Dossier spécial régime de change du Blog Afifa Dassouli
- Flexibilité du Dirham : Le long cheminement d’une réforme indispensable
- La cible d’inflation, base d’un régime de change flexible …
- Flexibilité : Les expériences des uns profitent aux autres
La réforme de la cotation du dirham entrée en vigueur ce lundi 15 janvier 2018 n’a pas constitué une réelle surprise !
En juillet dernier, son report dans des circonstances malheureuses, avait abouti à la décision qu’il fallait l’introduire par surprise, et le début janvier 2018 était une date souvent évoquée.
Toutefois, cette entrée en vigueur n’en demeure pas moins un soulagement car après trois années de préparation, le Maroc ne pouvait subir l’échec de son abandon.
En effet, il faut rappeler que Bank Al-Maghrib y travaillait depuis 2015 et qu’elle avait fixé des prérequis pour un tel tournant, tels la stabilité des fondamentaux du pays, mais aussi une restructuration en interne afin de disposer de tous les chiffres et statistiques nécessaires à la mise en place du principe de base de la flexibilité du dirham, le ciblage de l’inflation.
Ce qu’il faut aussi savoir, c’est qu’une évolution du système de change du dirham s’imposait parce que le Maroc s’est inscrit dans un processus d’ouverture globale, à la fois économique et financière, avec la signature de nombre d’accords de libre-échange, la création de Casablanca Finance City, CFC, une place financière internationale, et également tous les projets qui entrent dans le cadre de l’insertion de l’économie marocaine dans l’économie mondiale.
Comme chacun sait, ces projets sont aujourd’hui très avancés avec le Plan d’Accélération Industrielle de Moulay Hafid El Alami et ils soulèvent la question de l’inadéquation de notre régime de change fixe avec un compte capital quasiment fermé.
Une ambition déjà ancienne
En réalité, cette question a été soulevée par le FMI pour le Maroc qu’il considère comme un « bon élève » depuis une petite décennie.
Et depuis ce temps-là, les successifs ministres des Finances ainsi que le Wali de Bank Al-Maghrib se sont posés la question de la compatibilité de ce régime avec de telles ambitions.
BAM a commencé à mettre en place les prérequis nécessaires à cette transition avec le renforcement de l’indépendance de la Banque Centrale et celui de la solidité du secteur financier, premiers préalables réalisés.
Puis, au sein de l’Institut d’Émission, devenu indépendant, il fallait se doter des outils d’analyse pointus, par l’implémentation d’un cadre analytique et prévisionnel avancé, indispensable à la préparation de la décision de politique monétaire et au suivi de l’évolution des équilibres macroéconomiques.
Rappelons aussi, que malheureusement, cette préparation a très vite été confrontée à la survenance de la crise financière mondiale.
Celle-ci a mis en exergue des fragilités de l’économie marocaine, notamment des déficits jumeaux, interne et externe, déficit budgétaire et déficit du compte courant, qui ont engendré une baisse des réserves en devises, reléguant au second plan la réforme de change par rapport à l’urgence de la correction des agrégats macro-économiques.
Jusqu’en 2013, le solde extérieur du pays n’eut de cesse de se détériorer en continu et les réserves de change étaient très faibles, tandis que l’endettement du pays avait atteint un niveau très élevé, 65 % du PIB.
Aujourd’hui, le déficit budgétaire s’est réduit à 35% du PIB avec un solde ordinaire positif de 10 milliards de dirhams.
La balance des paiements est quasiment à l’équilibre et les réserves de changes couvrent pratiquement 6 mois d’importations, sachant que les exportations se sont beaucoup diversifiées avec l’industrie automobile, l’aéronautique, le textile, l’agro-alimentaire, aux côtés du phosphate qui fut longtemps le principal contributeur à l’export.
Et ces exportations continuent de croître au fil des mois, portées notamment par la reprise de la demande adressée au Maroc du fait d’un retour confirmé de la croissance dans la Zone Euro.
Toutefois, BAM et le Ministère des finances n’ont pas réellement perdu de temps car ils ont continué à travailler et préparer la réforme de la cotation du dirham sachant qu’ »après la pluie vient le beau temps ».
Ils ont sollicité des missions d’assistance du FMI et de la Banque Mondiale sur des aspects très importants dont celle d’évaluation du secteur financier, le « Financial Stability Assesment Program », FSAP, laquelle s’est déroulée en avril 2015. Puis, vint une mission d’assistance pour les aspects opérationnels de la transition vers le régime de change flottant.
En parallèle, Bank Al-Maghrib a multiplié les séminaires de haut niveau sur le ciblage de l’inflation dont celui sur « Les défis de la politique monétaire au niveau de la région MENA et les avantages de l’adoption d’un dispositif structurel de prévision et d’analyse » et un autre sur les benchmarks en la matière qui ont pratiquement lancé la réforme en question.
Puis, la Banque Centrale a enchaîné des réunions avec les professionnels de la place, les incitant de leur côté à organiser des réunions de sensibilisations de leurs clients.
Pour toute ces raisons, l’entrée en vigueur de la flexibilité de la cotation du dirham, dans une fourchette de – 2,5% à + 2,5 % contre – 0,3%, +0,3% précédemment au 15 janvier 2018, (avec un panier de devises constitué d’euros et dollars respectivement à 60 et 40%), ainsi huilée, apportera à l’économie de notre pays l’opportunité concrète d’un nouveau saut qualitatif.
Afifa Dassouli