Les anges n’entendent pas et n’écoutent plus. Leurs bonnes dispositions à notre endroit ne sont plus de mise. Nos prières sont vaines. Probablement que Casablanca est devenue un enfer.
De bonnes intentions en revirement, de promesses en illusions. Le découragement est là ! Bien là, au demeurant. Pesant et paralysant. Il faut dire que les raisons ne manquent pas et confortent chacun dans ce sentiment.
Conduite routière épouvantable qu’un incivisme éhonté d’ailleurs débarrassé de la moindre de toute culpabilité. Routes et grands boulevards livrés à des énergumènes laissés à leurs agissements inconscients et cela en toute impunité. Les trottoirs aussi, d’ailleurs.
Énervement lié au stress ambiant, bagarres et rixes parfois violentes sont des faits si courants que l’on arriverait presque à s’étonner de ne pas en avoir aperçu ou – plus ennuyeux certes – vécu au moins un dans la journée.
Comportements « borderline » ou quasi-dysfonctionnels se répandent à ciel ouvert. Irresponsabilité criarde ancrée dans une profonde incapacité à se plier à de bonnes et bien simples règles de vie commune. De terribles travers devenus au fil du temps de simples petits détails de la vie de tous les jours … (sic).
Que dire des embouteillages monstres que d’interminables chantiers font perdurer. Voies déviées, circulation bloquée, passages détournés, routes défoncées, c’est à tous le moins une réalité tangible. Et quand certains travaux s’achèvent et que l’espoir renait au bout d’un tunnel ou d’une nouvelle trémie, très vite la parenthèse d’espérance tout juste ouverte, se referme.
De nouveaux travaux sont entamés dans une course sans fin tant les retards pris sont colossaux. Et dans l’attente, tout le monde est au supplice.
Capharnaüm assourdissant de klaxons, hurlements new-yorkais de sirènes ambulancières bien marocaines, bruits en tout genre exacerbés comme par désespoir de se faire entendre. Personne n’est épargné. Classe moyennes, riches ou pauvres, tout le monde est logé à la même enseigne. Tel est nôtre lot quotidien.
Continuons notre pérégrination. Transports en commun délabrés et enfermés dans un corporatisme d’un autre âge. L’Uberisation en a fait les frais. Nous aussi. Même le tramway n’est pas exempt de critique. A croire que nous ne verrons jamais le bout du tunnel de cette mise à niveau urbaine .
Mais oublions très vite, ces images et remarques bien sombres car, rétorqueront certains- toujours mieux placés et informés que nous autres simples usagers – les choses vont bon train … si l’on peut se permettre cette expression.
Nous manquons simplement d’éléments factuels et objectifs pour nous faire une juste idée de la situation et nous exprimer. A écouter la bonne parole livrée, nous devrions découvrir avec satisfaction qu’un énième Plan stratégique disposant de budgets à milliards et à rallonge est à l’œuvre. Nous apprendrons et devrons-nous en féliciter que des financements internationaux viennent tout juste d’être accordés et que les consultations pour études seront bientôt programmées ou ont démarré, il y a peu !
Les choses sont prises en charge et nous ne serions pas dans le coup. Juste un peu … beaucoup râleur.
Mieux encore et dans un sursaut d’optimisme fiction, il se dira que les projets en cours ne manqueront pas de nous renvoyer inéluctablement à Barcelone plutôt qu’à Calcutta. Belle perspectiv,e mais l’antienne est bien vielle !
En attendant, la lenteur dans le développement de la connectivité territoriale de Casablanca et la trop peu rapide mise en conformité des transports urbains aux exigences économiques et écologiques de notre Ville constituent un fait mesurable à tout instant.
Casablanca relève de l’aventure extrême ! Koh-Lanta est une épreuve de débutants à côté.
Pas de boussoles ou d’équipements de survie spécifiques pour des parcours télévisuels en faux- semblant. Ici, nous sommes en pleine réalité. Ici, nous naviguons en pleine réalité !
Courses poursuites, cohue généralisée, harassante journée à tenter de rattraper les bus ou héler des taxis à l’improbable propreté. Débrouillardise en toute chose pour une mobilité précaire.
Ce n’est donc pas sans raison que l’énergie déployée par chacune et chacun soit surmultipliée. Que cette même débrouillardise soit portée aux niveaux les plus élevés d’exigence autant que l’improvisation en tout genre et que le « dépassement de soi » bien – plus qu’une valeur se transforme en nécessité, en obligation.
Alors ! Et bien, participons-nous aussi à ce tohu-bohu. Pourquoi chercher à nous plier à une norme civique que personne ne semble intégrer ?
Être hors des clous, n’est-ce pas un peu être isolé ou « dépassé » ?
Entrons alors gaiement dans cette folle farandole. Qu’importe puisque Casablanca est déjà classée 124° ville mondiale pour son peu bien –vivre !
Notre incivisme ne serait qu’une goutte d’eau de plus. Autant dire que pour cela nous vivons dans un tourbillon quotidien.
Casablanca est une mégapole de près de 7 millions d’habitants. Elle serait la cinquième ville du Monde à la densité la plus forte. Cela donne le tournis.
Mais, c’est aussi croire que nous ne verrons jamais le bout du tunnel. Or, tel est au demeurant le sentiment non pas fugace mais bien ancré que partagent plus d’un.
Le drame est que, justement, nous admettons cette fatalité. Le défaitisme est tel que nous faisons normalité de ce qui ne devrait pas l’être. L’enfer n’est pas seulement pavé de bonnes intentions, il est le fruit d’un immobilisme coupable et d’un pessimisme … à la hauteur des espérances portées.
Une complainte reprise en cœur… psalmodiée !
Karim Amara
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