
La COP 26 s’est achevée samedi 13 novembre à Glasgow, avec un jour de retard pour cause de négociations de dernière minute pour parvenir à un accord, l’émoi et les excuses du président de la réunion, le Britannique Alok Sharma, étaient équivoques : une nouvelle fois, la conférence sur le climat reste sur un goût d’inachevé, avec des annonces en deçà des attentes, et surtout loin de rassurer quant au maintien de la hausse des températures dans des limites soutenables.
Malgré cela, certaines bonnes nouvelles sont à signaler, quelques «bons élèves», et des avancées somme toute notables. En effet, la COP 26 avait démarré sur quelques notes positives, notamment l’engagement d’une centaine de pays qui ont promis de réduire leurs émissions de méthane — un puissant gaz à effet de serre (GES) — de 30% d’ici 2030. L’Inde a également annoncé qu’elle atteindrait l’objectif de zéro émissions nettes de carbone d’ici 2070. Le Maroc a revu son ambition à la hausse par rapport à celle de 2016, avec un nouvel objectif de réduction des émissions de GES qui est de 45,5% d’ici 2030, dont 18,3 % est inconditionnel et réalisé sans appui de la coopération internationale. Plus de 100 dirigeants de pays, représentant plus de 86 % des forêts du monde, se sont engagés à travailler ensemble pour stopper la déforestation et la dégradation des terres d’ici 2030, dans la « déclaration des dirigeants de Glasgow sur les forêts et l’utilisation des terres ».
De nombreuses annonces
Le secteur privé et la société civile ont également connu leur lot d’annonces. Notamment, des entreprises privées représentant 130.000 milliards de dollars d’actifs, soit 40% des actifs financiers mondiaux, vont désormais s’aligner sur les objectifs climatiques de l’accord de Paris. Des engagements qui contribueront à créer une importante réserve de liquidités qui permettra de financer la transition vers la neutralité carbone. Les champions de haut niveau pour l’action climatique ont présenté un plan quinquennal qui vise à adapter le Partenariat de Marrakech, une alliance mondiale de plus de 320 initiatives, coalitions et ONG majeures, pour permettre à la communauté internationale d’accélérer les actions immédiates à l’échelle et au rythme requis par la science. Une centaine d’organisations représentants 35 économies différentes ont lancé l’Alliance pour la recherche en adaptation (ARA) qui catalysera et renforcera les investissements dans la recherche et l’innovation orientées vers l’action pour l’adaptation, afin de protéger les communautés les plus vulnérables au changement climatique.
Parmi les principales surprises (positives) de cette COP, la Chine et les Etats-Unis, qui se montraient jusqu’à présent très agressifs l’un envers l’autre, ont conclu une « déclaration conjointe sur le renforcement de l’action climatique ». Les deux pays se sont engagés à « prendre des mesures renforcées pour relever les ambitions pendant les années 2020 », en réaffirmant leur attachement aux objectifs de température de l’accord de Paris.
Focus sur le charbon
Les énergies fossiles, notamment le charbon, étaient au centre des débats. Une quarantaine de pays se sont engagés en faveur de la « déclaration de transition du charbon vers l’énergie propre ». Certains États ont pris de nouveaux engagements pour éliminer progressivement le charbon de leur production énergétique, alors que d’autres ont assuré qu’ils ne construiraient plus de nouvelles centrales de charbon. Un groupe de 25 pays a signé une déclaration commune dans laquelle ils s’engagent à mettre fin au soutien public international au secteur de l’énergie fossile d’ici à la fin de 2022.
Justement, l’un des points majeurs de l’Accord de Glasgow, qui a mené au prolongement des négociations, concernait la sortie progressive du charbon ainsi que des subventions aux combustibles fossiles. Il faut savoir que depuis près de trente ans, les négociations climatiques internationales n’avaient jamais permis de trouver un tel accord sur les énergies fossiles, pourtant à l’origine de près de 90 % des émissions mondiales de CO₂ et de 70 % des émissions totales de GES. Malgré les pressions des pays pétroliers comme l’Arabie saoudite, la Russie ou l’Australie, souhaitant faire supprimer ce passage, un accord a été trouvé, même s’il a été largement édulcoré la première mouture du texte. De plus, l’accord mentionne seulement une suppression progressive du charbon “non compensé à la source”, ce qui peut ouvrir la porte à certains abus.
Une autre source de frictions a été la question de l’aide aux pays les plus vulnérables, et qui subissent les conséquences de la pollution émise par les pays riches. Les pays en développement, amers du fait de la promesse non honorée des pays développés de leur fournir 100 milliards de dollars par an de financement climatique, ont tenté de défendre le concept de « pertes et préjudices » qui a vu le jour en 2013. Il s’agit d’un système opérationnel de financement visant à aider les pays en développement à faire face aux dommages du changement climatique qu’ils subissent déjà. Faibles émetteurs de gaz à effet de serre, ils y voyaient une juste compensation pour les malheurs qu’ils subissent et qu’ils auront encore à subir. Mais le mécanisme a été bloqué notamment par les États-Unis et l’Union européenne, particulièrement la France, qui craignaient les implications juridiques d’un tel engagement. Finalement l’accord final n’évoque qu’un « dialogue » annuel afin de « discuter des modalités pour le financement des activités ».
La société civile mobilisée
Selon le dernier bulletin du think tank RA&A, dirigé par Richard Attias, l’une des principales sources d’espoir de cette COP est l’engagement de nombreux pays à atteindre la neutralité carbone ce siècle, ce qui entretient l’espoir d’un réchauffement maintenu en deçà des 2 degrés. Mais, comme l’explique ces analystes, le gros point noir de l’action climatique reste l’énorme fossé entre les engagements et les actions concrètes. C’est d’ailleurs pour cela que l’accord demande aux Etats signataires de soumettre leurs stratégies long-termes pour réaliser leurs engagements.
Enfin, comme le mentionne le think-tank, cette COP 26 a une nouvelle fois vu une très forte mobilisation de la société civile, qui a manifesté et fait pression sur les gouvernements tous les jours du sommet, et qui a fait preuve d’un fort engagement, notamment du côté de la jeunesse. Un des rares bons signes pour l’avenir.
Si les efforts diplomatiques n’ont pas été à la mesure de la crise que traverse le monde, du propre aveu du secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, qui a déploré « une volonté politique collective insuffisante pour surmonter de profondes contradictions », tout le monde semble d’avis que l’année prochaine, les Etats devront aller en Égypte avec des objectifs plus ambitieux. Ce refrain semble bien familier…
SB