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Et voilà la politique politicienne repartie et de quelle manière !
Abdelali Hamieddine, l’un des leaders les plus connus du Parti de la Justice et du Développement, PJD, vient d’être, (de nouveau), inculpé par un juge d’instruction près la Cour d’Appel de Fès pour participation à un homicide volontaire, celui d’un étudiant d’extrême gauche, Mohamed Aït Ljid, assassiné le 25 février 1993 à l’Université Dar El Mehraz de Fès par un groupe d’islamistes.
Pourtant, Hamieddine avait déjà purgé une peine de deux années de prison dans le cadre de cette affaire et plusieurs tentatives de relancer la procédure, menées par la famille de la victime en 2011, 2013 et 2017, avaient échoué.
Mais la condamnation de 1994 répondait à l’inculpation de participation à une réunion séditieuse au cours de laquelle des violences avaient été exercées à l’encontre du défunt Aït Jdid jusqu’à provoquer son décès.
Aujourd’hui, si l’affaire est actualisée avec plus de succès pour la famille de la victime, c’est que Hamieddine est accusé de « complicité » de meurtre », ce qui, en Droit pénal, le met en situation d’une condamnation à une lourde peine de prison.
Bien évidemment, on ne manquera pas de s’interroger sur la « soudaine » recevabilité d’une plainte alors que plusieurs tentatives précédentes étaient restées sans suite tandis que les amis politiques de l’inculpé proclamaient haut et fort qu’ils ne « livreraient » pas leur frère Hamieddine.
Il est assuré qu’à ce stade, le PJD ne manquera pas de crier au complot et à la manœuvre politique contre lui-même, sachant que Abdelali Hamieddine est l’étoile montante de l’islamisme politique marocain, le poulain et le dauphin de Abdelilah Benkirane, et qui, assurément, se voyait déjà comme le successeur de Saad Eddine El Othmani à la tête du parti dans les toutes prochaines années.
De là à penser que l’on s’empresse de barrer le chemin à un potentiel adversaire politique, il n’y a qu’un pas que franchiront allègrement tous les adeptes du complotisme, si nombreux dans notre pays…
Mais, plus sérieusement, la Justice est en position légitime de « revoir sa copie » en requalifiant un dossier dont les conclusions pénales n’ont jamais satisfait la famille Aït Ljdid.
C’est sans doute le momentum choisi qui interpelle le plus dans cette affaire qui s’apparente, apparemment, à un nouveau bras de fer entre la formation islamiste et ceux qui, pour des raisons que chacun connaît, cherchent à l’affaiblir dans la perspective des prochaines élections législatives.
Hamieddine, qui est l’un des critiques les plus acerbes du Pouvoir aujourd’hui, qui respecte de moins en moins la discipline de son parti au point de contrer et contredire très souvent et publiquement son premier responsable, Saad Eddine El Othmani, qui se pose et se comporte en soutien indéfectible de l’ancien zaïm Abdelilah Benkirane, en gêne plus d’un et pas seulement dans les plus hauts cercles de ce pays.
Censé appliquer la ligne du PJD, formation qui dirige la coalition majoritaire au Parlement et qui conduit l’équipe gouvernementale, l’ancien leader de la jeunesse islamiste, aujourd’hui parlementaire à la Chambre des Conseillers et membre de la direction du PJD, est plutôt perçu comme l’homme de la rupture et de l’intransigeance.
C’est Abdelali Hamieddine qui, en juillet dernier, dans le cadre d’un débat interne au PJD, avait déclaré que « l’institution monarchique était un obstacle au développement du pays ».
Quelques semaines plus tard, l’affaire du boycott à peine oubliée, il s’en prenait durement au RNI et à son leader, Aziz Akhannouch, en réclamant l’éviction de cette formation de la coalition gouvernementale, et en critiquant le secrétaire général du PJD pour sa démarche consensuelle au sein de l’équipe gouvernementale, pourtant conforme au pacte de la majorité signé par Saad Eddine El Othmani.
C’est Abdelali Hamieddine également qui s’était posé en défenseur acharné du journaliste Toufik Bouachrine, dès le jour même de son interpellation, soutenant mordicus, tout au long du procès que le Directeur du quotidien Akhbar Al Yaoum était la victime d’un complot et payait pour ses écrits et non pour une sexualité débridée…
Aujourd’hui, le voilà lui aussi rattrapé par un passé agité de leader d’un groupuscule islamiste aux méthodes passablement musclées.
Alors, si certains verront dans cette affaire une simple question de règlements de comptes, d’autres comprendront que la position d’opposant et de critique, légitime et normale dans un état de Droit soutenu par une Constitution proclamant le respect des libertés individuelles et collectives, ne saurait s’exercer par ceux qui traînent de lourdes casseroles derrière eux ou qui ont tressé les cordes pour se faire battre !
Passé trouble ou comportements déviant ne font guère bon ménage avec la posture de critique intransigeant.
Qu’on se le dise…
Fahd YATA