Souad Benbachir, CFG Bank
Entretien avec Mme Souad Benbachir, Administrateur Directeur Général de CFG Bank
CFG Bank est, certes, la plus récente banque commerciale du paysage bancaire national. Mais elle est la première à avoir implémenté des solutions digitales pour ces clients, parce que la digitalisation est une composante première de son ADN. C’est ce qu’explique pour nos lecteurs Mme Souad Benbachir, Associé, Administrateur directeur général de la CFG Bank dans l’entretien qui suit
La Nouvelle Tribune :
Mme Benbachir, vous êtes Administrateur Directeur Général de CFG Bank. Dans le cadre de notre dossier dédié à la digitalisation bancaire, pouvez-vous nous parler de la genèse de CFG Bank et du lancement de la banque commerciale ?
Mme Souad Benbachir :
CFG Bank est le fruit d’une aventure entrepreneuriale qui a débuté il y a 26 ans. Nous avons connu dans notre chemin de développement 3 grandes phases.
Une première phase pendant les années 90, années de fondation très axées vers un business model « corporate et institutionnel » dans les métiers de conseil en fusions acquisitions, bourse et gestion d’actifs.
Mais avec le nouvel élan donné à la bourse de Casablanca, nous avons attiré des particuliers qui se sont tournés vers nous en demande de conseil en placements sur les marchés.
Aussi dans les années 2000, on aborde une nouvelle phase de notre développement en proposant une offre aux particuliers pour le conseil en épargne sur les marchés financiers, au travers du lancement de Dar Tawfir.
Pour cela, nous investissons alors en même temps dans un petit réseau d’agences et dans une plateforme digitale d’avant-garde permettant de réaliser dès 2004 des opérations de placements financiers en ligne en temps réel.
Cette étape fut très importante pour CFG et grâce à cette première plateforme digitale, nous avions acquis une part de marché, soit près de 15% du volume des particuliers à la bourse de Casablanca.
Sur la base de 20 000 à 50 000 épargnants en bourse à cette époque, on avait quelques 10 000 clients personnes physiques, ce qui nous avait permis de grandir.
Et c’est à la fin de la décennie des années 2000 que se pose pour nous la question de comment continuer à croitre.
La réponse apportée a lancé la phase 3 de notre évolution à savoir poursuivre la «retailisation » de notre activité et lancer une activité de banque commerciale.
En effet, CFG détenait une licence bancaire obtenue en 1998 pour intervenir sur les marchés obligataires qui était logée dans une de nos filiales, CFM.
Nous avons dès lors demandé à la Banque Centrale l’autorisation d’utiliser cette licence en tant que banque commerciale.
Concrètement, le projet de banque ainsi lancé, nous nous sommes attelés à acquérir un système informatique permettant d’intégrer nos anciens métiers et la nouvelle activité. D’ailleurs, Bank Al-Maghrib, nous avait conféré son accord sur la base de nos projets d’investissements.
Restait à définir quel modèle de banque…
Justement comment avez-vous défini votre modèle ? Quelle a été votre démarche ?
Nous sommes en 2012. Nous avons commencé par étudier les banques à l’international et en particulier l’évolution des business models bancaires dans ces pays.
Nous avons écarté les modèles purement digitaux qui en Europe sont très « low cost » avec une clientèle très volatile, des couts de publicité exorbitants et des modèles non rentables.
Nous avons aussi constaté qu’en Europe en même temps la fréquentation des agences était en baisse drastique et l’usage du digital en croissance exponentielle. Néanmoins, les études montraient que les clients restaient très attachés à l’existence d’une agence même s’ils n’y vont désormais pas plus qu’une fois par mois.
Au Maroc, notre étude montrait des clients globalement satisfaits de leur banque, mais avec un faible taux de digitalisation.
Donc comment CFG Bank a-t-elle été conçue ?
Sur la base de ces études et de notre propre ADN, nous avions déduit que la clientèle marocaine étant relativement satisfaite des banques existantes, on devrait travailler à apporter quelque chose de différent.
En quoi pouvions-nous faire la différence ? De ce fait, nous avions décidé d’axer notre banque sur la relation client et la qualité de service.
En effet, sur la base de nos points forts issus de la banque d’affaires à savoir l’ingénierie, l’agilité et une relation dans la durée avec nos clients, nous avions centré nos investissements sur la technologie et les hommes pour lancer notre nouvelle banque commerciale.
Ainsi nous avons conçu la banque autour d’une promesse de qualité de service articulée autour de la simplicité, de la transparence et de l’expertise.
Nous avons conçu on modèle d’un nouveau genre avec un réseau très resserré d’agences dans les principales villes marocaines adossées à plusieurs canaux complémentaires : notre site web et notre appli, notre réseau de GAB positionnés dans les lieux de vie que fréquentent nos clients ainsi qu’un centre de transactions téléphoniques.
En quoi ce dispositif est-il différent ?
Je vais vous citer des grandes différences.
La première est relative au modèle.
Notre modèle n’est ni purement digital, ni celui d’une banque classique à large réseau. Il s’appuie sur un réseau resserré d’une vingtaine d’agences dédiées principalement à l’ouverture des comptes et aux moments importants dans la vie d’un client à savoir contracter un crédit, souscrire à des produits d’épargne, une succession, etc.
Nous avons en revanche organisé le reste des canaux pour que le client puisse y réaliser ses opérations quotidiennes. Le but étant de libérer le client de la nécessite d’aller en agence fréquemment.
A titre d’exemple :
1. A l’ouverture d’un compte, le client repart avec sa carte de paiement et son chéquier en poche, qui est éditée en moins de 15 minutes en agence. Cela lui évite de devoir repasser une seconde fois en agence pour récupérer ses moyens de paiement ;
2. Nos GAB permettent les dépôts d’espèces et de chèques qui sont constatés sur les comptes des clients en temps réel ;
3. Notre appli permet le paiement de factures, la réalisation de virements mais aussi de bloquer temporairement une carte de paiement, de modifier son plafond ou de demander un nouveau code pin.
Elle permet aussi l’édition d’un rib, d’un relevé ou d’un tableau d’amortissement de crédit.
Une autre grande différence consiste dans l’organisation des agences qui sont ouvertes jusqu’à 19h, équipées en technologie permettant de se passer d’un caissier et abritant des conseillers très formés et experts pour accompagner chaque client. En effet, chacun de nos clients dispose d’un conseiller attribué.
CFG Bank fête en ce mois de novembre ses 3 ans, elle a été lancée le 16 novembre 2015, pouvez-vous partager avec nous le bilan de cette première étape ?
Nous sommes heureux d’avoir pu convaincre plusieurs milliers de clients qui affichent aujourd’hui une satisfaction élevée quant à notre qualité de service.
C’est ainsi que 40% de nos acquisitions de clients proviennent de recommandation de nos clients existants.
Ainsi, à une échelle beaucoup plus petite que celle de nos confrères bancaires historiques, notre marque prend sa place dans le paysage urbain de notre pays avec une position autour de l’innovation et du service.
Et plaçant l’innovation au cœur de notre modèle, nous avons participé avec le CIH à accélérer la digitalisation du secteur ce qui profite à l’ensemble du secteur.
Et les entreprises ?
Nous avons une offre entreprises quasi complète aujourd’hui avec un focus aussi bien sur la grande PME que sur la TPE/PME de taille moyenne.
L’offre TPE/PME est conçue pour accompagner les entrepreneurs qui ont choisi CFG Bank à titre personnel et souhaitent regrouper l’ensemble de leurs comptes dans une même banque. On s’appuie beaucoup sur la CCG pour les crédits adressés à ce segment.
L’offre grande PME est un complément naturel à notre métier historique de banquier d’affaires.
A cet égard, nous apportons notre expérience de montage financier, d’ingénierie à cette catégorie de clients pour les conseillers dans l’optimisation de la structure de leur financement et ils apprécient beaucoup.
Quelques chiffres de cette évolution ?
Nous croissons à un rythme élevé très naturellement du fait du lancement récent de notre activité bancaire.
En trois ans, nous avons distribué 2.7 milliards dh de crédits dont la moitié à des entreprises de toutes tailles.
Nous doublons le nombre de nos clients particuliers par an et devrions continuer sur ce rythme l’année prochaine car une part importante de leurs opérations quotidiennes passe par les canaux digitaux. A titre d’exemple, 90% des dépôts de chèques se font sur nos GABs et non en agence.
Un dernier chiffre sur nos fonds propres.
Nous avons vécu et grandi avec nos 500 000 dh de capital de départ pendant presque 20 ans en particulier parce que nous avons distribué peu de dividendes.
Mais avec le lancement de la banque nous avons réalisé deux augmentations de capital totalisant 600 mdh, ce qui porte nos fonds propres à fin 2018 à près de 800 mdh.
Entretien réalisé par
Afifa Dassouli