s’agisse de celles captées par des caméras de surveillance, celles de Google permettant de suivre la fréquentation de certains lieux, ou encore celles des opérateurs téléphoniques permettant d’analyser les mouvements des populations. Par conséquent, l’usage de ces technologies numériques est devenu indispensable pour contrôler les quarantaines, de manière à analyser les données fournies par les opérateurs de téléphonie et à surveiller les comportements collectifs des populations, mais aussi pour la géolocalisation (qui consiste à localiser les personnes infectées) en plus du traçage numérique, qui permet de détecter et de suivre les individus ayant été en contact avec des personnes infectées.
Pratiquement, tous les appareils -ordinateurs, tablettes- peuvent agir comme des « espions », en particulier le smartphone. Cet appareil, très efficace, équipé d’une puce GPS traqueuse, mais aussi d’applications permettant d’obtenir les coordonnées géographiques et d’enregistrer la localisation des personnes en tout temps, et même sans connexion à Internet. Le recours à ces données de géolocalisation est devenu indispensable et déjà opérationnel dans plusieurs pays du globe, comme en Corée du
Sud, à Singapour, à Taïwan, en Israël, en Chine, ou, encore, en Allemagne, pour suivre les déplacements des personnes de manière agrégée, mais aussi de façon individuelle dans certains cas ; localiser les personnes infectées et faire respecter les mesures de confinement ainsi que de renforcer celles du déconfinement.
Aux Etats-Unis, au moment où le tracking était évoqué par les gouvernements pour gérer la sortie du confinement, Apple et Google ont déclaré s’associer pour tracer le Coronavirus. Malgré la concurrence féroce à laquelle ils se livrent habituellement, les deux géants du numérique travaillent ensemble depuis le 10 avril 2020 en s’inspirant du DP-3T Suisse afin de rendre leurs systèmes d’exploitation compatibles avec l’échange de données15.
En Afrique, le président en exercice de l’Union africaine, le sud-africain Cyril Ramaphosa, a indiqué que : « Grâce à la technologie mobile, un vaste système de traçage sera rapidement déployé pour identifier les personnes qui ont été en contact avec des cas confirmés de coronavirus et pour surveiller la localisation géographique de nouveaux cas en temps réel ». Le traçage est l’un des piliers d’une réponse efficace à la Covid-19.
Au Maroc, les services de police ont mis en place une application de traçage, baptisée « WIQAYTNA » pour renforcer les mesures de confinement, traquer les déplacements et permettre aux autorités de s’informer dans les barrages de contrôle sur le processus de suivi des déplacements.
Face à la crise, une nouvelle ère numérique se dessine. Aujourd’hui, les technologies de surveillance sont au coeur des attentes et des attentions. Les grandes entreprises investissent massivement dans ce domaine. Cependant, au sien de l’Union africaine, ces pratiques ne sont ni interdites ni fortement encadrées juridiquement. D’ailleurs, la convention, adoptée en 2014, sur la cybersécurité et la protection des données personnelles n’est pas encore entrée en vigueur. Malgré les initiatives prises par certains blocs régionaux pour que les textes de la convention soient une priorité pour les Etats membres. Dans ce sens, en 2008, la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) a élaboré un cadre pour les cyber législations. En 2010, l’Acte additionnel A/SA.1/01/10 sur la protection des données a été adopté au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). En 2013, une loi type sur la protection des données a été adoptée par la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). Cependant, la convention n’a été signée que par 14 pays et ratifiée par 4 pays.
En effet, bien que les technologies de surveillance s’avèrent un allié efficace pour vaincre la pandémie de la Covid-19, il ne faudrait pas oublier que leur utilisation peut soulever de graves préoccupations en matière de droits de l’homme. Ces technologies à disposition des États représentent une menace pour les droits et les libertés. Certains craignent qu’à long terme, l’installation de telles applications dans le contexte de la Covid-19 pourrait devenir systématique. L’ensemble de la réflexion à lire sur (https://www.policycenter.ma/publications/les-technologies-de-surveillance-a-lere-de-la-covid-19).
LNT (avec Policy Center For The New South)