En ce mois d’octobre, la Loi de Finances 2020 doit être en préparation finale au Ministère des Finances, mais d’après ce que l’on sait, elle ne contiendra ni la réforme fiscale, ni la nouvelle charte des investissements.
Et pour cause ! Les textes de lois portant ces deux grandes réformes sont certes prêts, mais seulement déposés au Secrétariat Général du Gouvernement, étape préalable au processus législatif qui doit suivre pour l’adoption de ces lois très attendues par le monde des affaires en général et les PME en particulier.
Quel dommage ! Cela aurait été une excellente réponse à l’attentisme économique qui prédomine depuis plusieurs mois, sinon années.
La souffrance des entreprises
En effet, les entreprises souffrent, quels que soient leur secteur d’activité et leur taille, du manque de visibilité économique et patinent dans leurs métiers respectifs du fait des difficultés de marché et des problèmes de trésorerie dus au mauvais recouvrement.
En conséquence un climat de manque de confiance s’est installé et perdure.
Pourtant M. Benchaaboun, le ministre de l’Économie et des Finances, a exposé, en plusieurs occasions, le contenu de ces réformes qui semble prometteur.
Le projet de loi-cadre relatif à la réforme de la fiscalité, conforme aux recommandations des dernières assises fiscales, serait riche en arguments qui permettraient aux entreprises de surmonter leurs difficultés instaurant un soutien réel et nécessaire au tissu économique en termes d’amélioration du climat des affaires.
Et, tout particulièrement, faciliterait l’accès des petites et moyennes entreprises (PME) et des très petites entreprises (TPE) aux financements bancaires et à la commande publique dans le cadre du projet « Small Business Act ».
De même que la nouvelle charte des investissements serait beaucoup plus incitative afin de donner un nouvel élan à la dynamique économique qui devrait se traduire non seulement par une croissance pérenne, mais aussi par un développement socio économique conséquent.
Mais ce, avec la précision de taille que l’utilisation du conditionnel s’impose, et que 2020 continuera à être une année d’attente et de détresse pour ces acteurs économiques que sont les entreprises qui devront continuer leurs efforts dans un futur incertain.
L’absence d’une vraie croissance
En attendant, la conjoncture qui n’en est plus une puisque la morosité est devenue structurelle, se caractérise par un taux de croissance « insuffisant » pour réduire les inégalités sociales et réorienter l’économie vers la création d’emplois.
A ce titre, il est triste de constater que différentes institutions se disputent l’évaluation du taux de croissance qui varie entre les pessimistes et les réalistes ou optimistes, soit 2% selon BAM et 4% selon le ministre des Finances dans son intervention au colloque de la TGR de la mi-septembre.
Cela, alors même que le HCP vient de démontrer que la croissance de l’économie nationale se situe à 2,5% au deuxième trimestre 2019 et que les activités NON AGRICOLES ont marqué une augmentation de 3,3% quand celles du secteur agricole ont connu une baisse de 2,8%.
Grâce au principe des vases communicants, la croissance économique du pays se ramène à un plus bas niveau même si l’agriculture ne représenterait que 30% de l’économie nationale, du fait des effets cumulatifs d’une année sur l’autre compte tenu d’une sécheresse récurrente.
Par ailleurs, dans ces enjeux économiques, comment se porte l’Etat qui doit jouer un rôle essentiel dans ce tournant qu’il orchestre ?
L’État dans ses œuvres
La réponse à cette question est clairement donnée par les bulletins mensuels des finances publiques qui décrivent l’exécution de la Loi de Finances et donc du budget de l’État.
Celui du mois d’août publié récemment détaille les problématiques budgétaires qui s’imposent à la puissance publique.
En effet, l’État subissant la détérioration de l’activité économique, a vu les principaux impôts domestiques, liés étroitement à la conjoncture, se détériorer.
C’est le cas de la TVA à l’intérieur et l’IS, en baisse respectivement de -8,5% et -1,8%, tandis que les droits de douane ont glissé de 1,6%, alors que ses dépenses ont augmenté de 10,7%.
De fait, à fin août 2019, le taux de couverture des dépenses par les recettes ordinaires a été de 100,8% contre 119,2% un an auparavant.
C’est là un premier indice des difficultés budgétaires que connaît l’État de façon structurelle.
Le second réside dans ses déficits, ordinaire et budgétaire. Le premier garde à peine la tête hors de l’eau avec un solde ordinaire positif de 1,3 MMDH uniquement contre 27,7 MMDH un an auparavant.
Quant au déficit du Trésor, il atteint 33,5 MMDH, contre un déficit de 27,8 MMDH à la fin août 2018, en aggravation de plusieurs milliards de dirhams. L’Etat est connu pour tenir un budget de ses investissements autour de 40 milliards de dirhams par an du montant de son déficit annuel qui le finance en totalité.
Quelles priorités ?
Mais le déficit budgétaire de 2019 aura été aggravé par la nouvelle orientation sociale de la Loi de Finances, soit l’augmentation des budgets des ministères de la Santé et de l’Éducation, mais aussi celui attribué à l’INDH.
Toutefois, ce déficit qu’il finance par de la dette entièrement domestique, qui lui coûte moins avec la baisse des taux, reste surtout raisonnable parce que stable dans le temps, démontrant une certaine maîtrise budgétaire en faveur la solidité fondamentale du pays.
C’est pourquoi la santé budgétaire du Maroc ne peut subir une plus forte dégradation et l’État, en tant que principal acteur économique, s’avère autant fragilisé par la morosité économique.
En conséquence, l’urgence de la réforme fiscale et la nouvelle charte des investissements s’impose à tout le pays surtout dans le cadre de la création de centres économiques à travers la régionalisation renforcée.
L’année 2020 sera une très longue année d’attente et s’il avait été possible d’activer ces réformes en les incluant dans la Loi de Finances 2020, le pays l’aurait gagnée dans sa nouvelle politique de re-dynamisation de l’économie nationale …
Afifa Dassouli