Dans le cadre de son cycle de conférences « Echanger pour mieux comprendre », la Fondation Attijariwafa bank a organisé jeudi 28 mars, une conférence-débat autour du thème: « Abandon scolaire : comment stopper le fléau? ».
Dans un mot de bienvenue, M. Ismail Douiri, Directeur Général du groupe Attijariwafa bank, a partagé quelques chiffres de l’étude du HCP sur la mobilité sociale réalisée en 2011. Il ressort de celle-ci qu’une année de scolarité de plus, améliorait de 14 % les chances d’ascension de l’enfant, d’une catégorie sociale à une autre. « Cela confirme que l’abandon scolaire a des conséquences néfastes, non seulement pour l’individu, mais aussi pour l’ensemble de la société. En effet, tout jeune ayant quitté l’école risque de tomber dans un cercle vicieux qui va le conduire à une situation irréversible, marquée par le retour à l’illettrisme, la marginalisation, la vulnérabilité, la délinquance, voire la violence et le crime », a souligné M. Douiri, rappelant au passage que le Maroc ne peut avancer sans que tous ses citoyens soient éduqués et formés pour construire son développement.
Cet événement a vu la présence de M. Youssef Belqasmi, Secrétaire Général du Ministère de l’Éducation nationale, de la Formation professionnelle, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique qui a souligné que la problématique de l’abandon scolaire n’est pas spécifique au Maroc, mais qu’elle touche également des pays très développés.
M. Belqasmi a énuméré plusieurs raisons à la déperdition scolaire, notamment le redoublement, qui a un impact important sur l’abandon scolaire, ou encore le retard scolaire.
Il est à noter que le taux d’abandon scolaire au niveau du primaire s’élève aujourd’hui à 1,1% contre 4,6% il y a 10 ans.
Au niveau du collège, il est de 10,7% aujourd’hui contre 13% enregistrés durant l’année scolaire 2008/2009.
Au niveau du lycée, le ministère avance 9,9% de cas d’abandon scolaire contre 15% pour 2008/2009.
« Un ensemble d’actions ont été mises place ces dernières années, qui ont permis de diminuer ce phénomène. En termes de chiffre, 259 000 élèves ont abandonné l’école durant l’année scolaire 2018/2019 contre 440 000 en 2008/2009 », affirme le secrétaire général.
Les causes réelles de ce fléau sont multiples et corrélées, explique M. Belqasmi. Une étude au niveau du ministère a été menée pour identifier les raisons de cet abandon. Il en ressort 6 points importants : l’éloignement de l’école, l’absence de transport scolaire (21,1%) , le refus des enfants d’aller à l’école (plusieurs raisons à ce refus sont constatés) représente 20,3%, la pauvreté (18%), l’échec scolaire (11,5%), le refus des parents (10%). Ce dernier point est plus visible au niveau rural.
L’étude a également révélé que plus les parents sont scolarisés moins le taux d’abandon scolaire est élevé.
En effet, le tôt d’abandon est réduit de 35% lorsque quand le niveau de scolarité des parents atteint le collège et il est réduit de 80% pour les parents ayant été au lycée.
Le préscolaire joue également un rôle important, puisqu’il permet de réduire de moitié le taux d’abandon scolaire. « Lorsque les élèves sont préscolarisés le taux d’abandon scolaire est de 4,1% contre 8% pour les non préscolarisés », a souligné M. Belqasmi.
De son côté, Meriem Othmani, Présidente et Fondatrice de l’association INSAF, a affirmé que la pauvreté n’était pas la cause réelle et profonde de l’abandon scolaire. « Nous avons identifié un déterminant important de ce phénomène dans le milieu rural. Des intermédiaires, appelés communément en darija ‘semsar’, réussissent à convaincre les parents de leur livrer leurs enfants en leur faisant croire qu’ils vont vivre dans de meilleures conditions… Les enfants quittent donc l’école et travaillent pour le compte de ces mafias », a-t-elle soulevé. Selon une étude du HCP réalisée en 2017, 247000 enfants travaillaient en 2017 dont 80 % étaient à l’école.
Pour sa part, M. Philippe Maalouf, Responsable du secteur de l’Éducation pour le Maghreb pour l’UNESCO, a souligné que pour agir, le processus s’avère très lent parce que le phénomène est très complexe, précisant qu’à l’UNESCO, ils préfèrent le mot « ajustement » plutôt que « réforme ». « Un système doit constamment évoluer et s’améliorer. Les processus prennent du temps. Aussi, il ne faut pas oublier que les efforts doivent être mutualisés au niveau de la société entière, la responsabilité n’incombe pas uniquement au Ministère de l’Éducation », a-t-il souligné.
A. Loudni