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par SAFAA ELAABBASSI
Psychologue clinicienne, Psychothérapeute
Spécialisée en psychopathologie et psychologie clinique de travail
Professeur Vacataire de Psychologie
Le mois de Ramadan est un mois sacré chez les musulmans, mais il présente des défis d’adaptation, car il stimule le cerveau dans le changement des habitudes stables, tout en étant une période de spiritualité et de recueillement, mais il impose aussi des changements significatifs aux habitudes quotidiennes, notamment en matière de sommeil, d’alimentation et de gestion du stress. Dans un contexte professionnel marocain, ces bouleversements peuvent affecter la concentration, l’efficacité et la gestion des tâches, augmentant ainsi le risque d’erreurs professionnelles. Toutefois, avec une bonne compréhension des mécanismes psychologiques et cognitifs en jeu, il est possible d’optimiser son bien-être et sa performance au travail durant ce mois sacré.
L’impact du Ramadan sur les fonctions cognitives et émotionnelles
L’une des principales préoccupations pendant le jeûne est la sensation de fatigue et de baisse de concentration. Une croyance répandue est que le jeûne entraîne une diminution de l’humeur et une hypersensibilité, souvent nommée ‘TREMDINA’. Pourtant, ce sont des croyances fausses, car le jeûne en lui-même ne diminue pas la qualité de l’humeur ni les capacités intellectuelles, à condition qu’il soit bien géré. Le cerveau possède une plasticité exceptionnelle qui lui permet de s’adapter aux nouvelles conditions énergétiques. Cette plasticité cérébrale est essentielle pour la formation de nouvelles connexions neuronales et l’adaptation aux changements d’habitudes. Lorsque nous modifions nos rythmes alimentaire, de sommeil et d’activité mentale, le cerveau restructure ses circuits pour optimiser son fonctionnement. Ainsi, le changement des habitudes n’est pas un obstacle, mais une opportunité pour renforcer les capacités d’apprentissage, d’adaptation et de résilience cognitive. De plus, ces ajustements continus stimulent le cerveau sur le long terme en favorisant la création de nouvelles connexions neuronales, améliorant ainsi la flexibilité mentale et la capacité à résoudre des problèmes de manière plus efficace. Au lieu de fonctionner en continu sur un apport glucidique immédiat, il mobilise des réserves de glycogène et adopte un métabolisme plus efficace basé sur les corps cétoniques, qui peuvent même améliorer la concentration et la clarté mentale.
Sur le plan émotionnel, certaines personnes signalent une irritabilité accrue, mais cela est souvent lié à des facteurs externes surtout le manque de sommeil, la déshydratation ou des habitudes alimentaires inadaptées plutôt qu’au jeûne lui-même. En réalité, une alimentation équilibrée et un sommeil de qualité permettent de stabiliser l’humeur et de renforcer la résilience face au stress professionnel.
Le sommeil fragmenté : un défi majeur pour la performance professionnelle
La perturbation du cycle du sommeil entraîne plusieurs inconvénients. Un sommeil fragmenté réduit la durée et la qualité du sommeil profond, essentiel pour la récupération physique et mentale. Il perturbe également la production d’hormones comme la mélatonine, qui régule l’endormissement, et le cortisol, qui influence l’éveil et la gestion du stress. En conséquence, des niveaux accrus de fatigue, d’irritabilité et une diminution de la capacité d’analyse et de résolution de problèmes peuvent être observés. Cette désynchronisation biologique peut affecter la prise de décisions stratégiques et la concentration au travail.
L’un des plus grands défis du Ramadan est la perturbation des cycles du sommeil. Dormir tard et se réveiller une première fois pour le Suhur (dernier repas avant l’aube) puis une seconde fois pour se rendre au travail crée un sommeil fractionné, réduisant la phase de sommeil profond et altérant les capacités cognitives telles que la mémoire, l’attention et la prise de décision. La perturbation du cycle du sommeil entraîne plusieurs inconvénients. Un sommeil fragmenté réduit la durée et la qualité du sommeil profond, essentiel pour la récupération physique et mentale. Il perturbe également la production d’hormones comme la mélatonine, qui régule l’endormissement, et le cortisol, qui influence l’éveil et la gestion du stress. En conséquence, des niveaux accrus de fatigue, d’irritabilité et une diminution de la capacité d’analyse et de résolution de problèmes peuvent être observés. Cette désynchronisation biologique peut affecter la prise de décisions stratégiques et la concentration au travail.
L’impact des écrans et de la surcharge mentale
Pendant le Ramadan, de nombreuses personnes augmentent leur temps d’écran, que ce soit pour suivre des émissions télévisées, naviguer sur les réseaux sociaux ou travailler tard le soir. Or, une exposition excessive aux écrans avant le coucher retarde l’endormissement et diminue la qualité du sommeil, aggravant la fatigue diurne.
Pour contrer cela, il est conseillé de :
– Maintenir une heure de coucher stable est crucial pour préserver l’équilibre du système nerveux et la qualité du sommeil. Le cycle du sommeil est composé de plusieurs phases, dont le sommeil paradoxal, essentiel à la consolidation de la mémoire et à la régulation émotionnelle. Si le coucher est trop tardif ou irrégulier, le risque est d’interrompre ce cycle avant qu’il n’atteigne ses bienfaits cognitifs et physiologiques. Évitez donc les soirées prolongées et les variations d’horaires de sommeil afin que le réveil pour le Suhur ne perturbe pas la phase de sommeil profond, essentielle à la récupération mentale et physique.
– Éviter la surcharge cognitive en organisant ses tâches professionnelles de manière plus efficace et en réduisant le multitâche.
Des habitudes à réduire
Réduire la consommation de sucre durant le Ramadan est essentiel pour éviter les fluctuations importantes de la glycémie qui peuvent entraîner des baisses d’énergie, des troubles de l’humeur et des difficultés de concentration. En effet, les sucres rapides provoquent un pic de glucose dans le sang, suivi d’une chute brutale, ce qui peut accentuer la sensation de fatigue et l’irritabilité. Cette instabilité glycémique affecte également les fonctions cognitives en diminuant la capacité de concentration et la gestion du stress. À l’inverse, en optant pour des aliments à faible index glycémique, tels que les céréales complètes, les légumineuses et les protéines, le cerveau bénéficie d’un apport énergétique plus constant, favorisant une meilleure performance mentale et une stabilité émotionnelle. Toutefois, pour les personnes consommant régulièrement du café, il est courant d’adapter leur consommation en buvant de grandes quantités de caféine immédiatement après le Ftour. Cette pratique peut perturber le sommeil, en retardant l’endormissement et en affectant la qualité du sommeil profond. Pour éviter ces désagréments, il est recommandé de réduire progressivement la consommation de café durant la journée avant le Ramadan, de privilégier des alternatives comme le thé vert ou les infusions, et de limiter la prise de caféine après le Ftour afin de préserver un sommeil réparateur. De plus, certaines personnes ont tendance de compenser leur effort physique ou mental par une consommation de nourriture ou de sucre, ce qui peut entraîner une digestion difficile, une sensation de lourdeur et une baisse de vigilance. Il est recommandé de privilégier des repas équilibrés, riches en fibres et en protéines, afin d’assurer une libération d’énergie progressive et d’éviter les pics glycémiques. L’hydratation joue également un rôle clé : boire suffisamment d’eau entre le Ftour et le Suhur permet de maintenir un bon niveau d’énergie et d’éviter la fatigue liée à la déshydratation. Pour remplacer la stratégie mentale de compensation par la nourriture, il est essentiel de développer des stratégies alternatives qui favorisent un bien-être durable. L’une des approches les plus efficaces consiste à identifier les déclencheurs émotionnels qui poussent à manger en réponse au stress ou à la fatigue. Ensuite, il est conseillé d’adopter des méthodes de gestion du stress plus adaptées, telles que la respiration profonde, la méditation ou l’exercice physique léger tel la marche après le Ftour. De plus, pratiquer des activités engageantes et stimulantes sur le plan mental, comme la lecture ou les jeux de réflexion, permet de rediriger l’attention et d’éviter l’automatisme de la surconsommation alimentaire. Enfin, une meilleure planification des repas avec des portions équilibrées et des aliments à indice glycémique bas contribue à réduire les envies impulsives de grignotage.
Le Ramadan représente un défi d’adaptation pour le corps et l’esprit, mais il ne doit pas être perçu comme un obstacle à la productivité et au bien-être. Au contraire, le changement de notre quotidien est fait pour stimuler le cerveau et créer de nouvelles schématisations intellectuelles. Cependant, l’exposition excessive aux écrans, un sommeil mal organisé, une mauvaise hydratation et des croyances erronées concernant la baisse de productivité et d’attention au travail. En réalité, il est tout à fait possible de prendre des décisions importantes pendant le Ramadan, car le cerveau est plus stimulé, même sans notre café du matin ou de l’après-midi. Le café n’est qu’un petit stimulateur, tandis que la capacité à rester concentré et à suivre ses plans professionnels dépend bien plus de la discipline et de l’adaptation. La chute de productivité et la sensation de fatigue concernent uniquement les premiers jours du Ramadan, ce qui signifie que le cerveau prend du temps pour s’adapter. Il ne faut donc pas être déçu, mais plutôt respecter ce petit processus naturel, et poursuivre ses plans et ses projets professionnels en toute confiance et courage.
Bon ramadan.