Sebastian Kurz, ministre des Affaires étrangères et chef du parti chrétien-démocrate ÖVP et sa compagne Susanne Thier s'apprêtent à voter à Vienne, le 15 octobre 2017 © APA/AFP ROBERT JAEGER
Le jeune leader conservateur Sebastian Kurz, 31 ans, a remporté les élections législatives autrichiennes dimanche, selon les projections, signant un probable retour de la droite à la chancellerie, peut-être au prix d’une alliance avec l’extrême droite.
M. Kurz, qui a provoqué ce scrutin anticipé, mettant fin à dix années de grande coalition avec les sociaux-démocrates du chancelier Christian Kern, semble avoir réussi son pari.
Son parti chrétien-démocrate (ÖVP) est crédité de 31,7% des suffrages, devant le SPÖ de M. Kern. Arrivé premier lors des dernières législatives en 2013, celui-ci doit se contenter de 27% des voix selon les projections de la télévision publique ORF.
La formation d’extrême droite FPÖ de Heinz-Christian Strache se classerait troisième avec 25,9% des suffrages, mais apparaît en position de faiseur de roi.
Si M. Kurz n’a exclu aucune option, une coalition avec le FPÖ est considérée comme l’hypothèse la plus probable.
Le leader conservateur s’est dit prêt à endosser le costume de chancelier. « J’accepte cette responsabilité avec beaucoup d’humilité », a-t-il déclaré devant des militants en liesse.
« Nous formerons une coalition pour les cinq prochaines années avec le parti qui nous permettra d’apporter le plus de changement à ce pays », a précisé la secrétaire générale de l’ÖVP, Elisabeth Köstinger.
Comme M. Kurz, ses concurrents se sont gardés de dévoiler leur jeu quant aux futures négociations gouvernementales, qui pourront durer plusieurs semaines. « Il est trop tôt », a déclaré M. Strache. M. Kern a assuré de son côté: « Nous voulons des responsabilités. On verra sous quelle forme. »
Les discussions officielles ne devraient pas commencer avant jeudi et l’annonce des résultats définitifs.
En 2000, l’arrivée du FPÖ au gouvernement, en coalition avec les conservateurs, avait provoqué un tollé européen et l’adoption de sanctions de l’UE contre Vienne.
– Fermeté sur l’immigration –
Dans un contexte de montée des partis populistes et anti-migrants dans plusieurs pays européen, une telle levée de boucliers apparaît aujourd’hui peu probable.
« Le FPÖ est aujourd’hui un parti différent. La campagne a été marquée par un ton modéré, ce n’est pas comme si on devait avoir honte d’être Autrichiens », estime Marcus Kronberg, un militant ÖVP de 23 ans, qui se dit favorable à une coalition avec M. Strache.
Une telle alliance pourrait infléchir la ligne jusqu’à présent très europhile du pays, le FPÖ prônant notamment un rapprochement avec le groupe de Visegrad, comprenant des pays comme la Pologne et la Hongrie qui multiplient les bras de fer avec Bruxelles.
A une Autriche prospère mais insécurisée par la crise migratoire, M. Kurz a présenté une image de modernité et un discours de fermeté sur l’immigration.
Ministre des Affaires étrangères depuis 2013, il avait été à l’automne 2015 un des premiers ténors européens à critiquer la politique d’accueil de la chancelière allemande Angela Merkel, et se targue d’avoir obtenu la fermeture de la route des Balkans.
Il a depuis encore régulièrement durci sa ligne, réclamant une réduction des aides sociales pour les étrangers, au point que le FPÖ l’accuse d’avoir « plagié » son programme. « 60% des Autrichiens ont voté pour le programme du FPÖ », a martelé M. Strache.
Grand, le costume ajusté et les cheveux châtain clair invariablement coiffés en arrière, le jeune conservateur avait créé la sensation en mai en prenant le contrôle de son parti en pleine déconfiture.
S’il parvient à former une coalition, il deviendra le plus jeune dirigeant d’Europe, devant le Premier ministre irlandais Leo Varadkar (38 ans) et le président français Emmanuel Macron (39 ans).
– Gouvernement ‘noir-bleu’ –
De son côté, M. Strache, qui renoue avec le score historique recueilli par son ex-mentor Jörg Haider en 1999, avait indiqué qu’il revendiquerait pour son parti plusieurs ministères régaliens en cas d’entrée au gouvernement, dont l’Intérieur et les Affaires étrangères.
Pour le quotidien de centre-gauche Standard, « le FPÖ comme partenaire de gouvernement ne ferait pas bonne impression en Europe et M. Kurz est conscient de ça. Mais la question est de savoir s’il y aura moyen de faire sans lui après l’élection ».
Deux petits partis (les libéraux de Neos et une liste verte dissidente) semblent également en mesure de siéger au Parlement. Les Verts échoueraient pour leur part en-deçà de la barre des 4% nécessaires.
LNT avec AFP