Une réfugiée rohingya attend avec son enfant de l'aide humanitaire à Teknaf, au Bangladesh, le 20 septembre 2017 © AFP DOMINIQUE FAGET
Prises à la gorge par l’afflux de réfugiés au Bangladesh et cibles d’attaques en Birmanie, les organisations humanitaires peinaient jeudi à venir en aide aux centaines de milliers de réfugiés rohingyas, victimes, selon le président français Emmanuel Macron, d’un « génocide ».
En quelques heures, un bateau de la Croix-Rouge a été attaqué par une foule hostile en Birmanie et au moins neuf humanitaires ont été tuées dans l’accident au Bangladesh d’un camion de la même ONG.
Ces derniers acheminaient des denrées alimentaires pour les plus de 420.000 musulmans rohingyas qui fuient les exactions de l’armée et ont trouvé refuge au Bangladesh.
Près d’un mois après le début de l’opération de l’armée, déclenchée par des attaques de postes de police par des rebelles rohingyas, le président français a parlé jeudi d’un « génocide ».
Le chef de l’Etat a confirmé que la France « prendra l’initiative avec plusieurs de ses partenaires du Conseil de sécurité » pour que les Nations unies condamnent « ce génocide qui est en cours, cette purification ethnique, et que nous puissions agir de manière concrète ».
Pour les réfugiés, dont les récits font état de viols, de meurtres, de torture, les conditions sont de plus en plus difficiles dans le sud-est du Bangladesh, zone reculée de cet Etat très pauvre.
Et « cette crise est loin d’être terminée », a prévenu Jens Laerke, porte-parole du bureau des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), qui précise que de nouveaux réfugiés continuent à passer la frontière quotidiennement.
Les pluies torrentielles de ces cinq derniers jours ont transformé en bourbiers les camps surpeuplés et leurs environs, où campent avec les moyens du bord les nouveaux arrivants, faute de place ailleurs.
A certains endroits, l’eau monte dans les tentes jusqu’à un mètre. Les autorités redoutent des glissements de terrain meurtriers.
Ces conditions météo sont à l’origine de l’accident du camion de la Croix-Rouge: « La route est étroite et a été endommagée par les pluies des derniers jours », a expliqué à l’AFP Anwarul Azim, garde-frontière bangladais.
La distribution alimentaire du jour a dû être annulée, a indiqué à l’AFP une porte-parole de la Croix-Rouge internationale (CICR).
L’organisation a par ailleurs été victime d’une attaque de l’autre côté de la frontière à Sittwe, dans la capitale de l’Etat Rakhine.
La police birmane a mis plusieurs heures à disperser une foule hostile qui s’en prenait à l’aide de pierres et de cocktails Molotov à un bateau chargé d’équipements destinés aux civils touchés par les troubles.
Celui-ci contenait des vêtements, de l’eau et des moustiquaires et devait se rendre vers Maungdaw, district du nord, épicentre des troubles depuis fin août.
« Notre personnel est sain et sauf, le chargement n’a pas été endommagé et nous allons poursuivre nos actions comme prévu », a indiqué à l’AFP Graziella Leite Piccoli de la Croix-Rouge internationale.
– ‘Etrangers’ –
Depuis le début des troubles, la majeure partie des opérations sont arrêtées en Etat Rakhine. L’accès aux populations déplacées, qui sont toujours sur les routes ou cachées dans les montagnes et les forêts, est impossible pour l’instant.
Mercredi, devant l’Assemblée générale des Nations unies, le second vice-président birman Henry Van Thio, a néanmoins assuré que l’aide humanitaire était désormais « la première priorité » de son gouvernement.
Il s’est voulu rassurant sur la situation dans la droite ligne du discours de la dirigeante birmane et prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, mais sans parvenir à rassurer les Nations unies qui parle d' »exemple classique d’épuration ethnique »
L’Arabie saoudite a donné 100 tonnes de nourriture et d’équipements – tentes, matelas, couvertures – a annoncé jeudi l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
« Beaucoup de familles dorment encore dehors sans abris adéquats, nourriture ou eau potable », a expliqué Mohammed Abdiker de l’OIM.
En Birmanie, l’opinion est chauffée à blanc par ces critiques internationales. Les Rohingyas sont considérés comme des étrangers venus du Bangladesh, même s’ils vivent souvent dans l’ouest du pays depuis des générations.
Le sentiment antimusulman est très répandu dans ce pays d’Asie du Sud-Est à plus de 90% bouddhiste, qui est sorti récemment de décennies de dictature militaire et qui a placé en Aung San Suu Kyi tous ses espoirs.
Fidèle à sa rhétorique, le chef de l’armée birmane a réaffirmé jeudi sur sa page Facebook que les musulmans de l’ouest du pays étaient des « étrangers qui s’étaient emparés des terres des locaux » à l’époque de la domination britannique.
Avant la crise actuelle, environ un million de Rohingyas vivaient en Birmanie.
LNT avec AFP