A Casablanca, des experts internationaux viennent de débattre de cette problématique.
Unanimes, ils estiment que le problème migratoire aujourd’hui s’accompagne de celui du développement parallèle des trafics illicites, qui utilisent les mêmes routes et parfois les migrants eux-mêmes pour développer leurs activités. Au niveau mondial, ces trafics illicites représentent plus de 650 milliards de dollars, soit un énorme manque à gagner pour les Etats qui, en augmentant souvent la taxation, augmentent le volume de contrebande. Au Togo, une cartouche de cigarettes s’échange contre un litre d’essence et en Méditerranée, 3 cartouches permettent de payer un billet Alger-Marseille. Il n’est pas étonnant que la quasi-totalité des actions terroristes des 10 dernières années aient bénéficié de financement partiellement acquis grâce, entre autres, à la contrebande.
On explique aussi que l’Afrique n’échappe pas à cette plaie du monde moderne qui se nourrit de la faiblesse des organisations étatiques, de la corruption et de l’exploitation des faiblesses humaines. Dans les zones et les routes de migration, cela commence par de petits trafics d’essence ou de cigarettes avant d’évoluer vers le trafic de drogues, d’armes ou de produits pharmaceutiques, comme on l’a vu dans le Sahel avec des trafiquants comme Malboro ou Mokhtar Ben Mokhtar.
Ces dernières années, face à la montée des phénomènes migratoires, avec un pic en 2016, le modèle européen a montré ses limites. Le processus légal d’accueil est bloqué au niveau des migrants et dysfonctionne au niveau des étudiants. S’il est vrai qu’ils sont utilisés par les trafiquants sur leur route ou dans les zones d’arrivée, les migrants ne doivent pas être pour autant assimilés à des délinquants ou à des terroristes. Ceci révolte à juste titre les défenseurs des droits de l’homme.
Parallèlement, on ne regarde pas assez ce qui se passe dans la criminalité organisée transnationale. Il faut d’abord éviter la généralisation, car certaines routes de migrations sont peu structurées alors que d’autres, comme celles vers la Libye, sont sous contrôle de groupes terroristes armés ou de bandes de trafiquants. Le droit de passage ou l’accompagnement des migrants contre paiement de services ou la réalisation de travaux facilitent l’explosion des trafics.
Une autre vérité à prendre à sérieux, disent les intervenants, est que seulement 20% de l’immigration africaine quittent le Continent. Toute l’Europe accueille 9 millions d’Africains, soit l’équivalent de ce qui arrive sur 5 pays d’Afrique, dont la Côte d’Ivoire avec ses 3 millions de migrants ou encore l’Afrique du Sud. Les pays du Maghreb sont pris dans un étau entre la demande de blocage des Européens et l’obligation d’hospitalité pour ceux qui viennent du sud. Le phénomène se complique encore pour un pays comme le Maroc qui se définit conjointement comme un pays d’émigration, un pays de transit et un pays d’accueil.
On constate aussi que face à cette situation, les Européens se sont révélés incapables de trouver des solutions adaptées. On n’a pas voulu regarder les aspects positifs de l’immigration au niveau de la capacité de travail dans des emplois difficiles. On s’est focalisé sur les risques, qu’ils soient sécuritaires, culturels, ou communautaristes. Pourtant, l’expérience montre que l’intégration se construit dans le temps par une politique volontariste et adaptée.
En conclusion, ce ne sont donc pas les idées qui manquent pour venir à bout de cette problématique, mais c’est plutôt la volonté des Etats. Ou comme le dit bien l’adage : ‘‘Là où il y a une volonté, il y a un chemin’’.
H.Zaatit