Deux femmes, aux profils acérés, aux caractères bien trempés, à l’expérience managériale avérée, viennent d’unir leurs personnalités, réseaux et volontés dans un but aussi précis que noble.
En effet, Mme Miriem Bensalah-Chaqroun, Présidente de la Confédération Générale des Entreprises au Maroc, CGEM, et Mme Souad Benbachir, membre du Conseil d’Administration de la confédération et Administrateur-Directeur général de CFG Bank, viennent de porter sur les fonts baptismaux un club aux objectifs novateurs, importants et inédits.
Il s’agit de regrouper au sein d’un Club les entreprises, tous secteurs confondus, grandes et petites, qui font appel public à l’épargne ou sont inscrites à la cote de la Bourse des Valeurs de Casablanca.
Ce groupement a pour ambition de constituer l’interface d’un acteur stratégique du marché financier, l’Autorité Marocaine des Marchés de Capitaux. Et cette ambition sera destinée à permettre un dialogue et des échanges entre l’AMMC et ce Club, notamment sur l’ensemble des textes de loi les concernant.
Pour comprendre la genèse de ce club, ses projets, sa composition, La Nouvelle Tribune s’est rapprochée de Mme Miriem Bensalah et Mme Souad Benbachir qui sont à l’origine de cette initiative, au demeurant appuyée par Mme Nezha Hayat, Présidente de l’AMMC et ancien membre du CA de la CGEM.
A.D
Mesdames, Miriem Bensalah-Chaqroun et Souad Benbachir, vous venez de prendre l’initiative de regrouper les sociétés qui font appel public à l’épargne et celles cotées en bourse en un club. Elles sont généralement réunies à la bourse des valeurs pour celles inscrites à la cote ou au niveau de l’autorité de tutelle qui les contrôle. Qu’est ce qui justifie votre démarche ?
Mme Miriem Bensalah-Chaqroun :
Mme Benbachir est membre du Conseil d’Administration de la CGEM, sachant que Mme Nezha Hayat l’a été également jusqu’à sa nomination à la tête de l’AMMC. Cela nous a amenées toutes les trois à travailler ensemble. Ainsi, du fait que Mme Hayat est à la présidence de l’Autorité Marocaine des Marchés de Capitaux, AMMC, nous nous sommes interrogées sur la nécessité de disposer à la CGEM d’une interface à la nouvelle autorité de marché, sachant que la majorité des sociétés cotées ou qui font uniquement appel public à l’épargne sont adhérentes de la CGEM.
Et, à cela, j’ajouterai que Mme Souad Benbachir, en tant qu’Administrateur Directeur général de CFG Bank et de part sa carrière de conseiller financier, a eu à accompagner un grand nombre de ces sociétés dans leurs divers projets et leurs financements. Mme Benbachir connaissant les besoins et les différents intérêts de cette catégorie de sociétés, a immédiatement adhéré à ma proposition. En regroupant ces sociétés, nous voulons les aider à mieux comprendre les orientations d’une autorité de marché au rôle névralgique pour le marché des capitaux.
Et, moi-même, du fait que je préside la société des Eaux Minérales d’Oulmès, entreprise cotée depuis 1947, je suis totalement impliquée dans l’évolution réglementaire mise en place par l’AMMC pour les entreprises qui se financent sur le marché des capitaux, qu’elles soient cotées ou pas. L’idée de départ était de nommer des personnes avisées qui représenteraient au nom de la CGEM ces sociétés, face à l’AMMC. Mais, le projet de club s’est rapidement imposé et j’ai demandé à Mme Souad Benbachir, qui a participé à la genèse de cette initiative, d’en prendre la présidence pour faire de ce club une plateforme représentative et une force de propositions.
Mme Souad Benbachir :
Qu’il s’agisse de notre banque d’affaires, de l’Association des sociétés de bourse, des sociétés de conseil, nous sommes tous interpellés et impliqués quand il y a de nouveaux textes de loi portant sur le marché des capitaux.
Or, alors qu’elles sont les premières concernées, les sociétés cotées ne sont pas parties prenantes du processus de concertation lors de l’élaboration de ces textes. Ce sont les sociétés de bourse, les banques conseil qui se chargeaient de cette démarche pour le compte des sociétés cotées ou faisant appel à l’épargne. Résultat, ces entreprises prenaient connaissance des textes seulement après leur adoption par les deux chambres parlementaires. Voilà pourquoi j’ai entièrement adhéré à l’idée de Mme Meriem Bensalah de créer ce club des entreprises qui font appel public à l’épargne.
Pourquoi un club et non pas une association ? Sur quel benchmark vous êtes-vous appuyées ?
Miriem Bensalah-Chaqroun :
Parce qu’il se créé sous l’égide de la CGEM qui représente l’ensemble des entreprises, qu’elles soient grandes ou PME. Le club a pour objectif d’agréger les sociétés cotées et celles qui font appel public à l’épargne. Tout prend du sens donc, puisqu’au lieu de créer une association de plus, nous avons préféré le concept de club que la CGEM chapeaute.
Souad Benbachir :
La CGEM est dans son rôle de représentation des entreprises dans leurs différents espaces. Dans cet esprit, le club donne une force et une cohésion groupée à des entreprises bien identifiées et propose une dimension particulière à la mise en valeur de leurs besoins.
Miriem Bensalah-Chaqroun :
Réciproquement, l’AMMC doit pouvoir connaître les entreprises pour lesquelles elle crée des textes de loi et qu’elle réglemente. Sans aucune étude, ni aucun benchmark avec ce qui pourrait se faire ailleurs, réunir cette catégorie d’entreprises a été ressenti comme un besoin. Il fallait créer de la coordination et de la cohérence entre les auteurs des textes de lois et leurs utilisateurs.
Car les textes sont souvent faits par des experts, et gagneraient à être enrichis par l’avis de ceux à qui ils vont s’imposer.
A combien d’entreprises qui font appel public à l’épargne, vous êtes-vous adressées ? Pouvez –vous expliciter un peu plus votre démarche à leur égard ?
Souad Benbachir :
Il s’agit d’une centaine d’entreprises, donc plus que le nombre de sociétés cotées en bourse. Le club s’assigne un double objectif. Le premier est d’interagir, examiner les projets de textes qui émanent de l’AMMC et donc de pouvoir intervenir dans leur phase de préparation pour exprimer les recommandations des besoins de l’entreprise. Et nombreux sont les textes en préparation active qui vont bientôt arriver. On citera notamment ceux qui imposent des publications trimestrielles des résultats pour les sociétés concernées.
Le second objectif consiste à apporter une certaine pédagogie aux entreprises sur les textes déjà promulgués, mais dont elles ne connaissent pas encore la teneur. Il s’agit aussi de traiter les sujets importants et de faire connaître au mieux les textes qui les sous-tendent, en expliquant le contenu à travers leur utilité pour les entreprises. Parce qu’elles connaîtront et comprendront mieux ces textes, celles-ci contribueront à les faire avancer, ce qui fera de ce club une force de proposition.
Miriem Bensalah-Chaqroun :
Aujourd’hui, nous jouons l’opportunité et nous nous inscrivons dans la modernité. Face à une nouvelle autorité, indépendante de surcroît, qui s’inscrit dans le Maroc d’aujourd’hui où la transparence des entreprises s’impose, où l’économie se veut plus inclusive, où l’on privilégie le dialogue, nous voulons créer un nouvel interlocuteur pour cette nouvelle autorité.
Et, en fonction de la pratique, ce club sera sans nul doute amené à évoluer. Je voudrais rappeler que la CGEM a déjà un premier club, celui des bons payeurs. C’est un genre de GIE, un groupement vertueux qui comprend une centaine d’entreprises qui s’engagent à respecter les délais de paiements.
Ce second club, porté par le leadership d’un binôme que nous constituons Mme Benbachir et moi, fonctionne parfaitement. Elle apporte son réseau en tant que financière et banquière et j’apporte ma parfaite connaissance des entreprises adhérentes à la Confédération. Toutes deux, nous partageons les enjeux de l’arrivée d’un régulateur qui a pleins pouvoirs pour réglementer le financement des entreprises tout en protégeant leurs créanciers et les épargnants.
Mme Benbachir, en tant que présidente du club des sociétés qui font appel public à l’épargne, où en est l’activation de ce club ?
Nous avons commencé par identifier les entreprises intéressées par ce club, et les avons invitées à y adhérer. Une première réunion s’est tenue le 12 mai dernier avec celles qui avaient, fort nombreuses d’ailleurs, répondu à notre invitation. Je dois dire que la représentation était équilibrée entre petites et grandes entreprises, celles cotées et celles faisant appel public à l’épargne et de différents secteurs d’activité. Toutes ont applaudi à cette initiative, tant elles sont soucieuses de pouvoir se faire entendre lorsque des textes qui les interpellent arrivent dans le champ public.
Les entreprises ont affirmé toutes vouloir réagir à des textes, sans pouvoir se faire entendre. Leur regroupement en un club ne peut que leur donner plus de poids. Et certaines ont d’ailleurs, déjà présenté des doléances et posé des questionnements à l’AMMC.
Enfin, comment s’articule la gouvernance de ce club ?
Souad Benbachir :
Il sera chapeauté par un comité exécutif de huit membres qui travailleront de manière très resserrée, notamment sur les textes que l’AMMC nous enverra. Ce travail sera présenté aux entreprises avec des propositions qui leur seront explicitées et éventuellement modifiées après leurs réactions. Ce comité exécutif sera également l’interface des autorités et notamment l’AMMC. La BVC en sera membre pour représenter les sociétés cotées, ainsi que deux experts du marché.
En parallèle du Comité exécutif, le Club des sociétés qui font appel public à l’épargne aura à sa tête un comité des sages composé de 3 personnes. Mais il n’est pas constitué pour le moment.
Miriem Bensalah-Chaqroun :
A la CGEM, les 24 commissions permanentes agissent sur des thématiques déterminées mais, jusqu’à présent, aucune ne défendait spécifiquement les entreprises qui font appel public à l’épargne, d’où la nécessité et l’utilité d’un tel club.
Demain, les propositions de ce club seront portées auprès du Ministère des Finances par les différentes commissions de la CGEM…
Entretien réalisé par Afifa Dassouli