En 2015, l’un des mots les plus utilisés par les sociologues et les médias spécialisés dans l’analyse des changements sociétaux était Ubérisation. En 2016, un nouveau mot fait couler beaucoup d’encre : La Blockchain.
Annoncé par les spécialistes comme la prochaine grande révolution depuis Internet, ce concept a encore du mal à être connu et compris du grand public.
Cette technologie est pourtant essentielle. Son potentiel est tel qu’elle pourrait provoquer un changement radical dans la vie des quelques 7 milliards d’habitants qui peuplent notre planète !
Le but de ce dossier spécial est donc de bien comprendre les enjeux de cette nouvelle technologie révolutionnaire afin d’appréhender plus sereinement les futurs changements annoncés…
« Internet » : petit bilan d’une révolution annoncée…
Dans les années 90, Internet avait été annoncé comme un outil révolutionnaire qui allait bouleverser nos civilisations.
3 décennies plus tard, il est facile de constater que ses nombreuses applications (courrier électronique, World Wide Web, messagerie instantané, réseaux sociaux, commerce en ligne, etc.) ont eu, effectivement, un impact planétaire en permettant notamment de passer d’une société industrielle vers une société de la connaissance et de services avec un échange d’information qui s’est considérablement accéléré !
L’espoir qu’a suscité Internet à ses débuts était très grand comme nous le rappelle la fameuse Déclaration d’Indépendance du Cyberespace.
Son rédacteur JP Barlow, est d’ailleurs, depuis, rentré dans le Temple de la Renommée d’Internet !
Malheureusement, le bilan de l’impact global d’internet reste encore, jusqu’à aujourd’hui, assez mitigé.
S’il a effectivement permis de faire progresser l’humanité au niveau économique, scientifique et technologique, il a malheureusement failli à sa noble mission initiale : réduire les inégalités et les injustices dans le monde.
La faute à une récupération mercantile par un système capitaliste devenu beaucoup trop sauvage et incontrôlable ?
Ce qui est sûr, c’est que les concepteurs d’Internet ont été beaucoup trop optimistes quant à la faculté d’Internet à améliorer le sort de milliards d’êtres humains.
« Ils ont négligé le facteur humain en pensant que la technologie allait tout régler d’elle-même ! »
Ils n’ont pas pensé à développer très tôt les barrières techniques nécessaires pour le protéger des dérives potentielles du système économique en place !
Pour autant, Internet n’a pas dit son dernier mot ! Ces dernières années, nous avons pu constater une redynamisation de son utilisation avec de très belles réalisations qui vont dans l’intérêt des peuples :
Wikipedia, par exemple est, pour beaucoup de sociologues, l’une des plus belles réalisations humaines jamais créées.
En effet, l’encyclopédie communautaire mondiale a surclassé en qualité et en contenu toutes les anciennes encyclopédies privées.
Elle permet aujourd’hui à des milliards de personnes d’accéder gratuitement à la connaissance alors qu’auparavant cela n’était réservé qu’aux plus nantis.
Wikipedia a montré que la collaboration intelligente entre humains et une utilisation juste de la technologie pouvait faire des merveilles !
Les réseaux sociaux, eux aussi, malgré tous les défauts qui leur sont reprochés aujourd’hui, nous ont montré qu’ils pouvaient permettre à plusieurs peuples de s’organiser et de se mobiliser contre les différentes oppressions et injustices dont ils pouvaient être victimes !
Enfin, le développement récent mais exponentiel des plateformes d’économie collaborative comme BlaBlacar, AirBnb ou Uber ont fait naitre de très grandes communautés revendiquant des valeurs plus humaines, plus sociales et plus écologiques.
Ubérisation, 2ème révolution annoncée ?
Les spécialistes, sociologues et les médias mainstream se sont d’ailleurs emparé de ce dernier phénomène que l’on appela ubérisation en référence à Uber, la première entreprise à avoir su exploiter avec un très grand succès le concept de plateformes d’intermédiation.
L’ubérisation allait, selon eux, révolutionner nos sociétés et faire basculer l’ordre socio-économique établi !
Le terme définit aujourd’hui un phénomène économique qui consiste en l’utilisation de biens et services de manière directe et quasi-instantanée, grâce à l’utilisation des nouvelles technologies.
Comme Internet, l’ubérisation fait naitre aussi un très grand espoir : celui de rendre le capitalisme plus juste et plus humain.
En effet, ce phénomène sociétal est issu d’un mouvement plus large, celui de l’économie collaborative qui est en complète opposition avec l’économie concurrentielle traditionnelle.
La « Sharing Economy » commence petit à petit à s’installer et à faire ses preuves en montrant qu’il est possible de produire de l’innovation et de la valeur ajoutée sans forcément passer par la compétition !
De nouvelles communautés (surtout composées de la jeune génération) ont alors commencé à se former et à modifier leurs comportements d’acquisition et d’utilisation de biens et services.
Au lieu de consommer de manière traditionnelle (acheter des produits vendus par des entreprises possédants des actifs), les jeunes d’aujourd’hui utilisent les plateformes numériques d’intermédiation pour louer, échanger et accéder aux biens et services de manière beaucoup plus directe et transparente !
« Les valeurs comme l’entraide, le partage, la collaboration et l’open source ont alors commencé à remplacer celles, plus inégalitaires, des anciennes générations qui sont l’individualisme, la possession, la compétition et la propriété intellectuelle. »
Chaque jeune plateforme innovante proposant un service efficace et pratique a alors vu sa communauté grossir de manière exponentielle modifiant alors profondément les rapports de force entre les acteurs du marché.
Tout consommateur, travailleur ou citoyen possédant un actif, un bien ou une compétence utile pour la société peut désormais commencer à générer son propre revenu en les mettant à disposition sur les plateformes numériques via un simple smartphone !
Vous possédez une voiture, une chambre à louer dans votre appartement et vous avez des talents culinaires ? Vous pouvez désormais générer 3 revenus différents en utilisant respectivement ces 3 plateformes : Uber, Airbnb et Vizeat !
De manière plus globale, l’ubérisation présente de très nombreux avantages :
- Amélioration du pouvoir d’achat par la baisse des prix grâce à l’explosion de l’offre ;
- Amélioration de la qualité des produits et services grâce aux systèmes de notation des consommateurs et de l’influence des réseaux sociaux ;
- Revenus supplémentaires ;
- Diversification des formes de travail (travail autonome, souplesse dans l’organisation du temps de travail, possibilités accrues de reconversion) ;
- Diminution du risque de chute brutale de revenu grâce à la possibilité de multiplier les employeurs, clients ou donneurs d’ordre ;
L’ubérisation est même bénéfique pour la planète puisque que cela réduit considérablement la production de nouveaux biens et services grâce à l’optimisation d’actifs pré-existants et encore sous-exploités !
Bien sûr, l’ubérisation n’a pas que de bons côtés.
En témoigne les nombreuses grèves et manifestations observées un peu partout dans le monde face à une certaine montée du chômage engendrée par la perte d’emplois dans les entreprises traditionnelles.
Ces dernières n’ayant pas su s’adapter à ce changement brutal de leur environnement.
De grandes sociétés de transports et de taxi, des hôtels et des agences de voyages, des banques ainsi que beaucoup d’autres entreprises de différents secteurs de l’économie sont en train d’être de plus en plus mis à mal par les Uber, Airbnb, Kickstarter, etc.
Ce changement rapide de l’environnement économique représente donc une menace pour toutes les entreprises traditionnelles qui ne seraient pas capable d’innover à temps pour faire face à cette nouvelle concurrence technologique.
Cependant, il faut relativiser quelque peu les propos alarmants de certains médias.
En effet, le phénomène est encore trop nouveau pour évaluer son impact réel sur le chômage social.
Il faut également être conscient que si l’ubérisation détruit des emplois dans l’ancienne économie, elle en crée aussi d’autres dans la nouvelle !
Certaines jeunes startups comme Go Job ou Workiz pourraient même ubériser l’emploi avec des concepts très innovants qui commencent à faire leurs preuves !
D’ailleurs, selon une étude récente menée par le magazine français Challenges, les principaux concernés, les chefs d’entreprises, considéreraient même ce phénomène comme une opportunité !
Enfin, il est important de réaliser que de nombreux gouvernements ont désormais pris conscience des risques engendrés par ce phénomène et qu’ils sont en train de réguler leur système pour transformer ces contraintes en opportunités.
Une révolution avortée ?
Le vrai problème de l’ubérisation vient plutôt du fait que plusieurs des startups issues de ce mouvement sont devenus entre temps de véritables mastodontes financières avec des valorisations qui se comptabilisent souvent en milliards de dollars.
Celles-ci établissent, de facto, de nouveaux monopoles dans plusieurs secteurs qui deviennent en complète contradiction avec les valeurs de l’économie de partage !
De plus, beaucoup de ces entreprises sont aujourd’hui accusées d’agir selon des pratiques peu éthiques.
Evasions fiscales, non respect du droit des travailleurs, utilisation de données personnelles à des fins commerciales (avec ou sans le consentement de leurs utilisateurs), etc.
Ces pratiques étaient pourtant rejetées initialement par la communautés d’utilisateurs qui les ont fait naître !
« Pourquoi alors, me direz-vous, n’y a-t-il pas un phénomène massif de boycott de ces entreprises si celles-ci ne respectent plus les valeurs essentielles de confiance et d’éthique ? »
L’une des explications les plus réalistes pour expliquer ce paradoxe est de considérer que ces plateformes peuvent représenter désormais pour tous leurs utilisateurs une véritable source de revenus.
Je vous conseille d’ailleurs, à ce propos, de lire le livre « Uberize Me » écrit par un journaliste belge, Christophe Chalot, qui a fait l’expérience surprenante de s’immerger dans l’économie collaborative pour voir s’il on pouvait en vivre !
Une autre explication possible viendrait peut-être du fait qu’il faut généralement du temps (plusieurs mois à plusieurs années) pour se constituer une solide réputation à l’intérieur de ces plateformes et donc de générer un revenu intéressant.
Il est donc difficile de la quitter et de repartir de zéro sur une autre plateforme. Surtout si cette dernière ne lui garantit pas la taille d’une communauté aussi grande que l’ancienne !
Les utilisateurs des plateformes nées de l’économie collaborative se retrouvent en fait pris en otage par la puissance du réseau et de leur communauté !
Ils se retrouvent donc forcés de rester malgré que leurs valeurs soient bafouées et non respectées !
Il est d’ailleurs intéressant de faire le parallèle de ce qui se passe avec le réseau social Facebook.
Même s’il existe aujourd’hui une dizaine d’autres réseaux sociaux plus respectueux de leur vie privée, les utilisateurs continuent de l’utiliser malgré tout, simplement parce la communauté Facebook compte aujourd’hui plus de 1,7 milliards d’utilisateurs !
La révolution sociétale annoncée et promise par l’ubérisation et l’économie collaborative de manière plus générale, serait-elle donc en train de connaître le même destin que celui d’Internet, c’est à dire beaucoup d’espoir, beaucoup de progrès mais une grande déception au final dû à l’impuissance de pouvoir réguler le côté sauvage et injuste du capitalisme ?
Une nouvelle technologie pour sauver la « Sharing Economy »
Face à cette nouvelle menace de voir un mouvement issu de l’économie de partage se faire récupérer par un capitalisme sauvage que l’on ne contrôle plus, de jeunes innovateurs se sont attaqués au problème !
Ces derniers issus pour la plupart de la génération Y et Z ne veulent surtout pas voir leurs valeurs qui sont le partage, l’entraide et la collaboration se faire « phagocyter » par celles d’un système économique devenu beaucoup trop dangereux pour eux et pour leur planète !
Les Vitalik Buterin, Satoshi Nakamoto et autres Primavera De Filippi sont en train de tout faire pour protéger et développer cette Sharing Economy naissante.
En rassemblant et fédérant autour d’eux de très grandes communautés, ils ont décidé de capitaliser sur le formidable élan de leur jeune génération pour construire un nouveau monde qui soit plus juste et plus humain et où la confiance peut enfin régner !
Leur ambition affichée est grande :
« Au lieu de changer le monde, nous allons en créer un nouveau ! »
Pour accomplir leur noble mission, ces nouveaux héros des temps modernes ont inventé un nouvel outil technologique très puissant appelé Blockchain !
Fruit d’un travail collaboratif intelligent entre quelque uns des plus grands développeurs du 21ème siècle, la technologique Blockhain est décrite comme révolutionnaire !
Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, de très nombreux scientifiques, chercheurs, philosophes, économistes, sociologues et autres spécialistes s’accordent tous à affirmer de manière très sérieuse qu’elle permettrait effectivement d’instaurer les bases d’un nouveau monde plus juste et plus égalitaire !
Mais qu’est-ce donc que la Blockchain ? Comment fonctionne cette technologie ? Qu’a-t-elle de si particulier pour susciter un tel engouement et un si grand espoir ? Qui pourra l’utiliser et quand pourra-on vraiment en profiter ?
Suite du dossier: Partie 1 : Une naissance mystérieuse
Omar Amrani.