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Par Afifa Dassouli
C’est un fait, l’inflation s’installe dans le monde ! Elle n’est plus considérée comme éphémère parce qu’importée, ce qui en relativisait l’ampleur et la durée. Des taux d’inflation élevés s’imposent dans tous les pays avec une flambée impressionnante dans les plus fragiles sur le plan économique, comme la Turquie où elle atteint 100% ! Dans la zone euro, l’inflation est aussi de plus en plus forte à un taux de 7 % sur 12 mois. Pour le mois d’avril, aux États-Unis, elle atteint les 10%, au Maroc elle dépasse les 8% et aucun pays n’est à l’abri de ce phénomène que les économies ne connaissaient plus depuis une décennie.
Les appréciations de prix ne concernent plus seulement les produits énergétiques, l’inflation se généralise et se focalise sur les produits alimentaires, des transports, de l’immobilier, des services et des salaires, etc.
Le conflit russo-ukrainien, qui s’enlise, n’est plus seul à expliquer une inflation devenue tout simplement mondiale et menaçant d’une crise économique qui creuserait de plus en plus le fossé que la pandémie du COVID a approfondi, entre les pays occidentaux, la Chine et les autres…
Face à une telle situation, les banques centrales européennes ont affiché leur détermination à lutter contre la tendance haussière des prix par une politique de resserrement monétaire, par augmentation de leurs taux.
Précisément, la FED vient de procéder la semaine dernière, à un relèvement de ses taux cibles de 25 points de base dans une fourchette de 5 à 5,25 %. Elle a introduit des hausses de ses taux directeurs pour un total de 500 points de base depuis mars 2022. La Banque centrale européenne, BCE, l’a suivie en procédant jeudi dernier à une hausse de 25 points de base qui porte son taux de dépôt à 3,25 %, le taux de refinancement à 3,75 % et celui de la facilité de prêt à 4 %. Sachant qu’en neuf mois, elle a augmenté ses taux de 350 pb, par paliers de 50 ou 75 pb, ne laissant pas de répit dans la lutte contre l’inflation, les portant aujourd’hui à leur plus haut niveau depuis juillet 2008.
Et la fin du resserrement monétaire ne sera pas d’actualité tant que l’inflation dépassera l’objectif de 2%, fixé par la BCE comme seuil de la stabilité des prix. Ainsi, la BCE projette de conserver le loyer de l’argent à un niveau élevé et table sur une hausse complémentaire de 50 pb des taux à la fin de l’été.
Idem pour la Réserve fédérale américaine qui annonce continuer avec une nouvelle hausse de 25 points de base de ses taux directeurs une prochaine fois.
Ce cycle de resserrement monétaire est jugé par nombre d’analystes comme étant le plus fort des quarante dernières années.
Les décideurs politiques devraient continuer à gérer les fragilités du système financier dues aux politiques de resserrement monétaire, les politiques monétaires resteront résolument axées sur l’inflation qui ne s’atténue pas dans les principales économies.
Même si le resserrement monétaire des banques centrales pour lutter contre l’inflation, commence à produire des effets négatifs sur les économies.
En ce début de 2023, dans nombre de pays européens à la faveur de la hausse des taux, les banques ont durci leurs critères d’octroi de prêts aux entreprises. Ce durcissement des conditions des crédits par le système bancaire entraine un net ralentissement du financement de l’économie et de son activité.
En conséquence, la croissance de l’économie américaine a ralenti plus que prévu au premier trimestre, à +1,1 %, contre +2,6 % au quatrième trimestre 2022, et devrait continuer dans cette voie.
Celle des pays européens va dans le même sens tout en étant plus grave dans certains pays comme l’Allemagne qui figure parmi ceux qui souffrent le plus de la dépression aux côtés de certains des ex-pays d’Europe de l’Est.
Le Maroc s’inscrit parfaitement dans cette situation ! Bank Al-Maghrib est engagé dans une politique de resserrement de son taux directeur qu’elle vient de porter à 3% et qu’elle continuera certainement à hausser face à un taux d’inflation qui s’approche des 10%. Les conséquences sur le financement de l’économie marocaine sont inévitables sachant que les prévisions de croissance pour 2023 sont faibles, à moins de 3%…