M. Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib, a réuni la presse ce mardi 23 mars pour présenter les conclusions du Conseil de BAM et ses perspectives pour l’année à venir (voir l’article finance de Afifa Dassouli). Pendant la séance de questions-réponses avec les journalistes, M. le Wali est revenu sur un certain nombre de sujets importants pour le Maroc et son économie.
La flexibilisation, ce sera après covid !
Interrogé comme à l’habitude sur le passage à la deuxième phase d’élargissement de la bande de fluctuation du dirham, M. Jouahri a été clair. Si le FMI est venu à sa rencontre fin 2020 pour encourager le Maroc à enclencher cette étape, « j’ai dit que nous étions les mieux placés pour savoir quand démarrer les étapes », a-t-il rétorqué. Il a également invoqué sa demande que les parties prenantes, à savoir le ministère de l’Economie et des Finances, l’Office des Changes, et le secteur bancaire, lancent une grande opération de sensibilisation auprès des TPME du Maroc, d’un côté pour éviter les moments de panique connus lors du premier élargissement, mais aussi parce que la flexibilisation a des aspects particulièrement complexes que les opérateurs économiques devront bien maîtriser. Et dans tous les cas, pour le Wali, pas question de penser à l’étape suivante tant que les conditions d’avant covid ne sont pas retrouvées.
Les structures de défaisance, lentement mais sûrement
La forte hausse des créances en souffrance, notamment à cause de la pandémie, a plus que jamais remis sur la table le sujet de la création au Maroc de structures de défaisance, qui sont réclamées par beaucoup d’acteurs économiques. M. Jouahri a assuré que le projet est sur la bonne voie. Ce projet est « assez complexe », eu égard aux aspects légaux, fiscaux et institutionnels y afférents, a expliqué M. Jouahri.
Sur le plan légal, « il va falloir réviser un certain nombre de dispositions du Code des obligations et des contrats (DOC) mais également du code de commerce », a-t-il détaillé, notant que le volet institutionnel comporte toute la législation qui concerne le transfert des créances à une entité et aussi les moyens et les règles du recouvrement.
Au niveau fiscal, M. Jouahri a relevé qu’il est question des provisionnements et de l’acceptation du fait qu’il ne faut pas tenir en compte les provisions qui ont été constituées, indiquant que sur ce point aussi, la banque centrale est en discussion avec le fisc.
Et de poursuivre: « Nous sommes sur la bonne voie et nous avons associé à des réunions, le ministère de l’Economie, des finances et de la réforme de l’administration et le ministère de la justice ». Le Wali de BAM a également fait savoir qu’il a saisi le Secrétariat général du gouvernement pour piloter l’ensemble de ces aspects avec les Départements ministériels concernés et ce, en vue de résoudre les problématiques dans les meilleures conditions possibles et dans les plus brefs délais.
La liste grise du GAFI
La question de l’entrée du Maroc sur la liste grise du GAFI n’a pas manqué d’être posée. « La question la plus importante est : comment en sortir », a noté le Wali Jouahri, qui a précisé que face à la situation, le Maroc a déjà pris plusieurs mesures, dont un texte important actuellement au Parlement, et que le Royaume doit remettre un rapport tous les 4 mois au GAFI. Toutefois, « il faut qu’il y ait d’autres réformes structurelles qui montrent que nous essayons de dépasser certains problèmes fiscaux », a-t-il insisté, notant par exemple que les engagements pris aux Assises de la fiscalité n’ont toujours pas été passés au Parlement.
Crypto-monnaie et green finance
Si Bank al-Maghrib, comme de nombreuses banques centrales de par le monde, la FED en premier, considèrent les crypto-monnaies comme des actifs spéculatifs seulement, elle a tout de même, à l’instar de ses consoeurs, lancé de nombreuses études à ce sujet, et y travaille activement. Pourquoi ? « Pour ne pas être en retard par rapport aux autres », a expliqué simplement M. Jouahri. En effet, il y a de fortes chances que les banques centrales finissent par émettre leur propre crypto-monnaie. Si cette tendance apparaît à l’international, BAM veut être parmi les premières à accompagner le mouvement, et s’y prépare dès maintenant.
Enfin, M. Jouahri a évoqué le problème de la green finance et de son démarrage poussif. Le problème, selon le Wali, la seule façon de « faire le financement vert et intéresser le secteur bancaire, c’est en lui présentant une cartographie des risques ». Bank al-Maghrib et ses partenaires y travaillent activement, a-t-il assuré.
Selim Benabdelkhalek