Chez nous au Maroc, la problématique des bidonvilles ne date pas d’aujourd’hui. Bien au contraire, c’est du temps du protectorat français que les premières baraques s’installent aux alentours des grandes manufactures françaises qui étaient dans un besoin extrême de main d’oeuvre locale. La Carrière Centrale de Hay El Mohammadi à Casablanca, le cheikh des bidonvilles du Royaume, en est l’exemple. C’est dire que le concept des ‘‘blocs de baraques urbaines autour d’une unité de production’’ au Maroc, est avant tout un héritage français!
Très vite, le développement du phénomène des bidonvilles et de l’habitat insalubre en général, aussi bien dans les grandes agglomérations que dans les villes moyennes et les centres urbains émergents, est accentué par l’exode rural. Il est aussi le résultat de l’absence d’une stratégie d’aménagement du territoire, qui aurait dû permettre une stabilité de la population, une juste répartition des activités sur le territoire national et une planification urbaine adéquate tenant compte des différentes couches sociales. L’instrumentalisation politique du phénomène a été, de plus, un facteur aggravant, pour ne pas dire l’un des principaux responsables du statuquo.
En effet, malgré les actions de résorption menées depuis 1980, les formes d’habitat insalubre ont continué à se développer dans les principales villes, enregistrant un taux d’accroissement de 5,6% par an entre 1992 et 2001.
D’après un dénombrement réalisé en 2001, l’habitat insalubre ou précaire concernait près de 18% de la population urbaine marocaine (environ 880.000 ménages), dont 30%, soit 275.000 ménages, logeant dans des bidonvilles.
En 2004, le programme «Villes Sans Bidonvilles», est lancé officiellement avec comme principal objectif, la rupture totale avec l’habitat insalubre.
Au sein de tous les gouvernements, ce programme a toujours été une priorité, pour ne pas dire une urgence. Il est important de rappeler sur ce registre qu’en plus de l’éradication des bidonvilles, le programme PVS avait aussi pour finalité l’amélioration des conditions et du cadre de vie de la population occupant les bidonvilles. Au menu aussi, le PVSB devait aboutir, à son terme en 2020, à l’émergence de 15 nouveaux fleurons urbains intégrés, durables et abritant un million d’habitants.
Néanmoins, au final, le bilan des réalisations est tout autre, avec seulement deux vraies nouvelles villes qui remplissent peu ou prou leurs promesses.
C’est ainsi que lors du lancement du VSB en 2004 par le Gouvernement Jettou, l’objectif affiché était le traitement de 270.000 ménages dans 70 villes et centres urbains. A fin 2018, il a été constaté que le programme avait porté sur 472.723 ménages, incluant les actualisations du nombre des ménages cibles, dans 85 villes et centres urbains.
Mais il est quand même important de souligner que la tâche n’a pas été facile, avec comme obstacles des contraintes à la pelle, notamment la rareté et la difficulté de la mobilisation du foncier public, ainsi que les difficultés liées au relogement des bidonvillois opposés à la vie à l’extérieur de leur ville.
Outre ces problématiques, il fallait faire face aussi au phénomène des familles devenues plusieurs familles habitant la même baraque. À cela s’ajoutent d’autres difficultés liées au financement et à la gouvernance du programme.
Ces obstacles, parmi tant d’autres, ont fait repousser l’échéance de 2020, celle de l’aboutissement du PVSB. Les vicissitudes de relogement/ recasement enregistrées dans les villes de Casablanca, Rabat, Témara, Salé, Marrakech et Larache… ont compliqué davantage le respect des délais annoncés. Il fallait aussi et surtout accompagner et soutenir les bidonvillois relogés, notamment ceux les plus vulnérables qui ont bénéficié de lots de terrain. En effet et à défaut de moyens de construction, ces espaces de recasement se sont très vite transformés en nouveaux clusters de baraques et tentes en attendant des jours meilleurs.
Aujourd’hui et malgré toutes ces difficultés, quelques 60 cités ont été déclarées VSB sur 85 prévues au lancement du programme. Les 26 villes restantes, elles, notamment les plus denses, sont encore gangrénées par les bidonvilles, donnant du fil à retordre aux pouvoirs publics. Sur les 451.816 ménages recensés, seuls 64% ont vu leurs conditions de vie s’améliorer.
Les chiffres du ministère de l’Habitat indiquent que le PVSB a permis la réalisation d’un total de 28.053 unités jusqu’en août 2020. Un programme qui a été suivi de l’adoption, en 2010, d’un mécanisme d’habitat social à 250.000 Dhs destiné aux catégories sans logement. Un projet dans le cadre duquel 496.603 unités ont été réalisées jusqu’à fin août dernier, sachant qu’un autre programme destiné à la classe moyenne a été lancé en 2013, mais dont la cadence de mise en œuvre n’a pas été à la hauteur des attentes.
Il convient de noter que ces différents programmes de logement ont permis de réduire le déficit enregistré de 2,1 millions d’unités à 400.000 actuellement. Dans le même sens, le ministère indique qu’il s’est penché sur la révision des mécanismes de conventionnement relatifs au logement social, notant que la révision vise à soutenir le pouvoir d’achat des bénéficiaires en offrant des solutions innovantes et de nouveaux modes de financement à même de favoriser l’accès au logement, selon des conditions souples et adéquates.
Après une année 2020 marquée par les répercussions de la crise sanitaire sur l’état d’avancement des différents chantiers d’habitat, le gouvernement est attendu de pied ferme en 2021 pour accélérer la cadence du programme VSB. Pour rappel, le nombre de ménages ciblés est passé de 270.000, au lancement du programme en 2004, à 451.816 recensés (jusqu’à fin 2019). Depuis le démarrage du programme en 2004 et jusqu’à fin 2019, les conventions signées concernent quelque 2.843 ménages, pour un coût global de 314 MDH dont un appui financier de 106,55 MDH débloqué par le ministère de tutelle.
Hassan Zaatit
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