C’est la Loi Organique de Finances, (LOF), adoptée en 2015 qui a permis la Budgétisation Sensible au Genre (BSG), ouvrant ainsi des opportunités inédites de nature à permettre aux départements ministériels d’indexer plus étroitement et de manière plus efficiente leur programmation budgétaire sur les impératifs d’équité genre.
Et, dans le cadre cette évolution fondamentale, le Rapport sur le Budget axé sur les résultats tenant compte de l’aspect genre (RBG) a fait l’objet, au cours de l’année 2019, d’une refonte structurelle pour rehausser encore davantage son apport en tant qu’outil d’évaluation des politiques publiques axée sur le genre.
L’édition du RBG qui accompagne la Loi de Finances 2020 marque, quant à elle, une rupture par rapport aux éditions précédentes tant au niveau du processus de sa préparation qu’au niveau de son contenu et des mécanismes de vulgarisation de ses résultats.
Refonte du Rapport sur le Budget axé sur les résultats et tenant compte de l’aspect genre
Le diagnostic mené, au titre de l’étude de refonte du RBG, et portant sur l’apport du RBG à la mise en œuvre et au suivi de la BSG au Maroc a révélé la persistance de quelques contraintes qui constituent plus des défis à relever et qui ont trait, particulièrement, à l’enrichissement régulier du système d’information national par des données sensibles au genre et à la conduite systématique d’analyses genre selon une perspective sectorielle.
A cela s’ajoute le renforcement de l’appropriation collective de la BSG par l’ensemble des parties prenantes.
Quant aux difficultés cernées, moyennant ce diagnostic, au niveau du contenu du RBG, elles font état de l’impertinence de certaines chaines de résultats sensibles au genre sous l’effet de l’indisponibilité des analyses genre, de l’insuffisance des traitements dédiés à certaines thématiques intéressantes liées à la BSG en termes d’effets bénéfiques de son application sur la prospérité économique du pays et de la nécessité de renforcer l’interaction entre le RBG et le Plan Gouvernemental pour l’Egalité (PGE II).
Partant de ces résultats, l’édition 2020 du RBG marque un début de rupture par rapport aux éditions précédentes et ce, en opérant plusieurs améliorations couvrant la mise en cohérence des chaînes de résultats sensibles au genre dans le RBG avec celles des Projets de Performance (PdP), la conception et l’utilisation d’un canevas clair et pertinent guidant les contributions sectorielles et la rédaction du Rapport, à travers une déclinaison détaillée des orientations à suivre comprenant des modèles et des explications adéquates.
De ce fait, le contenu du RBG est, désormais, structuré autour de trois parties dont deux permanentes en l’occurrence, celles traitant l’analyse des effets de l’égalité des sexes sur le développement socio-économique du Maroc (macro-criticité de l’égalité de genre), ainsi que l’analyse des efforts déployés par les départements ministériels en termes d’intégration de la dimension genre dans leur pratique de programmation et ce, en ligne avec les dispositions de la LOF en termes d’opérationnalisation d’une démarche performance sensible au genre.
Importance économique de l’égalité genre : qu’en est-il pour le Maroc ?
Pour ce qui est de l’analyse des effets de la réduction des inégalités de genre sur la croissance économique, plusieurs études ont mis en exergue le rôle important de l’effectivité de l’égalité de genre en matière de dynamisation de la croissance économique et de consolidation de la stabilité sociale. C’est dire que l’égalité de genre est d’une importance macro-critique.
A cet égard, il y a lieu de noter que plusieurs études ont relevé les canaux par lesquels l’autonomisation économique des femmes contribue au renforcement de l’activité économique dans sa globalité. Selon le FMI, l’élimination des disparités femmes–hommes pourrait entraîner des augmentations considérables du PIB allant jusqu’à 35% en moyenne (80% de cette progression provient de la hausse de la population active et les 20% restant s’expliquent par les bienfaits induits par la diversité genre sur la productivité).
Au Maroc, où la baisse de la participation des femmes à la population active constitue l’une des principales sources d’inégalité de genre (taux d’activité des femmes ne dépassant pas 22,2% en 2018), l’étude menée par le FMI a permis de quantifier les pertes en termes de croissance et de revenu générées par la faible participation des femmes au marché du travail.
Les conclusions relevées par ladite étude indiquent que les inégalités entre les sexes peuvent expliquer les écarts du taux de croissance du PIB par habitant du Maroc par rapport à plusieurs groupes de référence (Asie, Europe émergente et Amérique Latine).
En effet, la réduction des inégalités entre les sexes et l’amélioration des taux de scolarisation au Maroc aux mêmes niveaux que ceux enregistrés en moyenne par les groupes de pays de référence, permettraient à notre pays d’accroitre le taux de croissance de son PIB réel par habitant par rapport à ses trois groupes respectivement de 1%, de 1,5% et de 0,75%.
Ces résultats confortent les conclusions de l’étude menée par le Ministère de l’Économie et des Finances en partenariat avec Policy Center for the New South qui atteste de la réalisation d’un gain économique additionnel estimé (selon le scénario retenu) de 0,2 à 1,95 point de pourcentage en rythme annuel du taux de croissance du PIB, comme conséquence de la mise en place de politiques appropriées pour réduire les discriminations basées sur le genre en milieu du travail, conjuguée au renforcement du pouvoir de négociation de la femme au sein du ménage.
Vers une application et appropriation de la démarche performance sensible au genre par les départements ministériels
Quant à l’analyse des efforts déployés par les départements ministériels en termes d’intégration de la dimension genre dans leur pratique de programmation, son contenu est fondé sur le canevas de rédaction nouvellement conçu et dument renseigné par les départements ministériels.
Ce canevas met l’accent sur le recours des départements ministériels aux analyses genre ainsi que la prise en compte des résultats émanant de ces analyses dans l’identification de chaines de résultats sensibles au genre, l’alignement de ces chaînes de résultats sur la stratégie du département et sur ses champs d’intervention dans le PGE II, l’existence d’une coordination interministérielle en matière de promotion de l’égalité de genre et les détails relatifs aux chaines de résultats sensibles au genre mises en place par le département enrichis par des réalisations chiffrées relatives à l’année 2018.
Le canevas couvre, en outre, les activités en cours et en perspective qui relèvent de chaque département et qui ne sont pas prises en compte dans les chaines de résultats sensibles au genre. Les dispositions à caractère juridique, règlementaire et institutionnelle mises en œuvre et prévues par chaque département ministériel y sont également traitées.
La nouvelle approche analytique suivie pour assurer un suivi et une évaluation des politiques publiques sous le prisme genre a porté, dans un premier temps, sur un lot composé de 21 départements ministériels dans la perspective de généraliser l’approche à l’horizon de la Loi de Finances 2022.
Les institutions concernées
Le diagnostic réalisé dans le cadre de l’étude de refonte du RBG est basé sur un questionnaire destiné aux parlementaires (groupe thématique parlementaire pour la parité et l’égalité), aux Ministères de l’Économie, des Finances et de la Réforme de l’Administration ; du Travail et de l’Insertion Professionnelle ; de l’Industrie, du Commerce, de l’Économie Verte et Numérique ; de l’Équipement, du Transport, de la Logistique et de l’Eau ; de l’Éducation Nationale, de la Formation Professionnelle, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique ; de la Santé ; de l’Agriculture, de la Pêche Maritime, du Développement Rural et des Eaux et Forêts ainsi qu’au Haut-Commissariat au Plan.
(Extraits du rapport de la DEPF)