Tout comme Internet, la Blockchain est avant tout un technologie qui se base sur un protocole informatique.
Si le premier s’est répandu dans le monde entier grâce à de nombreuses applications et services très populaires comme le World Wide Web, le courrier électronique ou encore la messagerie instantanée, la blockchain, elle, dispose aussi d’outils très puissants pour exploiter au mieux tout son potentiel !
Ethereum, smart contrats, tokens sont les nouveaux mots auxquelles il va bientôt falloir s’habituer car ils pourraient bien, très prochainement, se diffuser largement à travers la planète…
Ethereum ou le web 3.0…
Internet a certes permis de révolutionner les échanges d’informations entre les humains mais il n’a malheureusement pas su établir la confiance nécessaire et suffisante pour se passer d’intermédiaires et d’instances de contrôle et cela malgré l’avènement du web 2.0.
La Blockchain, technologie décentralisée permettant d’avoir de la transparence et de la traçabilité dans les échanges, était donc toute désignée pour accomplir peut-être la dernière grande mutation du web : Un web 3.0 qui deviendrait enfin le premier réseau mondial de confiance capable d’effectuer de manière décentralisée, des échanges d’informations, de biens et de services générées par les utilisateurs eux-mêmes !
Satoshi Nakamoto et Vitalik Buterin, deux génies de l’informatique, sont certainement les deux personnages les plus emblématiques de ce nouveau cyberespace mondial.
Si le premier a crée avec succès le Bitcoin, première crypto-monnaie garantissant sécurité et transparence à ses acquéreurs, le deuxième, lui s’est montré encore plus ambitieux en créant Ethereum, la première plateforme capable de faire tourner tout type d’applications reposant sur la technologie blockchain et que l’on appelle les dapps !
Techniquement, cela veut dire que n’importe quel développeur peut créer du code, dans un langage de programmation dédié, le Solidity, qui s’exécutera non plus sur un serveur appartenant à une organisation spécifique (société privée ou étatique) mais sur l’ensemble des ordinateurs des utilisateurs !
Cette spécificité technique vaut à Ethereum d’être qualifié de « premier véritable ordinateur global ! »
Ouverte à tous et simple d’utilisation, cette plateforme accueille déjà plusieurs concepts très prometteurs se basant essentiellement sur un système révolutionnaire : les « smart contracts »
« Smart Contracts », les programmes-logiciels de confiance de la Blockchain !
Contrairement à ce que l’on pourrait penser les smarts contracts ne sont pas des contrats intelligents mais plutôt des programmes informatiques qui permettent de les exécuter !
Ils fonctionnement selon le principe de « l’instruction conditionnelle » c’est à dire de type « if – then » (si telle condition est vérifiée, alors telle conséquence s’exécute).
Pour bien comprendre ce concept révolutionnaire qui est au cœur du fonctionnement d’Ethereum, je vous propose de revenir sur le concept d’ »ubérisation d’Uber ».
Dans le système actuel, vous pouvez commander une course Uber en utilisant son application que vous pouvez télécharger sur l’appstore de Google ou d’Apple.
Celle-ci assure aux deux parties qui sont le prestataire (le conducteur) et le client (qui est conduit) la garantie que la prestation pourra être exécutée dans les conditions voulues.
Uber assure d’une part au conducteur que le client le paiera une fois la course effectuée et d’autre part donne au client toutes les informations et les garanties nécessaires (temps nécessaire pour que la voiture arrive, détail sur le chauffeur, sur la voiture, etc.) que celui-ci est en droit d’exiger.
Pour bénéficier des services d’Uber, vous devez cependant accepter de lui communiquer toutes vos données personnelles et lui verser une commission de 20% sur le prix de la course que l’entreprise fixe de manière unilatérale !
Dans le système Blockchain, les deux parties n’ont plus besoin d’Uber pour se rendre service mutuellement !
Ils peuvent profiter d’un service similaire (une mise en relation pour l’exécution de trajets de voitures) sans les inconvénients majeurs liés à l’intervention « d’un tiers de confiance » !
En effet, le prestataire et le client peuvent utiliser un « smart contract » développé spécifiquement pour ce service.
Ce programme, déployé dans une application éléchargeable sur un smartphone, permet de garantir aux deux parties l’exécution juste et prédéfinie de la prestation car les termes et conditions sont inscrites à l’avance sur la Blockchain que personne ne pourra les changer par la suite et donc potentiellement les contester !
Comment ça marche ?
Concrètement, cela veut dire qu’un utilisateur peut parcourir en amont les profils des chauffeurs disponibles et choisir celui souhaité de la même manière qu’il a l’habitude de faire avec l’application Uber.
Les chauffeurs, en revanche, sont libres, eux, de fixer leurs propres tarifs, d’indiquer les moyens de paiement qu’ils acceptent, et d’offrir des services additionnels comme des livraisons ou une visite guidée de leur ville ou quartier.
Une fois la course ou le voyage terminé, le paiement est alors automatiquement effectuée. Dans le cas où la prestation ne remplit pas les conditions mentionnées dans le smart contract entre les deux parties, le paiement ne s’effectue pas !…c’est aussi simple que ça !
Christopher David, un ancien chauffeur américain de la plateforme Uber, ambitionne d’utiliser ce type de smart contract pour révolutionner les plateformes peer-to-peer de services (mise en relation directe entre utilisateurs).
La plafeforme Arcade City qu’il a crée, veut démocratiser ce type de services en garantissant à ses utilisateurs que celle-ci restera leur propriété et ne pourra plus être revendu à un groupe privé :
« Si nous gagnons 2 milliards de dollars de revenus annuel, ils ne serviront pas à remplir les poches des investisseurs : ils seront réinvestis pour nos chauffeurs et pour améliorer l’expérience des utilisateurs. »
La très prometteuse startup Slock.it , spécialisée dans les smart contracts utilisant les objets connectés, en a même fait son slogan : « louez, vendez ou partagez n’importe quel objet – sans intermédiaire ».
Les smart contracts peuvent ainsi redonner tout son sens à l’économie collaborative en permettant aux travailleurs indépendants de gagner en autonomie et en revenu.
De nombreuses startups l’ont compris et des projets comme ceux cités ci-dessus, ne sont que des premières tentatives pour sortir la « killer app » qui réussira à séduire le grand public et à démocratiser la technologie Ethereum à l’échelle de la planète !
Les smart contracts au service des entreprises
Les applications potentielles des smarts contracts sont en réalité presque illimitées et ne se cantonnent pas seulement aux concepts de l’économie collaborative.
Elles peuvent en réalité avoir un réel impact sur pratiquement l’ensemble des secteurs de notre économie actuelle.
Les entreprises d’aujourd’hui peuvent ainsi utiliser le système de smart contracts à leur avantage pour réduire leurs coûts de vérification, d’exécution, d’arbitrage ou encore de lutte contre la fraude.
Les smart contracts peuvent aussi les aider à mieux satisfaire leurs clients en mettant en place des solutions qui s’exécutent automatiquement dès que les conditions requises sont remplies.
Pour illustrer le gain potentiel pour les entreprises, nous prendrons pour exemples deux secteurs assez bien représentés dans notre économie actuelle : la banque et les assurances !
Assurances
Dans le secteur des assurances, le problème du retard ou de l’annulation des vols d’avions est un bon exemple d’une utilisation intelligente des smart contracts pour optimiser le système de remboursement.
Selon les enquêtes de satisfaction menées par les compagnies d’assurances, 60% des passagers assurés contre le retard ou l’annulation ne revendiqueraient jamais leur argent !
Ces enquêtes révèlent que c’est souvent par oubli ou parce qu’ils trouvent la procédure trop longue et pénible (remplir des documents et formulaires de remboursements contraignants, faire le suivi auprès de leur assureur, etc.) que les clients, pourtant assurés contre ce genre d’incidents, ne se font pas rembourser !
Une compagnie d’assurance qui mettrait en place un smart contract pour ses clients pourra les rembourser automatiquement si un avion a du retard ou est annulé sans que ces derniers n’aient besoin de contacter par mail ou par téléphone leur assurance ni de remplir de documents à posteriori !
Les compagnies d’assurance elles-même n’auront plus besoin de traiter physiquement les demandes. Il leur suffirait simplement de relier leur système d’information à celui des vols d’avion des compagnies aériennes et des aéroports !
La startup InsurEth ainsi que de nombreuses autres proposent aux assurances ces nouveaux types de services basés sur les smart contracts de la blockchain Ethereum
Banques
Dans le secteur bancaire, certaines opérations sensibles comme les virements de fonds ne peuvent pas être exécutées par un seul employé. Il faut, en général, la signature de deux ou trois personnes différentes au sein de la banque.
Avec les smart contracts, plus besoin d’une autorité pour vérifier que les procédures adéquates sont appliquées : si les critères sont remplis, l’opération est automatiquement validée ! Une demande de crédit pourrait ainsi être réduite de 21 à 7 jours selon les experts.
En France, IBM et le Crédit Mutuel Arkea ont collaboré sur un projet Blockchain très innovant pour améliorer la capacité de la banque à vérifier l’identité de ses clients.
Grâce au code open source d’Hyperledger (un consortium crée par la fondation Linux pour améliorer l’architecture Business de la Blockchain et pour lequel IBM a grandement contribué en faisant un don de 44 000 lignes de codes !), les banques peuvent désormais plus facilement optimiser leurs process administratifs !
Elles peuvent mettre en pratique plus rapidement le processus NYC (Know Your Client) puisqu’elle pourront identifier et utiliser de manière automatique toutes les preuves existantes déjà stockées dans leurs systèmes d’information (demandes de crédit passées, souscriptions à une assurance-vie, ouvertures de comptes bancaires, etc.), pour améliorer la satisfaction client.
De manière générale, les grands groupes Tech tel qu’IBM, Intel ou encore Microsoft ont tous commencé à travailler avec cette technologie et contribuent grandement à la faire connaître et à la diffuser auprès des développeurs.
Microsoft, a ainsi intégré Ethereum dans son écosystème pour les développeurs tandis qu’IBM continue à supporter le projet HyperLedger en organisant des OpenTech Talks (rencontres virtuelles avec des experts Blockchain) au travers de sa plateforme IBM Blockchain for Developpers tout en accompagnant les entreprises afin qu’elles puissent mieux maîtriser la puissance des smart contracts.
Une plateforme encore naissante…
Toute plateforme d’Ethereum qui réussirait à utiliser intelligemment la puissance des smart contracts pour offrir un service pratique et simple d’utilisation à ses utilisateurs deviendra, de facto, la première application « Ethereum-Killer » utilisant la technologie Blockchain pour le grand public !
Les prétendants sont de plus en plus nombreux et il est difficile aujourd’hui d’affirmer avec certitude laquelle de ces nombreuses startups réussira cette tâche complexe.
Surtout qu’il reste encore plusieurs problématiques techniques à surmonter : Ethereum souffre encore de nombreux bugs et n’est pas considéré comme suffisamment stable par les développeurs comme me l’a confirmé Badr Bellaj, l’un des pionniers de la Blockchain au Maroc.
De même, il reste aussi un problème de vide juridique lié à l’application des smart contracts.
Comme nous le rappelle la chercheuse au Cersa (CNRS) et au Berkman Center for Internet & Society (Harvard University), « Un smart contract n’est qu’un logiciel. Il n’a pas d’autorité juridique à proprement parlé ».
Il faudrait, selon elle, pouvoir « faire bouger les lois » pour qu’elles s’adaptent à ces nouveaux outils afin que ceux-ci puissent vraiment exprimer tout leur potentiel !
Pourtant, malgré toutes ces embûches, la construction de la vision initiale d’un monde décentralisé se poursuit et de nombreux experts estiment que la question n’est plus de savoir si les smart contracts d’Ethereum vont s’imposer dans nos sociétés mais plutôt quand…
Omar Amrani.