25è festival de Fès des musiques sacrées du monde
En parallèle du Festival des Musiques Sacrées du Monde, le Forum de Fès mobilise un parterre prestigieux de personnalités des sciences, de la philosophie et des arts. Cette année, les 15 et 16 juin 2019, ce rendez-vous de débat, de réflexion et d’échanges est revenu sur le sujet fondamental qu’est « la confluence des cultures ». Un thème fédérateur qui a interpellé les acteurs culturels marocains et étrangers autour des constats, des outils et des stratégies à développer en vue d’encourager le dialogue et l’enrichissement interculturel et interreligieux.
Quatre tables rondes sur les histoires des civilisations, les interactions des peuples et les échanges artistiques et philosophiques ont mobilisé de nombreuses personnalités du monde culturel. Des intellectuels, des artistes, des écrivains, des historiens et des acteurs associatifs se sont ainsi réunis pour partager leurs expériences de différentes régions et périodes du monde et nourrir la réflexion autour de la nécessité d’une culture plurielle pour un monde apaisé.
Etaient présents Mesdames Meftaha Ameur, Hinde Ben Abbes Taarji, Faouzia Charfi, Mina Elmghari, Halima Hamdane, et Messieurs Ahmed Ghayet, Gerard Kurkdjian, François Martinet, Georges Michel, Abderrahman Tenkoul, François-Xavier Tilliette, Fodé Sylla, Khalid Zekri. Nous pouvons également citer la présence dans le public d’éminentes personnalités telles que André Azoulay, Tahar Benjelloun ou encore Jamaâ Baida…
Les intervenants ont convenu que le dialogue honnête, sinon dépassionné, des cultures était un prérequis d’une coopération utile et approfondie. Pour appuyer cette réflexion, le forum était articulé autour de trois axes à savoir « la connaissance avant le jugement et l’idée avant l’opinion », « les nécessaires fondamentaux d’un dialogue entre les cultures » ainsi que « les modes de vie dans les cités traditionnelles et les valeurs spirituelles de respect sous-jacentes ».
Bien que ces axes aient dressé le contour des conférences, la richesse des débats et opinions a élargi le cadre de réflexion. Ainsi, au cours de l’événement, les intervenants se sont penchés sur les divers apports de la culture libre et soutenue autant par les décideurs politiques que par les individus et acteurs de la société civile. Plusieurs thématiques ont dès lors été abordées allant de « l’anglophilie résolument marocaine » du Mogador du 18ème siècle au « creuset de l’entente interreligieuse » qu’a constitué le monastère chrétien de Toumliline durant la période de la lutte pour l’indépendance. L’acteur associatif Ahmed Ghayet s’est quant à lui élevé en faveur de la jeunesse, arguant la nécessité urgente d’une culture fondée par et pour les jeunes en vue de combattre « cette fascination morbide de la mort » et « redonner l’envie de vivre à un pan essentiel et délaissé de la population marocaine ». Un point de vue rejoint par Abderrahman Tenkouk qui a encouragé la transmission du patrimoine culturel notamment via le numérique, transformant ainsi une potentielle menace « en passerelle d’enrichissement entre sociétés, voire en instrument de la création artistique et donc culturelle ». D’autres participants, tels que le spécialiste des musiques du monde Gérard Kurkdjian, ont plutôt mis en avant les différents vecteurs possibles de cette transmission à savoir la musique, l’art ou encore les contes et paraboles imagés tels que déclamés par la captivante Halima Hamdane. Sur une note plus académique, Khalid Zekri s’est penché sur l’étymologie et l’épistémologie en tant qu’outils de compréhension desdites cultures, de leurs historiques et évolutions au fil des siècles. Un point de vue étayé par l’univers Meftaha Ameur qui a défendu l’identité plurielle berbère, arabe, francophone et tant d’autres facettes de la marocanité, par opposition à une vision étriquée et unidimensionnelle du patrimoine national. Ancien président de SOS Racisme et ex-député européen, Fodé Sylla, aujourd’hui ambassadeur itinérant et conseiller du Président sénégalais Macky Sall, a quant à lui souhaité remonter ce confluent des cultures et des identités jusqu’à son origine continentale. Il a en outre chaleureusement félicité les organisateurs du Forum pour cette initiative conjointe et inclusive en faveur de l’interculturalité et à plus long terme de la pacification et le développement de l’Afrique « car tout ce qui est fait pour nous, mais sans nous, se fait contre nous ».
Driss Khrouz, Directeur Général du Forum fait valoir à ce sujet que « nous insistons sur cette notion d’inclusion. Dans un monde déchiré par la peur, la haine et la méfiance, il ne s’agit plus de décréter l’interculturalité mais de bien la concevoir pour pouvoir la pratiquer. Ainsi, nous nous rendons aisément compte que toute culture, et à fortiori la culture marocaine, est d’abord un confluent d’une prodigieuse variété de cultures ».
Tous les invités se sont en effet accordés sur l’importance de la connaissance, notamment de l’Histoire, en vue de mieux pouvoir appréhender cette question délicate des mixités culturelles. Une connaissance qui aboutit naturellement par la suite sur des projets de coopération dans divers domaines, tels que la conservation du patrimoine culturel, la valorisation de l’amazighe, la multiplication des maisons de quartiers et de jeunesse et tant d’autres problématiques soulevées lors du Forum et qui composent le capital immatériel fassi, marocain et africain.
« La confluence des cultures, c’est avant tout une concertation qui nous rapprochera et constituera un outil de complémentarité entre les sociétés. Il ne faut pas nier la différence mais la mettre en œuvre au service d’une société plurielle, fondée sur l’entente et l’acceptation de l’autre. C’est le fondement de ce Forum qui constitue en quelque sorte l’écho de ces musicalités entonnées cette semaine dans les places emblématiques de Fès » conclut Driss Khrouz.
LNT avec CdP