
Vendredi dernier le conseil du gouvernement s’est réuni spécialement pour décider, à la surprise générale, du maintien de l’heure d’été.
M. Saad Eddine El Othmani et ses collègues ont, en effet, décidé de garder le GMT+1 de façon permanente, citant pour unique argument le fait que « cette mesure vise à éviter les changements opérés à maintes reprises durant l’année et leurs répercussions négatives » précise le communiqué.
Une décision d’autant plus surprenante que cinq jours auparavant, un précédent communiqué officiel annonçait le retour à l’heure d’hiver comme prévu le dimanche 28 octobre.
Pour rappel, le passage à l’heure d’été au Maroc date de 2013 suivant le décret 2.13.781 du 28 septembre. Depuis, les Marocains avancent leurs montres à la fin de chaque mois de mars et les reculent à chaque fin du mois d’octobre, avec l’exception qui s’opère durant le mois de Ramadan.
Ce décret, vraisemblablement improvisé par nos décideurs, suscite donc plusieurs commentaires et constats.
Tout d’abord, comment peut-on prendre une décision aussi importante à J-2 de l’évènement en question ? Ne fallait-il pas plutôt plancher sur la problématique quelques semaines ou même quelques mois auparavant, prendre le temps de discuter, de débattre et surtout d’expliquer « step by step » les tenants et les aboutissants d’une telle démarche ?
D’ailleurs cette prise de décision tardive, s’est logiquement fait ressentir le dimanche matin, où la quasi-totalité des téléphones et gadgets connectés dont le changement d’heure se fait automatiquement et est indexé sur les réseaux (Apple, Google, Microsoft…) sont revenus à l’heure d’hiver, car comme on pouvait s’y attendre, les décrets improvisés de notre cher gouvernement ne voyagent pas au-delà de notre scène médiatique nationale !
M. El Khalfi au lieu de se suffire de communiquer l’information à nos chers concitoyens, aurait ainsi dû faire de même auprès des acteurs technologiques pour éviter ce changement d’heure automatique.
Par ailleurs, le ministre de l’Éducation nationale a annoncé l’introduction de certaines mesures pour accompagner ce maintien de l’heure d’été.
Ainsi, les cours démarreront à 9h dans les écoles publiques et sûrement dans bon nombre d’écoles privées.
On pourrait logiquement demander à M. Amzazi si les parents qui accompagnent leurs enfants à l’école pourront-ils arriver à 9h15 ou même un peu plus tard à leurs travail ?
Pire encore, les élèves n’auront désormais qu’une heure de pause de 13h à 14h, obligeant certains à ne pas rentrer chez eux pour le déjeuner, ce qui pose la question suivante, compte tenu de l’absence des cantines dans les écoles publiques, comment réussiront-elles à gérer cette nouvelle donne ?
Mais, apparemment, ce décret gouvernemental ne repose pas sur rien. Effectivement, le ministère délégué chargé de la Réforme de l’Administration et de la Fonction publique aurait au préalable effectué « une étude approfondie » sur le sujet, qu’il n’a d’ailleurs pas rendu publique, et la décision serait donc mûrement réfléchie…
Rappelons-nous, il y a quelques mois, l’Union Européenne annonçait vouloir abandonner l’heure d’été (ou l’heure d’hiver), en se basant, entre autres, sur un sondage fait par les services de M. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, qui a révélé que 80% des personnes consultées étaient favorables à la suppression du changement d’heure.
Les détracteurs de l’heure d’été, qui se basent sur des études scientifiques sur le sujet, affirment que ce changement exerce un impact négatif sur le sommeil, la santé et engendre une hausse des accidents de la route, pour au final, ce qui est le comble, très peu d’économie d’énergie.
L’autre argument qu’on entend souvent pour valider le passage à l’heure d‘été est le sacro-saint « doing business », le fait de se rapprocher des fuseaux horaires adoptés par les principaux partenaires du Royaume pour des raisons économiques.
On imagine que les opérateurs d’offshoring (centres d’appels) se frottent déjà les mains, maintenant qu’il sont alignés sur les horaires de leurs donneurs d’ordres européens.
Comment expliquer donc le sentiment d’improvisation que la signature du décret vendredi a laissé apparaître ?
Une décision qui aurait mérité un débat préalable, l’interrogation des opérateurs économiques, celle des parents d’élèves, et qui, faute de ce processus de concertation, permet l’éclosion de rumeurs les plus fantaisistes sur les réseaux sociaux, confortant ainsi l’opinion publique dans la conviction que les véritables raisons de cette décision sont ailleurs !
Ayoub Bouazzaoui