M. Abdellatif Jouahri
Le Wali de Bank Al Mahgrib, Abdellatif Jouahri, a réuni la presse comme à son habitude à la sortie du conseil trimestriel de BAM, pour en présenter les conclusions quant à l’économique nationale et ses perspectives. Après avoir émis le souhait qu’il s’agisse de sa dernière conférence de presse en distanciel, M. Jouahri a évoqué la situation économique mondiale en général et marocaine en particulier, qui présente des signes très encourageants, mais qui reste toujours entourée de fortes incertitudes, notamment au niveau sanitaire. Le Conseil a toutefois jugé que le taux directeur restait adapté et l’a maintenu à 1,5%.
En effet, concernant ce dernier point, « 70% des vaccins produits bénéficient à 10% de la population mondiale, selon le FMI et la Banque mondiale. Le taux de vaccination est de 44% aux USA, 25% dans l’UE et seulement 1% en Afrique. Si on veut une réelle reprise économique, ces disparités doivent être résolues. Et les pays avancés en sont conscients », a-t-il expliqué, notant l’octroi par le G7 de 50 MMDH pour vacciner la population mondiale.
Une hausse temporaire de l’inflation
Il a également relevé le souci d’une inflation en nette hausse durant ces deux derniers mois, mais au Maroc comme ailleurs, les analystes s’accordent à dire que cette hausse n’est que temporaire, et BAM projette une inflation de 1% en 2021. Dans ce cadre, BAM maintient sa prévision de croissance à 5,3% pour cette année, car même si les perspectives sont meilleures, l’estimation de la récession de 2020 par le HCP à été revue de 7,1% à 6,3%, changeant l’effet de base. La croissance retrouverait son rythme normal, à 3,3% en 2022, avec une amélioration des activités non agricoles et un repli des activités agricoles, BAM tablant sur une récolte de 75 millions de quintaux l’année prochaine.
Le niveau des réserves en devises est également satisfaisant, avec plus de 7 mois d’importations couverts, malgré des recettes voyage loin des records de 2019. De plus, le Royaume devrait bénéficier encore de nouvelles entrées de devises, notamment dans le cadre de l’émission de DTS prévue par le FMI.
Mais même si le Maroc est bien positionné sur les marchés internationaux, les besoins de financement feront que le pays va devoir recourir à l’endettement, surtout que le déficit restera à un niveau élevé. BAM prévoit un taux de 6,6% qui devrait s’atténuer d’année en année pour revenir à la normale sur le moyen terme. De son côté, l’endettement du Trésor va suivre également ce trend haussier, passant de 76,5% du PIB en 2020 à 77,8% cette année, puis à 80% en 2022.
Interrogé sur le taux moyen des crédits bancaires par rapport au taux directeur, M. le Wali a déclaré que BAM « suit de très près » le problème de la transmission du taux directeur. Toutefois, a-t-il précisé, « les banques réadaptent les taux aux conditions qui les nouent de nouveau à leur clientèle et aux ménages », rappelant également que les institutions bancaires doivent justifier leur coût du risque dans l’octroi de crédit.
Toujours sur la question du financement, au sujet du programme Intelaka qui a logiquement baissé de rythme pendant la pandémie, M. Jouahri a annoncé que BAM travaille activement sur le dossier, notamment en mettant « un point final à la labélisation des entités en mesure d’accompagner les distributeurs de ces produits » pour relancer la machine efficacement.
Débattre du NMD
Enfin, sur la question du Nouveau modèle de développement et les recommandations du rapport concernant BAM, le Wali s’est montré prudent et réservé dans son approche, saluant un énorme effort mené par la Commission spéciale, mais émettant le souhait que la réflexion puisse continuer, et que « les conclusions et propositions du rapport, que je salue, pourront être discutées, affinées, enrichies, priorisées… », notamment à travers des réunions avec la commission Benmoussa. Il n’a pas manqué non plus d’exprimer son léger désaccord quant à l’idée d’une nouvelle mission « duale » de BAM : « Sur le plan dual, j’apporterai deux précisions : l’article 6 de BAM dit que l’objectif principal de l’institution est le contrôle de l’inflation. Il ne dit pas que c’est son unique objectif. Dans l’article suivant, il est dit aussi que dans le cadre de la politique que mène le gouvernement, le Wali de Bank Al Maghrib mène des discussions avec le ministre des Finances pour veiller aux équilibres macro-économiques ».
Il a, en conclusion, appelé à laisser la commission « finir son travail », pour que les forces vives du Royaume puisse en débattre avant de s’engager vers une nouvelle voie, car cela engagera le Royaume « sur une longue période ».
Selim Benabdelkhalek