
Crédit photo : Ahmed Boussarhane/LNT.
« Veni, vidi, vici », aurait pu s’exclamer Salaheddine Mezouar à l’issue, mardi 22 mai 2018, de l’Assemblée générale élective de la Confédération Générale des Entreprises au Maroc, qui l’a porté à la présidence de l’organisation patronale nationale.
Car la célèbre formule de Jules César lui convient bien, lui qui, il y a un mois à peine, était encore dans une situation de has been, ex-ministre en rupture de fonctions officielles, en quête d’une (difficile ?) reconversion dans les affaires et caressant sans nul doute le secret espoir de l’obtention d’une nouvelle charge à la hauteur de son parcours ministériel entamé en 2004.
Voilà qui est fait désormais et avec son partenaire, Fayçal Mekouar, un habitué des arcanes de la Confédération, c’est un réel carton plein qu’ils ont réalisé contre leurs malheureux challengers, M. Hakim Marrakchi et Mme Assia Benhida-Ayouch, qui espéraient l’emporter grâce à leur « empreinte génétique » pure souche CGEM et leur absence d’affiliation politique affirmée.
Pourtant, ces atouts n’ont guère suffi face à l’irruption de « l’éléphant Mezouar dans le magasin de porcelaine » des patrons marocains, dont nombre d’entre eux avaient sévèrement critiqué « l’inzal » de l’ancien secrétaire général du RNI, souhaitant au moins qu’il ait la pudeur de démissionner de ses responsabilités partisanes avant de solliciter leurs suffrages…
Mais Salaheddine Mezouar ne voulait sans doute pas abandonner la proie pour l’ombre et la suite des événements lui a donné raison puisque sa qualité de membre du Bureau politique du RNI ne l’a point empêché de remporter les élections patronales.
Celles-ci, au demeurant, ont été intéressantes et instructives à plusieurs titres.
D’abord parce qu’une compétition s’est effectivement engagée entre les deux tandems en lice, avec moult démarches envers leurs électeurs, à travers des tournées dans les différentes régions du Royaume et le recours appuyé aux différents canaux médiatiques, presse écrite, audiovisuelle, radiophonique et électronique.
Les deux binômes avaient chacun leur équipe de communicants professionnels, et M. Marrakchi s’était même adjoint pour l’occasion les services d’un « coach » à la tchatche proverbiale, ce qui n’a point suffit pour autant à lui assurer la présidence…
Et maintenant…
Contrairement à ce que l’on pourrait croire cependant, le plus dur n’est pas derrière Salaheddine Mezouar, mais devant lui.
Car le nouveau « patron des patrons », qui succède à Mme Miriem Bensalah Chaqroun, laquelle aura marqué de façon très forte son passage de deux mandats successifs à la tête de la CGEM, a désormais tout à démontrer, à prouver, à accomplir pour obtenir la pleine légitimité d’un véritable président du patronat.
Il lui faudra, en effet, gagner ses galons de « primus inter pares » par des initiatives fortes et suivies dans le champ, largement encore en friche aujourd’hui, de la défense résolue et permanente des intérêts de l’entreprise marocaine.
Car cette mission est prioritaire, primordiale même à l’heure où chacun peut constater que le secteur privé national n’est pas dans le meilleur de ses états.
Premier constat, en effet, le patronat ne remplit pas les devoirs qui sont les siens en termes d’investissements et de contribution à la croissance économique, mais également en termes d’emplois.
Second constat, il apparaît, trop souvent, comme un appendice mineur de la politique gouvernementale, dépourvu qu’il est d’un véritable pouvoir de pression sur l’État et les administrations, comme on peut le déplorer notamment sur la fiscalité appliquée aux entreprises, les retards de paiements, les incitations à l’investissement productif, etc.
Voilà, concrètement où devront s’exercer en premier le savoir-faire (supposé ou réel), l’expérience et la longue pratique de l’Administration, la richesse (supposée ou réelle) des réseaux de Salaheddine Mezouar.
Car les patrons n’ont pas porté à leur tête un ancien ministre des AE ou un président de la COP 22, qui a fréquenté le gotha de la diplomatie mondiale ou fait plusieurs fois le tour des capitales africaines.
Ils ont encore moins voté pour l’ancien secrétaire général du RNI, remercié sans ménagement au lendemain de la défaite de son parti aux élections d’octobre 2016.
Ils ont élu l’ancien Dg de Settavex, l’ex-président de l ‘AMITH, le past-ministre de l’Industrie et du Commerce, le Grand Argentier sous la primature de Abbas El Fassi, et c’est pour ce parcours là que certains ont considéré que sa candidature serait bénéfique au patronat marocain.
Voilà donc que le phénix renaît, avec l’espoir que la CGEM sera défendue, entendue et écoutée, influente et active, d’abord pour le bénéfice de ses adhérents, mais aussi pour celui des centaines de milliers de salariés qui contribuent à la pérennité des entreprises nationales.
Pour cela, Salaheddine Mezouar devra faire sien le constat de son challenger Hakim Marrakchi, « la présidence de la CGEM n’est pas un statut, mais une mission » !
Fahd YATA