Sur le plan budgétaire, le monde entier est dans le besoin, preuve en est du niveau des déficits qui approchent ou souvent dépassent les 100% du PIB. Ce alors même que les règles européennes de Maastricht qui imposaient le respect d’un déficit budgétaire de 3% et d’un niveau d’endettement de 60% du PIB n’ont toujours pas été modifiés sur le papier, alors que leur révision urge face à la réalité. Donc, pays riches ou pauvres se trouvent aujourd’hui face à des déficits budgétaires abyssaux, ce qui permet d’ailleurs aux derniers de bénéficier d’une certaine indulgence du FMI ou des bailleurs de fonds des marchés de capitaux internationaux.
Certes, la crise de 2008 a impacté sérieusement la solidité budgétaire des États avec un creusement des déficits budgétaires. Mais les niveaux bas des taux induits par des politiques monétaires expansionnistes qui ont perduré des années durant, ont largement encouragé les États à s’endetter à moindre coût.
L’analyse du comportement budgétaire des États a encore plus perdu en encadrement avec la crise sanitaire qui a sévi dans le monde et les catastrophes naturelles en tout genre qui ont dévasté certains pays, causant des dommages estimés à des montants très élevés, impossibles à couvrir par le budget de l’État qui le subit.
C’est bien sûr le cas des séismes, des inondations, des cyclones, de la sécheresse et autres conséquences du changement climatique, imprévisibles et donc impossibles à budgétiser.
Face à ces épreuves, la Finance apporte des solutions à travers des produits financiers innovants qui sont utilisés à une fin temporaire et parfois permanentes. Les fonds sont un outil de collecte d’argent destinés à des objectifs différents. Quand ils sont privés, par la nature des contributeurs en apports de capitaux, leur objet porte principalement sur la rentabilisation de ces derniers par des placements ou investissements adéquats. En revanche, les fonds publics sont eux destinés à collecter de l’argent pour faire face à des dépenses extraordinaires, comme celles engendrées par la pandémie sanitaire ou les catastrophes naturelles.
Le Maroc connait aussi un déficit budgétaire contrôlé quant à lui par ses sources de financement, qui pour une grande partie, sont domestiques et dépendent de la capacité des institutionnels à souscrire aux émissions obligataires du Trésor. Sachant qu’à l’international le financement du Maroc est tributaire des bailleurs de fonds étrangers et de la garantie du FMI.
Et, il utilise aussi les produits financiers innovants que sont les fonds, pour l’élargissement de ses moyens de financements, tant dans le cadre de sa stratégie de financement de nouveaux investissements pour accompagner les investisseurs privés, comme avec le Fonds Mohamed VI pour l’investissement créé en 2021, que pour face à des conjonctures imprévisibles comme le Fonds Spécial de financement de la Covid 19 ou aujourd’hui le Fonds spécial pour faire face au séisme qui a dévasté le centre montagneux du pays autour de la région d’El Haouz.
Dans ces cas d’urgence, l’objet de ces fonds publics est d’appeler à la solidarité nationale pour répondre rapidement aux besoins des populations sinistrées. L’expérience du fonds spécial dédié à la gestion de la pandémie et le soutien des malades a collecté plus de 35 milliards de dirhams et permis une intervention de l’État rapide, efficace et préventive.
Cette expérience a permis de détenir un produit financier récemment expérimenté et facilement duplicable pour la création immédiate du « Fonds spécial pour la gestion des effets du tremblement de terre ayant touché le Royaume du Maroc » qui a suscité une mobilisation générale pour contribuer à l’effort national de solidarité. Comme l’a précisé le communiqué suivant en ces termes : « Sur Hautes instructions de SM le Roi Mohammed VI, dans le cadre de l’effort national pour la mise en place de mesures d’urgence pour palier l’impact du séisme ayant touché plusieurs régions de notre pays, il a été procédé à la création du fonds spécial numéro 126 pour la gestion des effets du tremblement de terre ayant touché le Royaume du Maroc ».
Tous les citoyens, organismes privés et publics du Maroc ou de l’étranger, sont appelés s’ils le souhaitent, à verser leurs contributions au fonds spécial susvisé par virement bancaire, carte bancaire dans un compte 126, à la faveur du Trésorier ministériel auprès du ministère de l’économie et des Finances. Les contributions pouvant être aussi en espèces ou par chèques bancaires auprès des comptables publics relevant de la Trésorerie Générale du Royaume, exerçant au niveau national, ainsi qu’auprès des agents comptables des missions diplomatiques et consulaires du Royaume du Maroc à l’étranger.
M. Lekjaa a par ailleurs précisé les missions du fonds : « Ce compte (126), qui permettra de recevoir les contributions volontaires de solidarité des citoyens et des organismes privés et publics, sera destiné principalement à financer les dépenses relatives au programme d’urgence pour la réhabilitation et l’appui des efforts de reconstruction des maisons détruites au niveau des zones sinistrées. Et sera dédié également au financement des dépenses relatives à la prise en charge des personnes en situation difficile, notamment les orphelins et les personnes vulnérables, ainsi que la prise en charge immédiate de toutes les personnes sans abri à cause du séisme, surtout en ce qui concerne le logement, la nourriture et l’ensemble des besoins de première nécessité. »
Il faut savoir que le Fonds spécial pour la gestion des effets du tremblement de terre, prendra aussi en charge les dépenses relatives à l’incitation des acteurs économiques, dans le but de la reprise immédiate des activités au niveau des zones concernées, outre les dépenses relatives à la constitution de réserves et de stocks de première nécessité au niveau de chaque région du Royaume pour parer à tout type de catastrophe, ainsi que de l’ensemble des dépenses relatives à la gestion des effets de ce séisme.
Ces détails qui portent tant sur les contributeurs qu’aux utilisations des dons ont toute leur importance par leur détermination et leur transparence, qui relève des caractéristiques financières de la nature de ce produit financier.
Sans compter que par sa qualité de fonds, cet outil permet de mesurer avec efficacité et spontanéité l’élan de solidarité et de cohésion nationale qui constituent une force et une fierté pour le Maroc.
Et pour cause, les annonces de contributions ne manquent pas et les montants sont à la hauteur des exigences du drame. Toutes les institutions publiques et privées ont annoncé des contributions qui se comptent en milliards de dirhams comme pour Al Mada au nom de Sa Majesté et Bank Al Maghreb. Les groupements professionnels suivent avec 850 MDH pour le GPBM et 150 MDH pour la Fédération des assurances, l’Acaps et l’AMMC ont aussi annoncé un montant de 10 Mdhs chacune. Mais, ce ne sont là que quelques exemples d’importance et significatifs, parce que les entreprises et les particuliers répondent massivement à l’appel de solidarité, ce que montreront les chiffres qui seront annoncés dans le temps. D’ailleurs, pour assurer les versements des contributions au Fonds spécial, la Trésorerie Générale du Royaume assure un service de permanence au niveau des services relevant de son réseau durant les week-ends et les jours fériés. Un indicateur de plus de l’ampleur de la mobilisation dont font preuve nos compatriotes dans cette épreuve nationale.
Afifa Dassouli