COP 22 organisée à Marrakech, NOOR, Zéro Mika, Initiative Triple A… Le Maroc s’est clairement et ouvertement engagé sur la voie du développement durable, sous l’impulsion du Roi Mohammed VI, mais aussi d’une partie notable de la société civile et des entreprises du privé, à l’image de la CGEM. Si tout n’est clairement pas rose (ou vert, plutôt), et que le Royaume accuse encore de nets retards, particulièrement au niveau des mentalités et de l’éducation environnementale des citoyens, les politiques qu’il mène montrent que le pays souhaite se positionner comme l’un des porte-étendards d’un développement économique et social pérenne, notamment au sein de l’Afrique.
Agadir et sa région, notamment à travers l’organisation récente du sommet Climate Chance, ou encore ses nombreux programmes d’entretien du littoral et de plantation d’arbres, se mettent clairement au diapason de cet élan national.
C’est pourquoi nombre d’habitants de la région ont été stupéfaits de voir débuter le chantier de ce qui est censé être un delphinarium, il y a une dizaine de jours de cela. Cela a fait immédiatement réagir le milieu des acteurs de l’action environnementale, avec à leur tête la Surfrider Foundation Maroc, association de protection de l’environnement très active dans la région, qui a très rapidement mis en ligne une pétition appelant à l’arrêt de ce projet, et espérant bloquer tout projet semblable dans le futur.
Une attraction au prix très lourd
La majeure partie du grand public, quand elle pense à un delphinarium, a en tête des dauphins rieurs exécutant des pirouettes pour le bonheur des grands et des petits. Cette notion a été grandement alimentée par le marketing incessant des endroits comme Sea World, aux Etats-Unis. Mais comme bien souvent, derrière les paillettes se cachent une réalité bien sombre.
Comme l’explique le texte de la pétition, la capture des dauphins est une véritable opération de massacre pendant laquelle, pour chaque mammifère jugé « adéquat », 17 sont tués par les pêcheurs. De plus, l’impact mental est cruel, les groupes en liberté étant profondément perturbés par la perte des leurs, et ceux en captivité sont condamnés à une courte vie, bourrés d’antibiotiques et antidépresseurs, ce qui conduit certains d’entre eux à des comportements parfois violents, voire suicidaires.
C’est pourquoi les associations et ONG de nombreux pays, dont notamment la France, militent sans relâche pour la fermeture des delphinariums existants, et l’interdiction pure et simple de cette exploitation des mammifères marins. Un projet allant dans ce sens est à l’étude au niveau européen, et des pays comme le Costa Rica, le Chili et le Mexique ont adopté des lois interdisant ces activités.
Le Maroc irait donc à contre-courant de l’action environnementale internationale en ouvrant ce delphinarium, au lieu de montrer l’exemple comme il le souhaite !
Pourquoi cette autorisation ?
La société AGADIR DOLFIN WORLD, à l’origine du projet, créée par quatre ressortissants russes avec un capital social de (seulement) 100 000 dhs, affiche sur le chantier des photos qui laissent perplexes. Le seul petit bassin visible ne semble clairement pas adapté à l’accueil des dauphins. De plus, comme pour narguer les protecteurs de notre environnement, le site est installé en face des locaux de l’Institut National de Recherche Halieutique d’Agadir à Anza, qui n’a sûrement pas donné son aval à un tel projet !
On se demandera donc d’où est venue l’autorisation pour ce delphinarium, et si les ministères concernés sont au courant, eux qui mènent une politique de développement durable allant dans le sens de la préservation de nos ressources marines, et non de leur destruction…
Quelles perspectives pour la région ?
Si ce projet devait malheureusement aboutir, on peut s’interroger sur sa viabilité à long terme, dans un contexte où les delphinariums sont de plus en plus contestés, où les massacres de la baie de Taiji au Japon sont de plus en plus connus de l’opinion publique. Dans les années à venir, un tel projet risque plus de ternir la réputation de la région à l’international que d’y amener de nouveaux touristes…
De plus, il a été clairement établi par la communauté scientifique que l’étude des dauphins captifs ne présente aucun intérêt éducatif ou scientifique. Pour paraphraser Jacques-Yves Cousteau, c’est comme si nous invitions les gens à découvrir les Marocains en visitant la prison d’Oukacha…
Par ailleurs, le Maroc est signataire de « l’Accord sur la Conservation des Cétacés de la Mer Noire, de la Méditerranée et de la zone Atlantique adjacente », ACCOBAMS, qui interdit la pêche et la captivité des dauphins. Il en a même la présidence jusqu’au mois de novembre 2017 !
Ce delphinarium serait donc clairement un faux pas sur le chemin du développement durable que le Maroc arpente, et serait regrettable de la part d’un pays ouvertement engagé dans les causes environnementales. Ce serait comme ouvrir une centrale à charbon en face de la station NOOR !
Retrouvez la pétition en cliquant ici.
Selim Benabdelkhalek
A propose de Surfrider Foundation Maroc
Surfrider Foundation Maroc est une association marocaine œuvrant pour la protection, la mise en valeur et la gestion durable du littoral, des vagues et de ses usagers. Créée en 2010 à Agadir, Surfrider Foundation Maroc est affiliée à Surfrider Foundation Europe (ONG agréée auprès de l’U.E pour ses programmes éducatifs, juridiques et de protection de l’environnement) et fait partie du réseau Surfrider Foundation.
L’association est très active, à travers des interventions dans les écoles, des campagnes de sensibilisation sur les plages, ou encore en offrant un soutien logistique à ceux désirant s’investir dans la préservation de l’environnement (matériel pour nettoyer sa plage, par exemple).