Les méthodes qu’emploie un individu pour gérer les frontières entre sa vie privée et sa vie professionnelle diffèrent d’une personne à une autre. On sait que les expériences de la vie personnelle contribuent à l’épanouissement professionnel, qui influence de son côté l’environnement de travail. Et les expériences professionnelles marquent fortement la vie privée à leur tour.
Cette thématique a été largement étudiée au niveau scientifique ces dernières années. Il a été démontré dans la majorité de la littérature scientifique, que les rôles professionnels et non professionnels, sont mutuellement interdépendants. A ce moment-là, la question qui se pose est tout simplement : Comment ?
La vie personnelle est partagée entre l’histoire de la personne, sa famille, sa socialisation, l’aspect économique et social, la vie de couple, ses choix de vie, les réseaux sociaux, et les interprétations qui y prennent place. C’est donc la perspective des contextes pré-existentiels.
Les environnements de vie ambigus et conflictuels, font que toute pression peut conduire à une susceptibilité exacerbée. En effet, les études qui ont expérimenté sur la variable de la performance professionnelle, en connexité avec celle de la vie privée, offrent une gamme de ressources de conception, qui ont mis en lumière le composant familial en particulier, de sorte que la satisfaction en famille est corrélée de façon positive avec la satisfaction au travail.
Ceci malgré le fait que la séparation entre les domaines de vie personnelle et professionnelle, se soit opérée progressivement à partir de la première révolution industrielle jusqu’à aujourd’hui. Cette industrialisation a fragmenté les deux sphères, et a fait que l’une est plus dominante que l’autre.
Deux domaines liés
Parallèlement, la logique voudrait que les deux domaines puissent être séparés, mais le fait est que ces cadres sont également alliés. En effet, l’épanouissement personnel favorise la gratification émotionnelle, l’estime de soi, un style d’attachement sûr, le soutien social, etc. En projetant ces éléments de protection sur le fonctionnement au sein du travail, cela aura inévitablement une incidence positive sur les niveaux de production, les niveaux de concentration et la confiance dans le domaine du travail.
En posant la question de la vie du couple de l’individu, et à en juger par le taux de séparation et de divorces, qui a augmenté significativement au Maroc ces derniers temps, de nombreuses personnes semblent lutter avec la nouvelle réalité au travail , ce qui peut sans doute toucher la concentration de l’individu au travail, et qui se reflète négativement sur la productivité. Certains changements dans la structure familiale, telle la naissance d’un enfant qui souffre de complications de santé par exemple, ou la maladie d’un membre de la famille ou de la personne elle-même, des problèmes voire des violences conjugales, ou même une crise financière, mais aussi vivre une ou des relations toxiques, ou souffrir de l’addiction pourrait amener à une dégradation du rendement professionnel. Ceci amène la question des risques psychosociaux, qui altèrent la stabilité psychologique, ce qui a son tour affecte les capacités cognitives et bride les capacités professionnelles.
La question du genre a été soulevée plus d’une fois dans les recherches scientifiques. La vocation de la femme a changé en raison des développements et des besoins sociaux. Il en est résulté un scénario dans lequel la femme a une pression énorme pour développer une carrière robuste, en parallèle avec ses engagements actifs maternels, ou ses responsabilités de famille monoparentale si elle est divorcée et garde ses enfants
La charge de travail qui hausse sans cesse amène une pression constante sur les travailleuses, en leur laissant moins de temps pour elles-mêmes. Les responsabilités croissantes qui maintiennent la vie professionnelle liée à la vie personnelle créent également un stress sur les fronts personnel et professionnel. Cela implique le bien-être physique, émotionnel et sociétal de la femme. Donc, atteindre l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée est une nécessité pour les femmes qui travaillent pour vivre une vie respectable et de qualité. Ce rapport est un effort pour faire face aux défis auxquels sont confrontées les femmes actives dans le maintien d’une correspondance entre leur sphère personnelle et professionnelle. Les différents éléments liés à l’équilibre entre les deux sphères des femmes célibataires, ou des femmes épanouies dans leur vie de mariage, diffèrent de deux des femmes mariées contrariées dans leur vie de couple ou leur vie privée de manière générale.
Cependant, la surcharge de travail et de responsabilités chez l’homme n’est pas moins importante que celle vécue par la femme. Cet aspect généralisé est en partie du à sa réflexion sur tous les aspects de la vie, comme il a le même impact psychique sur les deux sexes.
Altération de la prise de décisions
De ce fait, je me permets de préciser que les séquelles des éléments de la vie privée, impactent l’exécution et non pas les actions elles-mêmes. D’autant que la dynamique cognitive est très sensible aux facteurs psychosociologiques. En outre, il est vrai que l’être humain est divisé par certains aspects de vie, mais le cerveau est l’organe central et unique qui gère ces interactions, plus précisément la partie du cortex préfrontal, qui se situe en avant dans la partie antérieure du cortex du lobe frontal, et qui est affectée lorsqu’un stress se présente, ce qui ralentit l’activité cognitive, bien évidemment au travail, et altère la prise de décision, la résolution de problèmes, la concentration, la planification, etc. Conséquemment, cela altère la mémoire et l’apprentissage, sous l’effet du stress prolongé causé par un problème dans la vie personnelle. Cela diminue le volume de l’hippocampe dans le cerveau, qui joue un rôle crucial dans le fonctionnement de la mémoire. Dès lors, cela touche l’amygdale, qui est la partie du cerveau responsable des émotions. La régulation des émotions s’en trouve affectée, ce qui dégrade directement l’épanouissement professionnel.
Pour conclure, entre ces deux sphères séparées, différentes dimensions conceptuelles sont associées. Je citerai le bien-être affectif, psychologique, social et matériel, qui impacte directement l’efficacité au travail et favorise le sentiment d’accomplissement et d’utilité.
De nombreux facteurs influencent les perceptions d’un individu sur la qualité de vie, mais souvent le temps disponible pour les intérêts personnels, les obligations et le rajeunissement influent positivement ou négativement sur l’évaluation globale de la satisfaction au travail.
Des conflits possibles
L’engagement temporel excessif associé à l’accomplissement des responsabilités professionnelles d’un employé a souvent été cité comme un aspect négatif de la profession, et a été lié à des préoccupations concernant l’équilibre travail-vie personnel. De plus, les horaires de travail exigeants dans certains métiers, ont été liés à l’épuisement professionnel, et touchent directement la vie personnelle et ont bien souvent de sérieux impacts sur cet aspect de vie. En outre, la structure organisationnelle du lieu de travail, à travers des facteurs tels que les caractéristiques du poste, les valeurs et l’idéologie personnelles, a été identifiée comme un promoteur potentiel de l’équilibre travail-vie personnel pour chaque employé de façon singulière. Plus précisément, les organisations qui ont mis en place des politiques plus favorables à la famille, telle que les horaires flexibles et la garde d’enfants sur place, peuvent mieux répondre aux besoins personnels et domestiques de leurs employés, réduisant ainsi la possibilité de conflit entre ces différents rôles.
Cependant, la persistance de croyances potentiellement néfastes auprès des employés influence le balancement de vie de chacun des travailleurs. En effet, certaines personnes accordent la priorité à la protection et à l’amélioration du bien-être personnel et familial, à travers des activités extra-professionnelles, et en considérant que le travail n’est qu’un moyen de gagner sa vie, et avoir la potentialité de tirer avantage les activités désirées. Il s’agit de consacrer sa disponibilité à ses parents, enfants, et/ou conjoint, et d’être centré sur le rôle maternel et éducatif des parents pour les enfants. On considère alors que le travail est un moyen et que les désirs personnels sont la finalité première du travail.
D’autres, mettent essentiellement l’accent sur la réussite de leur carrière. Cette conceptualisation est totalement différente de celle décrite ci-avant. Car les personnes intéressées par l’importance de l’excellence professionnelle dans leur vie, attachent directement leur réussite professionnelle à leur réussite de vie totale. Et donc elles enrichissent les dimensions de la réussite de carrière, à travers l’avancement hiérarchique, mais également le développement de nouvelles compétences, ce qui constitue une occupation, et qui se fera inévitablement au détriment de beaucoup de composants de la vie en général.
Des priorités différentes
L’ensemble de ces remarques conduit à de nombreuses réflexions, à distinguer de la différenciation habituelle entre carrière objective et subjective, qui influence d’une manière ou d’une autre l’épanouissement professionnel. Sachant que la très grande majorité des patients que nous avons suivis sont des cadres, qui expriment le sentiment d’avoir réussi leur carrière et d’avoir du plaisir dans le travail, d’y rencontrer des gens intéressants, de construire un bon réseautage, d’être en accord avec ses valeurs, de disposer d’autonomie, de gravir la hiérarchie, de relever des challenges professionnels, d’augmenter ses revenus, en estimant que ce dernier point est lui-même une réussite, selon un ordre croissant d’importance. Il s’agit aussi d’avoir la reconnaissance de ses réalisations.
Contrairement aux salariés qui priorisent leur vie personnelle, et estiment que la réussite au travail dépend du salaire et de la facilité des taches réalisées, même si elles sont répétitives.
Il faut savoir qu’accorder un intérêt excessif à l’une des deux sphères est malsain. La psychologie clinique s’accorde sur le fait que la notion de l’extrême risque d’introduire un déséquilibre de vie global. Avoir tendance à accorder un intérêt très élevé au travail peut amener à des taux excessifs de stress, et ainsi à un échec de la vie personnelle, parce que cela affectera inévitablement le confort de vie, et l’engagement familial et social. Cela risque aussi de déclencher une addiction au travail, qui rentre dans la catégorie pathologique des comportements. Dans l’autre sens, la négligence du travail peut emmener à une stagnation, qui risque de provoquer le sentiment d’être inutile et l’inattention vis-à-vis des tâches demandées. Car l’engagement au travail est indispensable. Et donc les deux états des choses n’entrainent pas l’épanouissement professionnel.
Pour finir, la recherche de l’épanouissement est un effort hautement bénéfique, entre ces deux sphères séparées, et les différentes dimensions conceptuelles qui leur sont associées. Je citerai le bien-être affectif, psychologique, social et matériel. Il impacte directement l’efficacité au travail et favorise le sentiment d’accomplissement et d’utilité. La problématique de l’épanouissement au travail au Maroc reste difficile à appréhender, par manque de chiffres ou de données statistiques. L’épanouissement professionnel et personnel mérite toujours un effort et son investissement. Il est important de s’appuyer sur la qualité de l’hygiène de vie pour atteindre l’épanouissement au travail. Un mauvais équilibre travail-vie peut amener à une insatisfaction de vie totale et à un manque d’harmonie entre le potentiel et les objectifs de vie partagés entre le travail et la vie privée, ce qui pourrait déclencher, sur le long terme, des complications psychologiques, tels des niveaux élevés de stress et d’anxiété, et /ou un état de stress post traumatique, de burnout, et de dépression.
Pour notre prochain sujet, nous aborderons les méthodes (saines) pour établir un bon équilibre de vie et augmenter l’épanouissement professionnel.