Guerres commerciales, cochons à nourrir, angoisse générée par la pandémie de Covid-19: la Chine a mis le turbo sur ses importations de céréales en 2020 © AFP/Archives STR
Guerres commerciales, cochons à nourrir, angoisse générée par la pandémie de Covid-19: la Chine a mis le turbo sur ses importations de céréales en 2020, animant les marchés agricoles mondiaux, et faisant flamber les prix.
De janvier à août, les importations totales de la Chine ont augmenté sur un an de 137% pour le blé (4,99 millions de tonnes), de 50% pour le maïs (5,59 Mt) et de 15% pour le soja (64,74 Mt), selon les douanes chinoises.
« Sur le maïs, on observe des prix au plus haut depuis 2014, c’est la demande de la Chine qui bouleverse la physionomie des échanges mondiaux », a estimé récemment Marc Zribi, chef de l’unité grains et sucre de FranceAgriMer.
La France, par exemple, ne va pas s’en plaindre, elle qui avait exporté plus de 1,5 million de tonnes de blé vers la Chine l’an dernier. L’appétit chinois a permis cette année aux céréaliers français, confrontés à la concurrence des pays baltes sur leur premier débouché pour le blé, l’Algérie, de bien résister.
« Le premier élément de hausse » des importations de céréales, européennes notamment, par la Chine, « c’est la politique commerciale de Trump, c’est ce qui a fait que la Chine a voulu diversifier ses origines », notait récemment un courtier requérant l’anonymat lors d’un entretien avec l’AFP.
La reconstitution « beaucoup plus rapide que prévue » du cheptel porcin chinois décimé par l’épidémie de peste porcine africaine, est une autre raison. La Chine a construit une série d’immenses élevages industriels sur plusieurs étages.
« Fin septembre, le nombre de porcs sur pied était de 370 millions de têtes, soit 84% du total de la fin 2017. Depuis février 2020, le nombre augmente régulièrement (…). Sur un an, le nombre de têtes est revenu à la hausse en juillet pour la première fois depuis 2017 », indique le ministère chinois de l’Agriculture sur son site.
« Le secteur porcin chinois, affecté ces deux dernières années par la fièvre porcine africaine, a commencé à se redresser cette année, ce qui a accru la demande de maïs », ajoute M. Huang Jikun, du centre chinois pour la politique agricole de l’Université de Pékin.
– Crainte de pénurie alimentaire –
Un troisième facteur a dopé les importations chinoises: les incertitudes liées à la crise sanitaire. « Il est clair que pour le gouvernement chinois, il fallait minimiser les risques » de pénurie alimentaire, souligne Sébastien Abis, directeur du club de réflexion agricole Demeter et chercheur à l’institut de relations internationales et stratégiques Iris à Paris.
Une préoccupation d’autant plus forte que la « grande famine » de l’époque maoïste, entre 1959 et 1961 environ, « a traumatisé la génération qui est au pouvoir aujourd’hui en Chine », souligne M. Abis.
Si la Chine est aujourd’hui quasiment numéro un dans toutes les productions agricoles, elle est aussi devenue le premier importateur sur ces mêmes marchés et « les 5 à 10% de produits de base qui lui manquent représentent très rapidement des volumes importants sur la scène internationale », bousculant ainsi les marchés agricoles, souligne M. Abis.
Exception à cette intensification des échanges: les importations d’orge ont baissé de 12% de janvier à août. Cette tendance à contre-courant pourrait s’expliquer par les sanctions prises par Pékin contre Canberra pour avoir demandé une enquête internationale sur les origines du Covid-19.
La brasserie chinoise TsingTao, qui importe couramment de l’orge brassicole d’Australie, s’est ainsi tournée vers les industriels français, premiers producteurs mondiaux d’orge. Lesquels ont facturé leur marchandise au double du prix, selon plusieurs experts interrogés par l’AFP.
S’il est difficile de prévoir dans quelle mesure la fièvre acheteuse de la Chine va se poursuivre, il est acquis, selon Sébastien Abis, que Pékin « ne va jamais céder sur l’enjeu de sa sécurité nationale et devra mécaniquement compter sur le marché mondial pour compléter ses productions domestiques ».
L’Occident continuera-t-il à en profiter ? L’accord commercial RCEP conclu mi-novembre par la Chine et une quinzaine de pays d’Asie et du Pacifique, plus important traité de libre-échange du monde, « pourrait être le prélude à une certaine détente » sur les tensions commerciales dans la zone, « particulièrement entre l’Australie et la Chine », a estimé M. Zribi.
LNT avec Afp