
Le Ministère des Finances et les autorités monétaires, qui réfléchissaient depuis longtemps à l’opportunité d’introduire la finance participative, ont enfin procédé, en ce début de 2017, à l’octroi d’agréments à toutes les banques qui en ont fait la demande pour la création de filiales ou de fenêtres spécialisées dans cette nouvelle activité. Cette démarche des banques marocaines a été fortement encouragée par Bank Al-Maghrib qui avait privilégié cette option à celle d’autoriser l’entrée sur cette niche de banques étrangères, principalement à capitaux du Golfe.
Et c’est ainsi que les banques de la place ont toutes opté pour la création de leur propre banque participative, comme le Groupe Banque Populaire, BMCE Bank of Africa, Attijariwafa bank, mais aussi la Caisse de Dépôts et de Gestion à travers CIH Bank ou encore le Crédit Agricole du Maroc.
Deux des banques à capitaux français, BMCI et Crédit Du Maroc ont créé des «windows» dédiées au financement participatif alors que la SG Maroc a conçu un modèle hybride.
Les raisons de l’évolution de la position marocaine en faveur de ces nouveaux produits de financements ne relèvent pas essentiellement de son appartenance à la sphère arabo-musulmane, mais reposent sur un calcul purement économique partagé bien au contraire avec nombre de pays occidentaux.
En effet, depuis la crise financière de 2008, plusieurs banques, entre autres françaises que nous connaissons de plus près, se sont orientées vers la finance alternative, à la recherche donc de nouveaux centres de profits.
Et nous ne sommes pas sans savoir que le système bancaire marocain a connu de sérieuses difficultés à la suite de cette crise mondiale. Elle s’est notamment traduite chez nous par une remontée des risques sans précédent et une baisse des crédits tout particulièrement ceux dédiés à l’investissement, au profit d’une croissance nette des crédits de trésorerie en soutien aux PME.
Une alternative précieuse
Et ce, sans compter les faillites et la quasi cessation de paiement de grands groupes cotés en bourse.
Si la situation s’est nettement améliorée aujourd’hui, l’ouverture des banques vers un nouveau marché constitue une très bonne opportunité d’autant que les études réalisées sur le bilan de la finance alternative montre qu’elle occupe autour de 10% du marché bancaire.
Désormais, le Maroc est entré de plain-pied dans la finance participative à travers la mise en place d’un cadre légal, réglementaire et fiscal adapté.
Et le lancement des produits de la finance participative, après avis favorable du Comité des Etablissements de Crédit aux banques qui en avaient fait la demande, permet de compléter et de renforcer l’offre du secteur bancaire marocain et de l’ouvrir sur de nouvelles capacités de financement.
D’ailleurs, l’entrée en activité des banques participatives, qui sont très attendues notamment par les futurs clients friands des produits bancaires «halal», va changer le paysage national de la finance. Rappelons à ce sujet, que le projet de loi bancaire qui avait mis en place un cadre législatif pour les banques dites «Participatives», avait été voté par le Parlement en 2014 par l’adoption de la Loi 103-12. Aujourd’hui, les agréments accordés aux banques, pour une entrée en vigueur effective, attendent la publication au Bulletin officiel, ce qui ne saurait vraiment tarder.
Mais désormais, toutes sont prêtes et ont mis en place leurs structures juridiques, avec ou sans partenaires étrangers.
Les systèmes d’informations dédiés sont opérationnels alors que de grandes campagnes de communication sont sur le point d’être lancées, lesquelles révèleront les identités visuelles de chacune d’entre elles.
C’est dans l’objectif d’accompagner et d’analyser cette nouvelle activité bancaire que La Nouvelle Tribune a voulu réaliser un dossier spécial dédié à la finance participative.
Les deux temps d’un dossier.
Dans ce spécial, les aspects juridiques et réglementaires sont clairement exposés grâce à la participation et la collaboration de Bank Al-Maghrib, de l’Autorité Marocaine des Marchés de Capitaux, de l’Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale et de la Caisse Centrale de Garantie. De même, les banques de la place n’ont pas manqué de répondre à nos questionnements et nos interpellations à travers des entretiens exhaustifs.
Quant aux futurs et virtuels clients, interrogés sur les nouveaux produits de la finance participative, ils discutent déjà de leurs avantages et inconvénients. Mais, ce qui les attire le plus réside dans ce qu’ils considèrent être le côté « humaniste » de la finance participative ! En effet, celle-ci permet notamment l’achat par les banques de biens immobiliers, de biens mobiliers, comme des voitures ou autres, qu’elles revendent à leurs clients moyennant une traite qui est linéaire sur une durée déterminée.
Mais, dans le cas d’une défaillance quelconque du client, la banque ne lui applique ni intérêt de retard ni ne le traduit en justice ! Bien au contraire, elle se doit de l’accompagner en suspendant les échéances de son crédit le temps de l’amélioration de sa situation.
Ceci concerne, bien sûr, les clients de bonne foi, qui perdent leur emploi ou dont les entreprises traversent une mauvaise passe.
Par contre, ce que ne sont pas censé savoir les clients, c’est que ce coût du risque, plus élevé, est pris en compte dans la tarification du crédit, ce qui, immanquablement, a pour résultat de le renchérir…
Afifa Dassouli