Les prix des produits énergétiques repartent à la hausse, le baril de Brent a gagné 3,0% la semaine dernière et celui de WTI 1,4%.
Ils avaient atteint jeudi dernier leur plus haut niveau depuis novembre 2014 à près de 80 dollars comme le montrent les graphes ci-dessous de BMCE Capital.
Le marché mondial flambe !
En effet, au niveau international, les investisseurs restent fébriles face aux risques géopolitiques au Moyen-Orient et à l’imminence des élections au Venezuela.
L’augmentation continue de la production américaine de brut, encore signalée vendredi par une hausse du nombre de puits de forages en activité selon un rapport hebdomadaire de la société Baker Hughes, ne suffit pas à compenser les éventuelles pertes qui découleraient de toute dégradation soudaine de la situation au Moyen-Orient ou au Venezuela. Sans oublier que la sortie américaine de l’Accord sur le nucléaire iranien mardi a marqué la semaine, le président Donald Trump ayant réintroduit une série de sanctions visant des entreprises aussi bien américaines qu’étrangères commerçant avec l’Iran, ce qui ne manquera pas d’impacter la production énergétique iranienne et les cours sur les marchés mondiaux.
Ces constats internationaux ne semblent pas être pris en compte par le débat engagé au Maroc sur la variation du prix des carburants au point qu’une commission parlementaire a été chargée de faire un rapport sur le secteur pour démontrer que les augmentations de prix à la pompe ne sont pas décidés par les distributeurs et que surtout, compte tenu des taxes, la marge qui leur revient reste faible.
D’ailleurs, le rapport en question a énoncé que cette marge des distributeurs n’avait pas augmenté depuis 2015, comme rappelé mardi 15 mai devant la commission parlementaire des Finances.
La décompensation et ses effets
Mais quelle responsabilité incombe au gouvernement après la décompensation qui a permis à l’Etat un allègement budgétaire de 30 milliards de dirhams ?
Certes, la libéralisation, qui en a découlé en 2015, ne s’est pas faite ressentir au niveau des prix à la pompe parce que les cours du brut à l’international avaient baissé à moins de 50 dollars le baril du fait de la crise économique mondiale.
Les prix à la distribution au Maroc étaient donc bas parce que le marché international des hydrocarbures l’était lui-même !
Mais, pour revenir à la problématique de ces prix au Maroc, le rapport de la commission parlementaire portant sur le secteur des hydrocarbures a été débattu avant-hier mardi 15 mai, il porte sur différents dysfonctionnements qui relèvent notamment du rôle du gouvernement après la libéralisation.
En effet, alors que la libéralisation du secteur est intervenue à une période où les cours du pétrole étaient au plus bas, ce n’est qu’aujourd’hui, alors qu’ils repartent à la hausse, que le problème de leur niveau s’impose !
Il faut savoir cependant qu’alors que depuis 2016, le prix du baril a presque triplé passant 27 de à 75 dollars, les prix à la pompe, eux ont été maîtrisés par les distributeurs qui ont essayé d’absorber la hausse pour éviter de la répercuter sur les consommateurs. Le rapport de la commission parlementaire en question considère que les banques ont profité de la libéralisation du secteur des hydrocarbures, en finançant les programmes d’investissements des distributeurs.
Qui fait quoi et qui doit quoi ?
Ce reproche est nul et non avenu du fait qu’elles n’ont fait que répondre aux besoins de financement de ces distributeurs qui ont dû négocier leurs crédits au mieux.
Contrairement à ce que prétend le rapport, les banques n’ont pu imposer des taux d’intérêt très élevés aux distributeurs pour le financement de leurs investissements, parce qu’au contraire, les taux de crédits bancaires ont beaucoup baissé au cours de la période considérée.
Certes, après la libéralisation du secteur des hydrocarbures en décembre 2015, un programme d’investissement de 18 milliards de DH a été mis en oeuvre.
L’État a exigé des pétroliers des investissements importants en capacités de stockage : 900.000 tonnes disponibles actuellement et 700.000 tonnes en cours de réalisation.
Concernant le stock de sécurité, il est aujourd’hui de 30 jours minimum, ce qui correspond à 900.000 tonnes de produits, soit une valeur de 8 milliards de DH.
Mais le programme d’investissement concerne également la mise à niveau des services, notamment en systèmes d’informations, (prix des carburants affichés à l’entrée des stations, au niveau des volucompteurs…) et l’extension du réseau des stations-service afin d’améliorer la couverture territoriale.
Les sociétés de distribution ont réalisé en 5 ans pas moins de 10 milliards de ce programme d’investissements.
Ce qui est normal car du fait de la libéralisation du secteur, ses acteurs se doivent de se mettre à niveau pour un meilleur service rendu.
Par contre, là où le bât blesse, c’est qu’au niveau fiscal, la distribution des carburants continue à constituer pour l’État une véritable vache à lait alors que les sociétés de distribution doivent faire face à de nouvelles responsabilités traduites par des investissements importants pour répondre aux besoins d’un marché libre et satisfaire au mieux en termes de prix et qualité leurs clients.
Et toc, la TIC !
En effet, le régime fiscal appliqué aux distributeurs est lourd et porte sur une Taxe Intérieure de la Consommation qui pèse sur les coûts des distributeurs.
Le rapport en question demande justement que celle-ci soit variable, l’État pouvant baisser la TIC quand les prix montent et l’augmenter quand les tarifs baissent.
Car ce ne sont pas moins de 27 milliards de dirhams d’impôts par an qui sont versés à l’Etat.
Selon les calculs du rapport, si l’Etat taxait un dirham de moins par litre de carburant, le consommateur marocain bénéficierait d’autant de baisse du prix à la pompe.
Toutes ces raisons suffisent à expliquer les variations quasi-quotidiennes des prix à la pompe avec des écarts minimes de 50 centimes de dirham.
Aucune entente entre les 18 sociétés de distribution opérant au Maroc, n’est possible, comme l’ont justement révélé les rédacteurs du rapport parlementaire !
Sur un marché libre, le nombre important d’entreprises est garant de la libre concurrence !
Le Maroc est une économie libre. Il s’oriente vers plus de liberté de marché, plus d’ouverture.
Pour ce faire, il faut plus de compétitivité des différents secteurs, que seule la libre concurrence peut leur procurer. Mais, il revient aux pouvoirs publics, dans le même temps, de protéger le pouvoir d’achat des citoyens, ce qui, visiblement, n’a pas été la préoccupation du gouvernement entre 2015 et aujourd’hui !
Voilà pourquoi, avec la mise en place d’un système de «flottabilité» de la TIC et l’adoption de mesures inspirées de l’exemple belge, il sera possible de mieux appréhender la problématique du prix des carburants aux consommateurs, surtout dans un contexte de forte volatilité des prix du brut à l’international.
Afifa Dassouli