La récente visite officielle du Président Emmanuel Macron en Algérie n’a pas vraiment eu d’échos importants au Maroc.
La presse nationale a plutôt réservé à ce sujet un traitement du style « minimum syndical », matérialisé par quelques entrefilets ou la relation factuelle de cette visite.
Mais d’analyse sur le fond, point.
Sans doute parce que notre éducation et notre respect de la déontologie nous empêchent de nous immiscer dans les affaires intérieures de nos voisins…
Pourtant, ce séjour, bref mais riche en enseignements, mérite quelques remarques, lesquelles, peut-être, ne seront pas du goût des « frères de l’EST ».
On notera, d’abord, que ni le président Macron, ni son entourage, n’ont eu le mauvais goût de gloser, par réseaux sociaux interposés, sur l’état de santé du Président Bouteflika, au contraire d’un certain Manuel Valls, auteur d’une indélicatesse qui avait profondément heurté l’Algérie.
Avec Emmanuel Macron, on comprend que des valeurs et des principes président désormais à la démarche des officiels français, ce qui sera apprécié de tous… sauf peut-être d’une bonne partie de la presse hexagonale, de plus en plus saisie par le démon de la « pipolisation », terme qu’on préfèrera, de par sa référence au mot « pipo », à l’anglicisme « peopolisation ».
Du passé, faisons table rase…
La seconde remarque inspirée par ce séjour algérien du Président de la République française exprime le profond hiatus qui s’est révélé lors de ce déplacement entre les approches de la relation franco-algérienne et algéro-française.
La classe politique d’El Djezaïr et la presse algérienne sont encore dans le pathos, l’affectif, le ressentiment et le passé lorsqu’il s’agit des rapports avec l’ancien puissance coloniale.
L’Algérie, qui a fait de son « million de martyrs » un fonds de commerce inépuisable, est toujours persuadée que la bilatéralité avec la France doit d’abord et avant toute chose passer par l’Histoire, la guerre d’indépendance et, surtout, le remord (pour les Français, bien sûr).
C’est le syndrome du rétroviseur qui caractérise cette approche, mais à l’occasion de la visite du Président Macron, on s’est vite rendu compte que ce dernier, né 25 ans après les Accords d’Evian, n’avait cure de cette historicité omniprésente, lourde à porter et qui, objectivement, nuit au développement de relations décomplexées et évolutives entre Paris et Alger.
Emmanuel Macron regarde vers l’avenir en prenant appui sur le présent de deux peuples, Etats et pays qui ont, certes, un passé commun, mais qu’il convient de laisser à l’étude des historiens et des sociologues plutôt qu’entre les mains de politiciens aptes à l’instrumentalisation.
C’est donc pour cela que lors de son séjour algérois, le Président français, contrairement à ses prédécesseurs, a observé une attitude aussi franche que décomplexée, refusant de « battre sa coulpe » comme l’exige en chaque occasion la presse algérienne.
Sahara marocain, une position ne varietur
Enfin, il est une dernière remarque à propos de cette visite « d’amitié et de travail » d’Emmanuel Macron en Algérie qui concerne et intéresse directement le Maroc et les Marocains.
En effet, la presse algérienne n’a point manqué d’interpeler le chef de l’Etat français à propos de la position de Paris sur la question du Sahara occidental marocain.
On sait que l’Algérie considère que la France est un « obstacle majeur » en cette affaire, lui reprochant de soutenir la cause marocaine à l’ONU et tout particulièrement devant le Conseil de Sécurité.
Alger, ses plumitifs, mais également les séparatistes du polisario dénoncent « l’approche unilatérale » de la France et au terme de la visite de M. Macron, les critiques et attaques ont fusé contre la position française que le Président de la République a rappelée avec conviction et franchise, au grand dam des partisans de la sécession.
La France, se situant d’ailleurs en parfaite harmonie avec les résolutions du Conseil de Sécurité sur cette problématique, (cf. la résolution du 30 avril 2017), et le premier rapport introductif du Secrétaire général Guterres, considère que la solution passe d’abord par l’implication directe de l’Algérie dans le processus de règlement de cette question.
Et le Président Macron n’a point hésité à le dire aux journalistes d’Al Watan.
De quoi révulser les dirigeants algériens et le polisario qui s’échinent depuis des décennies à souligner le caractère strictement « maroco-polisarien » de cette affaire, mais qui ne correspond en rien à la réalité.
Tout autant que l’Espagne, la France, au passé colonial avéré en cette partie de l’Afrique du Nord, connaît les origines du problème, les acteurs réels et les soubassements de cette injustice historique faite au Royaume du Maroc, à son unité nationale, à son intégrité territoriale.
Emmanuel Macron ne s’embarrasse guère de circonvolutions oratoires pour dire la vérité en pressant l’Algérie de se rapprocher du Maroc pour une solution définitive de cette question.
Exit le polisario, la fantomatique RASD, les mercenaires de Tindouf, mais aussi les rêves « grand-prussiens » et bismarckiens de la brochette gérontocratique qui dirige l’Algérie depuis 1962 !
C’est la nomenklatura algéroise qui a généré et entretenu ce conflit artificiel depuis plus de quarante années et le Président Macron, venu au monde deux ans après la Marche Verte, a su dire leur fait aux responsables algériens.
Une position responsable, positive, franche et de nature à prouver à tous que les desseins séparatistes ne seront pas admis à Paris, et donc à Bruxelles et à New York.
De quoi inquiéter sérieusement l’Algérie des généraux et ceux qui la servent alors que l’ONU dispose d’un Secrétaire général mieux au fait des réalités nord-africaines qu’un citoyen coréen, et qui a nommé comme représentant personnel pour le Sahara, un ancien président de la République allemande réunifiée…
Certes, Emmanuel Macron n’a point, tel le Général de Gaulle devant la foule amassée le 4 juin 1958 sur la place du Forum à Alger, prononcé le célèbre « Je vous ai compris », mais ses réponses à la presse algérienne ont montré qu’il avait effectivement perçu la nature réelle de la problématique sahraouie.
Ce qui nous permet de dire que la France est aujourd’hui dirigée par un Président qui dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit.
Quel bonheur !
Fahd YATA