M. Driss Alami, adel de son état, a dirigé l’association des Adouls de Casablanca. Dans l’entretien qui suit, il expose les avantages de cette ouverture de la profession adulaire aux femmes, considérant que leur apport sera aussi bénéfique qu’important pour une profession jusque-là réservée aux hommes, une exception au niveau des professions du système juridique marocain depuis fort longtemps égalitaire.
La Nouvelle Tribune : M. Alami, suite à l’ouverture de la profession de Adel à la Femme marocaine, pouvez-vous nous présenter votre profession d’Adouls, (Adel au singulier) ?
M. Driss Alami : Tout d’abord, je tiens à saluer la récente décision prise par Sa Majesté le Roi qui aura permis une telle avancée ! Personne à ce jour n’en a eu le courage alors que le Conseil Supérieur des Oulémas, consulté sur cette question, a répondu que rien ne s’opposait à ce que la femme exerce le métier de Adel comme le font les hommes depuis toujours.
Rappelons que sommes 4 000 adouls au Maroc auxquels vont s’ajouter 800 nouveaux, en cours de recrutements.
Pour exercer cette profession, il faut être titulaire d’une licence en droit, passer un examen de candidature puis obtenir le diplôme de adel au terme d’une formation dispensée par le ministère de la justice, et d’une durée de deux ans. Bien sûr, il s’agit d’une profession assez limitée du fait que les recrutements de nouveaux adouls se font en fonction de la demande des différents tribunaux du Royaume. Donc, à la suite de l’ouverture de la profession des adouls aux femmes, celles-ci seront donc membres de plein droit de notre corporation et j’espère que le recrutement effectif de la moitié de la nouvelle promotion, leur sera réservé. Si c’est le cas, elles pourraient être quatre cents femmes à démarrer dans ce métier.
Quel est le champ de l’exercice de la profession adulaire ?
La profession des adouls en est charge du notariat courant, notamment les signatures des actes notariés, tous les actes se rapportant au Code de la Famille et au Statut personnel, les actes de filiation, de succession, les actes testamentaires, les transferts de biens et les attestations de litiges de personnes qui veulent ester en justice, etc.
Les notaires modernes, quant à eux, sont spécialisés dans les affaires relatives aux sociétés, de leur constitution aux opérations de capital, les fusions et acquisitions, mais aussi tous les actes portant sur les propriétés immobilières, etc.
Comment réagit la profession de adouls à cet élargissement de leur métier aux femmes ?
La profession des adouls en est d’autant plus satisfaite qu’elle avait notamment exprimé dans une lettre adressée à Sa Majesté le 15 juillet en 2014, entre autres demandes, celle que la femme puisse exercer le métier de Adoul ou la « Mouhima de adel ». Le sens de cette demande était de permettre à notre profession de se hisser au même niveau que les autres professions du système judiciaire.
En souhaitant cette féminisation, nous voulions faire évoluer le métier de Adel et favoriser à terme la réunification des professions adulaire et notariale
Je rappellerai à ce sujet qu’en 1960, le ministre de la Justice M. Bahnini avait fait remarquer que le Maroc ne pouvait continuer à avoir deux professions différentes en notariat et proposé un projet de loi pour l’unification des notariat moderne et traditionnel, lequel texte, malheureusement, avait été enterré.
Plus tard, en 1994, l’un de ses successeurs, M. Alami Machichi avait cherché à apporter une solution à cette situation de double notariat.
Et le corps professoral des adouls a lui aussi pris position en ce sens à l’occasion de plusieurs congrès successifs.
Que va apporter cette évolution de femme adel ?
La décision en question de Sa Majesté va conforter l’égalité entre l’homme et la femme et mettre en avant la contribution de la femme dans la société. Le terme Adoul n’a pas une traduction précise en langue française, on l’assimile souvent, à tort, aux notaires.
Or les femmes notaires sont nombreuses dans notre pays, alors que le métier de adel vient de leur ouvrir ses portes.
Je reste convaincu que les femmes vont exercer le métier de Adel avec leurs propres visions et en fonctions de leurs propres opinions et convictions et prendront à cœur ce nouveau métier qui leur donne une nouvelle opportunité d’épanouissement. Donc, je vous affirme que nous, adouls, sommes très satisfaits de cette décision qui va permettre à notre profession de s’ouvrir.
Entretien réalisé par
Afifa Dassouli