La 5ème édition du Forum Afrique Développement organisée par Attijariwafa bank, a mis en avant un concept économique innovant pour le continent africain, celui de l’économie inclusive.
Proposé par le Maroc, cet appel à une nouvelle orientation économique revêt une importance toute particulière. En effet, selon l’adage « on n’est jamais mieux servi que par soi-même », le défi pour notre pays porterait sur la mise en œuvre de cette économie qualitative chez nous tout en la partageant avec nos partenaires africains.
Toutefois, le diagnostic désastreux qui a été fait par nombre d’intervenants de ce forum, qu’ils soient Africains ou Marocains, de la situation économique et sociale de l’Afrique, impose des solutions d’urgence alors que l’économique inclusive ne peut porter ses fruits que sur un moyen terme. D’autant que les constats économiques communs notamment aux pays de la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest, CEDEAO, à laquelle le Maroc aspire à adhérer sont les suivants :
Tout d’abord, il faut savoir que le Continent Africain dans son ensemble bénéficie de terres arables, des plus larges réserves naturelles au monde, d’un marché en développement de 1,2 milliard de consommateurs et d’une population jeune, 70 % de la population sub-saharienne ont moins de 30 ans. Ce sont autant de promesses d’un très fort potentiel de croissance.
Cependant, aujourd’hui ce potentiel n’est pas utilisé en faveur de la croissance économique puisque chaque année 12 millions de jeunes arrivent sur le marché de l’emploi, dont la moitié reste au chômage ! C’est dire que la croissance économique en Afrique n’a pas d’impact significatif sur la création d’emplois et l’amélioration des conditions de vie.
De plus, cette même croissance connaît un ralentissement inquiétant, son taux a perdu un point de base en 10 ans et 3 Pdb en15 ans.
Alors que la population prévue en 2050 atteindra les 2,4 milliards d’individus, avec un taux d’urbanisation de 60%, la problématique de l’emploi ne peut que s’aggraver.
Mais aussi celles de la sécurité alimentaire, du logement et de la couverture sociale.
Il faut savoir que les solutions à cette situation ne sont pas encore engagées. Ainsi, l’industrie que l’on prétend créatrice d’emplois, atteint à peine 10% du PIB. L’Afrique ne transforme donc pas assez et ni ne crée de la valeur !
De plus, 12% seulement du commerce en Afrique s’effectuent entre pays du continent.
En comparaison, le commerce intra-régional atteint 24% en Asie du Sud-Est, 40% en Amérique du Nord, et 60% en Europe !
Croissance inclusive, les composantes et les bienfaits
Pour toutes ces raisons, parmi les nouvelles orientations possibles, l’économie inclusive est un choix de politique économique pour affronter les maux endémiques de l’Afrique.
A moyen terme, la croissance inclusive parce qu’elle profite aux différentes catégories socio-économiques, en assurant tout particulièrement la promotion de l’emploi des jeunes, peut s’avérer efficace et pérenne.
En effet, la croissance inclusive se réfère à la fois à un rythme et un modèle de croissance économique. Elle diffère de la redistribution des revenus directs ou croissance partagée. L’approche de croissance inclusive adopte une perspective à plus long terme et met l’accent sur l’emploi productif comme un moyen d’accroître les revenus des exclus.
Par définition, elle est censée être intrinsèquement durable et réduire les disparités entre les plus pauvres et les riches. Elle agit sur les différences causées par les politiques unilatérales destinées à relancer la croissance.
La croissance inclusive est un concept participatif qui permet aux gens de contribuer à la croissance économique et d’en bénéficier.
Ainsi, la «croissance inclusive» en tant que stratégie de développement économique, est née de la préoccupation basée sur le fait que les avantages de la croissance économique ne sont pas équitablement partagés. La croissance devient donc inclusive quand elle crée des opportunités économiques tout en garantissant l’égalité d’accès à ces dernières. En plus de traiter la question des l’inégalité, la croissance inclusive consiste aussi à mettre en œuvre des efforts de réduction de la pauvreté plus efficaces tout en créant explicitement des possibilités économiques productives pour les pauvres et les plus vulnérables de la société.
Inversement au raisonnement économique classique selon lequel la croissance économique créé des emplois, apporte le bien être, etc., la croissance inclusive, en englobant la population jusque-là exclue, peut même accélérer le rythme de la croissance économique.
On aura compris qu’il s’agit d’un concept qui consiste en un processus d’implication des exclus comme agents économiques et leur participation à la conception même du processus de développement.
Ils ne sont plus des cibles de bien-être des programmes de développement mais en sont aussi des acteurs.
Les conditions de la mise en œuvre
Toutefois, l’aboutissement à une croissance inclusive exige de nombreuses réformes.
Ce concept de « croissance inclusive » a été appliqué dans de nombreux pays de l’Asie notamment, comme en Chine, Inde, Indonésie et Malaisie. Par exemple une des stratégies de croissance inclusive consiste à favoriser la croissance d’une classe moyenne robuste, qui mène à une économie axée sur la consommation ou les services aux citoyens. Elle peut aussi préconiser la réduction du gaspillage par des efforts individuels ou des interventions étatiques, afin de favoriser la hausse de la demande de services.
Principalement, la croissance inclusive impose des stratégies générales qui consistent à accroitre le rythme de la répartition de la croissance au niveau de tous les secteurs de l’économie, afin d’offrir des emplois productifs au plus grand nombre dans une optique d’équité.
L’économie inclusive se mesure d’ailleurs par le PIB par habitant, la proportion de travailleurs dans divers secteurs, l’accès à l’infrastructure économique, les indicateurs de pauvreté comme l’accès à l’eau, la santé et à des programmes d’assainissement.
Enfin, selon le PNUD qui pratique la mise en œuvre de ce concept dans nombres de pays et qui a fait un rapport récemment sur « comment une telle pratique peut aider à baisser le chômage au Maroc, « la croissance inclusive n’est autre qu’une croissance élevée et soutenue, diversifiée entre les secteurs et partagée, soit incluant une large partie de la population active, offrant des opportunités égales d’accès aux marches et aux ressources.
La croissance inclusive est la croissance « pro-pauvres », qui réduit les problèmes des personnes vulnérables et des plus défavorisés et qui bénéficie à tout le monde.
C’est une croissance économique qui crée des opportunités pour tous les segments de la population et qui distribue les dividendes de la prospérité accrue tant en termes monétaires que non monétaires équitablement pour toute la société. »
En conclusion, certes l’économie inclusive consiste en une alternative au capitalisme sauvage, mais elle ne peut s’appliquer que d’une seule et unique façon, par la mise en place d’une économie incitative générale à tous les secteurs concomitamment !
Les États africains doivent y concentrer le maximum de leurs moyens et implémenter des politiques sectorielles ciblées.
Le Maroc a lancé une politique de réorientation économique qui commence à porter ses fruits. Toutefois, elle est néanmoins insuffisante pour répondre aux exigences de l’économie inclusive. Aujourd’hui donc, cette dernière reste une ambition, et peut devenir, sous condition d’une volonté politique, une directive à moyen terme, qui pourra se concrétiser petit à petit dans le temps, en fonction des moyens qui seront mis en œuvre…
Afifa Dassouli