Après la Silicon Valley aux Etats-Unis et Kista en Suède, notre voyage se poursuit autour du monde pour découvrir les villes et les écosystèmes les plus innovants de la planète avec cette fois-ci un arrêt à Singapour !
Cette “ville-état” de 5,31 millions d’habitants, classée troisième dans l’Indice mondial de l’innovation pour la deuxième année consécutive, a une approche très particulière de l’innovation.
L’écosystème singapourien se base en effet beaucoup plus sur la verticalité d’une stratégie très stratifiée décidée par le cabinet du premier ministre que sur le travail collaboratif et participatif de plusieurs acteurs indépendants.
Comment donc les singapouriens arrivent-ils à innover alors que des règles très strictes leur sont imposées au plus haut niveau de l’état ?
Nous essayerons de répondre à cette question complexe en nous intéressant d’abord à l’histoire et à la culture hors du commun de cet état-ville pour ensuite analyser son écosystème d’innovation vertical si singulier…
Un pays colonisé…
Historiquement, Singapour a toujours été l’objet de convoitises de puissances coloniales en raison de sa situation géographique stratégique. Les Néerlandais, français, japonais et britanniques voulaient en effet y installer leur base navale et en faire un poste commercial.
Ce sont finalement les britanniques qui arriveront à s’imposer et, de 1867 à 1965, Singapour sera une “colonie de la couronne”.
Durant cette période, l’immigration se développera fortement. Les Britanniques firent venir dans cette région peuplée essentiellement d’ethnies Malaisiennes, des travailleurs Chinois et Indiens pour développer le commerce et travailler dans les plantations d’hévéas.
Lorsqu’en 1965, Singapour acquiert son indépendance, le pays est encore très fragile : des ressources naturelles quasi-inexistantes, un approvisionnement en eau potable dépendant principalement du pays voisin, la Malaisie, et une capacité de défense très limitée.
Lorsque le premier ministre Lee Kuan Yew prend ses fonctions en 1965, il comprend très tôt que des conflits entre les différentes ethnies qui composent la société singapourienne.pourraient très rapidement dégénérer en guerre civile et compromettre l’unité nationale.
Dès lors, les trois principaux sujets de préoccupation du premier ministre furent la sécurité nationale, les problèmes sociaux et l’économie.
Neutralité et Forces armées singapouriennes
Pour régler le problème de la sécurité nationale, Lee Kuan Yew adopta très rapidement une stratégie qui allait être payante. Une reconnaissance internationale de l’indépendance de son pays via l’ONU couplée avec un non-alignement et une politique de neutralité !
En parallèle, il mettra discrètement sur pied les forces armées de Singapour en demandant l’aide d’Israël pour contrer les menaces communistes de certains voisins (surtout l’Indonésie).
Nous verrons, un peu plus tard, que ce paradoxe flagrant entre un état pacifiste et une armée dont le budget en 2009 atteignait 8,4 milliards d’euros, (soit 5 % du produit intérieur brut, l’un des pourcentages les plus forts de la planète) n’est pas le seul qui caractérise SIngapour !
L’harmonie par le multiculturalisme!
Pour éviter tout risque de conflits sociaux au sein de la jeune population multiethnique de Singapour, Lee Kuan Yew, premier ministre visionnaire, utilisera avec habileté le confucianisme (philosophie de vie ancestrale chinoise ayant une très grande influence dans toute l’asie) pour unir les singapouriens autour d’une identité nationale particulière : l’harmonie par le multiculturalisme !
Il veillera ainsi à ce que chaque ethnie puisse pratiquer sa religion librement sans pour autant qu’elle n’ai le droit de faire du prosélytisme ou d’avoir des privilèges particuliers sur une autre.
Un système autoritaire et intransigeant a été mis en place pour éviter le plus possible les frictions possibles entre les différentes ethnies qui pouvaient déraper très rapidement.
En 1974 par exemple, le gouvernement recommanda ainsi à la Société de la Bible de Singapour de cesser toute publication de documentation religieuse en malais !
Via différentes dispositions légales et avec la vigilance d’un corps policier engagé, chaque forme d’héritage culturel et religieux a ainsi pu être préservée et valorisée !
Un pouvoir politique fort au service d’une économie libérale
Pour atteindre son 3ème but (la construction d’une économie solide), il mettra en place le concept de pouvoir politique fort au service d’une économie libérale !
Un pouvoir politique fort signifie un engagement total des fonctionnaires politiques et un système policier répressif qui bloque la société civile de toute tentative de remise en question des stratégies du gouvernement !
Une économie de marché signifiait, pour Lee, une ouverture aux capitaux étrangers et aux investissements des multinationales afin de développer les industries à forte utilisation de main-d’œuvre et de tuer à la source les problèmes sociaux liés au chômage.
Son gouvernement mis donc en place, très rapidement, des politiques fiscales avantageuses, un environnement d’affaires transparent et une stratégie industrielle qui sera enrichie plus tard par d’autres secteurs à plus forte valeur ajoutée tel que les disques durs et les semi-conducteurs.
Ce modèle, complètement nouveau pour l’époque, a tellement bien fonctionné qu’il inspirera Deng Xiaoping l’ancien leader chinois pour mener les réformes nécessaires au développement de la Chine après la mort de Mao Zedong !
Ce principe politique est encore utilisé de nos jours dans de nombreux autres pays asiatiques et continue à fonctionner de manière très efficace.
En quelques décennies, les 3 axes clés stratégiques du développement de Singapour (sécurité nationale, paix sociale et économie) mis en place par un premier ministre visionnaire, contribueront à faire de ce petit pays, un des états les plus stables et performants du monde.
Nous verrons dans le prochain article, comment les valeurs et la détermination du charismatique premier ministre Lee Kuan Yew, resté pendant 30 ans au pouvoir, ont joué un rôle déterminant dans la stratégie de stabilisation et développement du pays qui continue, encore aujourd’hui, à porter ses fruits !