Le secteur des assurances est particulièrement exposé à la question du changement climatique. Chaque année, au fur et à mesure que les phénomènes extrêmes croissent en fréquence, mais surtout en intensité, ce sont des milliards de dollars que les assureurs déboursent, et ces mêmes milliards ne dédommagent qu’une partie des populations touchées. Il est donc dans l’intérêt vital du secteur de participer à l’effort mondial de lutte contre les effets des changements climatiques, à travers l’adaptation ou l’atténuation.
Lors de la COP22 tenue en novembre 2016 à Marrakech, le secteur financier marocain dans son ensemble s’est engagé sur la voie du développement durable. Cela suppose l’éclosion d’une nouvelle économie, qui pourra d’un côté assister les populations à faire face au climat, mais aussi lever les sommes colossales qui devront être investies pour réduire les émissions, à travers le financement de centaines, voire de milliers de projets « verts ».
Mais un engagement de principe doit être formalisé pour que ses mécanismes puissent être mis en branle. C’est pourquoi mercredi 6 décembre, l’Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS), et la Fédération Marocaine des Sociétés d’Assurance et de Réassurance (FMSAR) ont conjointement organisé la 1ère édition du Moroccan Sustainable Assurance Day, journée d’information, de débats, mais surtout de la signature de conventions formalisant l’engagement des assureurs dans la dynamique nationale souhaitée par le Roi Mohammed VI, celle devant « dessiner une Afrique résiliente aux changements climatiques ».
Une situation urgente
M. Hassan Boubrik, président de l’ACAPS, et M. Mohamed Hassan Bensalah, président de la FMSAR, Mohamed Hassan Bensalah, ont été clairs sur cette question d’engagement lors de leurs allocutions d’ouverture. Selon eux, l’engagement du Maroc pour l’environnement n’est pas un effet de mode. Et encore moins pour le secteur des assurances. En effet, avec des événements catastrophiques qui s’amplifient, nous risquons d’atteindre rapidement un point où les professionnels du secteur ne pourront plus assurer certains biens ou personnes, le risque étant tellement élevé qu’il mènerait à des primes d’un montant inabordable pour les clients, et les montants exigés pour les indemnisations demanderaient des actifs à un niveau bien au-delà de ce qui est envisageable.
Or, « l’absence de couverture d’assurance est souvent la cause du basculement dans la précarité », explique M. Bensalah. Il convient donc de trouver des solutions, et cela passera par le fait de « créer un écosystème impliquant l’ensemble des acteurs du secteur financier ». Mais « nous sommes encore dans une action dispersée », explique M. Salaheddine Mezouar, président de la COP 22, qui se déclare satisfait qu’un nouveau secteur « s’ajoute à la dynamique nationale ». Selon M. Mezouar, le Maroc peut être un acteur leader dans sa région, ce qui signifie qu’il serait parmi les premiers à bénéficier de cette nouvelle économie verte, notamment en termes de perspectives pour l’emploi.
Cette journée de l’assurance durable est d’autant plus d’actualité qu’une loi, préparée par le ministère de l’Economie et des Finances et l’ACAPS, va bientôt rendre obligatoire la mise en place d’une garantie contre les risques catastrophiques, qui sera inclue dans les polices d’assurances aussi bien pour les personnes que les biens, rappelle M. Zouhair Chorfi, secrétaire général du ministère. De son côté, Mohammed Benyahia, SG du Secrétariat d’Etat chargé du développement durable, rappelle que le droit à un environnement sain est inclus dans la Constitution.
Deux conventions pour organiser l’action du secteur
Ainsi, à l’occasion de ce premier Morrocan Sustainable Insurance Day, une première convention a été signée entre l’ACAPS, la FMSAR, et le SE chargé du développement durable, portant sur le développement de l’expertise nationale en matière d’évaluation des risques environnementaux et climatiques, mais également l’intégration des risques et des opportunités climatiques dans le cadre du développement des entreprises marocaines.
Une deuxième convention, paraphée par MM. Boubrik, Bensalah et Butch Bacani, représentant du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), porte sur les Principes pour une assurance durable (PSI). Elle engage les entreprises d’assurance et de réassurance à adopter et mettre en œuvre plusieurs principes, notamment la prise en considération des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance pertinents pour les métiers de l’assurance dans la prise de décision et la collaboration avec les clients et partenaires pour les sensibiliser à ces risques et les inciter à développer des solutions concrètes. Cet accord invite à coopérer avec les gouvernements, les opérateurs et les autres parties prenantes afin de promouvoir au sein de la société une action globale répondant à ces enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance, à rendre compte des applications des principes et à faire preuve de transparence en publiant régulièrement l’état d’avancement de leur mise en œuvre. Elle sera également signée individuellement par la majorité des assureurs marocains, certains, comme Axa et Allianz, étant déjà engagés au niveau international, mais se réengageant au niveau du Maroc.
Les efforts du Maroc salués à l’international
M. Nick Robbins, co-directeur du panel environnemental de l’ONU, a compté parmi les acteurs internationaux présents ce jour-ci, et qui ont tenu à saluer l’action du Maroc dans le cadre de la lutte contre les effets des changements climatiques. « Le Maroc est un pays de premières », a-t-il dit, faisant référence à cette journée, mais aussi à Casablanca Finance City.
Cette organisation du secteur des assurances compte parmi les premières au niveau mondial, explique de son côté M. Matthew Scott, du pôle climatique de la Banque d’Angleterre. Selon lui, elle peut permettre une transition vers un modèle économique basé sur le développement durable, qui implique des milliards en capitaux, de manière ordonnée, ce qui réduit nettement le risque. Cette transition amènera de profonds changements, poursuit-il, notamment dus au fait que la valeur des actifs des secteurs à forts taux d’émission en carbone affiche déjà, au niveau mondial, des baisses conséquentes. En tant qu’investisseurs institutionnels, les sociétés d’assurance et de réassurance pourront pousser l’économie sur la voie du développement durable, conclut-il.
L’ensemble des participants à cette journée se sont félicités pour les décisions prises et l’implication de tous les acteurs du secteur financier pour sa réussite, et ont appelé d’une seule voix à l’organisation d’une deuxième journée semblable l’année prochaine, pour continuer à bâtir les fondements d’une économie durable.
Selim Benabdelkhalek