A l’occasion des Troisièmes Assises de la Fiscalité, tenues début mai sous le thème de l’équité fiscale, nous avons retenu deux choses essentielles.
D’une part, le Maroc dispose d’un régime fiscal très inégalitaire, voire injuste, que le gouvernement compte corriger progressivement par le biais d’une grande réforme de la politique fiscale, tout en s’appuyant sur la DGI qui se doit d’être intransigeante et agressive en matière de recouvrement.
D’autre part, l’État a besoin d’améliorer ses recettes fiscales pour continuer d’être le premier entrepreneur et investisseur du pays, tout en menant une politique sociale d’envergure tant au niveau de l’éducation, la santé, la formation qu’en assurant un minimum de revenu à tout un chacun listé sur le Registre Social Unifié.
Or, les bulletins mensuels de statistiques des Finances publiques démontrent, mois après mois, que l’État est dans une situation difficile, qu’il n’arrive pas à réduire ses charges de fonctionnement ni son budget d’investissements, que les dons des pays du Golfe se réduisent en peau de chagrin et qu’il ne peut compter que sur ses propres moyens, en l’occurrence les recettes fiscales.
Des données qui inquiètent
Justement, le bulletin du mois d’avril, publié le 12 du mois courant, atteste du comportement et des principales évolutions des recettes encaissées et des dépenses émises, lesquelles aboutissent à un creusement sérieux du déficit du Trésor.
Toutefois, il ne faut pas se tromper sur l’interprétation des données car, de prime abord, les recettes ordinaires « brutes » ont connu une croissance de 9,2%, compte tenu de remboursements, dégrèvements et restitutions fiscaux qui concernent tous les impôts et taxes. Cette croissance se décompose comme suit :
– Une hausse des recettes douanières nettes de 5,3% dont des droits de douane en baisse de -8%,
– Une TVA à l’importation qui croit de +4,7%,
– Une TIC, taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, qui flambe à +16,5% du fait de l’augmentation des prix de ces derniers, de l’accroissement de la TIC sur les tabacs manufacturés (+28,8%) et la hausse des autres TIC (+6,5%).
Pour ce qui concerne la fiscalité domestique, les recettes nettes ont cru de 5,1% avec un IR de +13,2%, traduisant une hausse exceptionnelle du fait de la politique de vérité des revenus menée par la DGI sur la base des statistiques récoltées grâce à sa plateforme numérique.
Par contre, les recettes de l’IR sur profits immobiliers ont connu une diminution de 20,2% par rapport à leur niveau de fin avril 2018 et, surtout, un IS en diminution de -1,2%.
Rappelons qu’en avril 2018, l’IS avait déjà enregistré une baisse de 15,2% par apport à la même période de l’année précédente.
Et, encore plus inquiétant sur le plan économique, la TVA intérieure est en chute de -12%, tout comme les droits d’enregistrement et de timbre de -4,9%, alors que les majorations de retard sont devenues une ligne budgétaire importante même si elles baissent de -14,2%.
En un mot comme en mille, il est fort heureux que les prix du pétrole soient passés de 60 à 75 dollars à un moment du mois d’avril pour que la TIC sur les produits énergétiques réalise la plus forte hausse des différentes catégories de recettes fiscales tant la majorité des autres est en berne.
Sauf que, ce mois d’avril, les recettes non fiscales ont elles aussi contribué à la hausse des recettes fiscales dans leur totalité en prenant 36,8%, en raison notamment de l’augmentation des versements des comptes spéciaux du Trésor (CST) au profit du Budget général, pour un montant de 1.071 MDH contre 647 MDH, et des recettes en atténuation de dépenses de la dette de 1.222 MDH contre 276 MDH, même si les recettes de monopoles sont tombées de 1.225 MDH à 888 MDH à fin avril 2019.
Alors que le budget public peine à engranger des recettes fiscales, les dépenses ordinaires continuent à croître d’un mois l’autre et d’une année l’autre.
Le trou se creuse…
Pour le mois d’avril 2019, elles ont connu une hausse de 11,6%, en raison de l’augmentation de 4,4% des dépenses de biens et services et de 11,9% des autres dépenses, de l’augmentation de 167,7% des émissions de la compensation, et de 63,1% des remboursements, dégrèvements et restitutions fiscaux.
Et, comme le déficit public se creuse, il faut prendre en considération également 4% de plus générés par les charges en intérêts de la dette.
Sans les remboursements de TVA à l’intérieur et à l’importation, (y compris la part supportée par les collectivités territoriales), qui s’établissent à 4.394 MDH contre 2.263 MDH à fin avril 2018, plus tôt l’État remboursera cette dette, mieux il se portera, comme tous les débiteurs !
Et, encore heureux en cette période de dépression économique que la puissance publique, malgré sa situation très difficile, continue à assumer ses dépenses d’investissement qui ont crû de 7,8% pour le mois concerné, passant de 22,9 MMDH à fin avril 2018 à 24,7 MMDH à fin avril 2019, avec une hausse de 24,5% des charges d’investissements communes et la baisse de 7,4% des dépenses d’investissements des ministères.
La situation budgétaire du mois d’avril n’est certainement pas rose, car le solde ordinaire continue à se creuser, devenant négatif de 1.102 MDH contre un solde positif de 553 MDH un an auparavant. Et, effet de domino oblige, le déficit du Trésor s’établit à 14,1 MMDH.
En conclusion, il s’impose, de toute évidence, que le plus urgent ne soit pas la grande réforme de la fiscalité promise par le Ministre des Finances pour une hypothétique équité fiscale, mais un élargissement de l’assiette dans le cadre des impôts actuels définis et imposés afin que TOUS LES CITOYENS payent leurs impôts pour renflouer les caisses de l’État avant que les déficits ne s’aggravent et que les fondamentaux du Maroc ne se dégradent, au risque d’une détérioration de la réputation internationale de notre pays !
La vraie justice sociale doit se faire, le plus tôt et le plus vite possible, entre les contribuables par l’obligation que les uns ne payent pas pour les autres ….
Afifa Dassouli