Les mêmes causes produisent les mêmes effets, dit-on. Et ce qui se passe depuis plusieurs semaines à Jerada rappelle furieusement les événements que la ville d’Al Hoceima et ses environs ont connu l’année passée…
Manifestations populaires, sit-in et marches de protestations, colère des citoyens de cette ville et de cette région parmi les plus déshéritées du Royaume, revendications souvent légitimes, parfois impossibles à satisfaire, (comme celle qui exige la gratuité des fournitures d’électricité), et, comme dans le Nord, un sentiment d’abandon ressenti par les habitants depuis plusieurs décennies.
Contrairement à Al Hoceima cependant, Jerada n’avait pas de plan de développement à l’instar de celui qui avait tardé à entrer en exécution pour Al Hoceima, «Manarat Al Moutawassit».
Terre de désolation
En fait, la cité minière, livrée à son triste sort depuis la fermeture du site de Jerada exploité par les Charbonnages du Maroc, n’a jamais eu d’autre alternative que de « pourrir sur pied », alors que les mineurs, en grande majorité silicosés, n’avaient d’autre choix que de brûler les indemnités qui leur avaient été versées au début de la décennie 2000.
Le feu qui couvait a fini par éclater à la suite du décès accidentel de deux frères, mineurs clandestins au service des « barons du charbon », ces exploiteurs sans foi ni loi, qui se repaissent de la misère et du dénuement de leurs concitoyens, lesquels sont parfois leurs électeurs !
Mais, Jerada n’est pas Al Hoceima et les autorités, le gouvernement, les pouvoirs publics en somme, ont rapidement réagi, proposant des solutions partielles, des aménagements financiers, des plans de formation, des pistes pour la mise en valeur de potentialités, agricoles et autres.
La prise en compte de cette situation a donc été rapide, mais comme on peut le comprendre, rien ne saurait se faire d’un coup de baguette magique.
Or, l’impatience, née de la frustration, est forte, très forte et une partie des citoyens, malgré l’encadrement des syndicats et de plusieurs formations politiques, ne veut ni entendre, ni attendre, croyant sans doute que le spontanéisme et l’agitation permanente sont la seule voie pour obtenir satisfaction.
Le gouvernement, qui partait sur une démarche conciliante, faite de dialogue et de promesses réalistes, s’est donc trouvé au pied du mur, parce que la contestation, au départ responsable et pacifique, a tourné à la confrontation, sous l’impulsion de certains, aux objectifs aussi inavoués qu’étrangers aux revendications des habitants de Jerada.
Les images et vidéos des affrontements violents qui ont eu lieu le week-end dernier, la violence des attaques contre les forces de sécurité, la sauvagerie des déprédations et destructions commises sont la preuve que la situation a totalement dégénéré, et tous ceux qui militaient pour des solutions acceptables, réalistes et responsables, se sont trouvés débordés, isolés, contestés, désavoués.
Aujourd’hui, les premières arrestations ont eu lieu et ceux qui ont été interpellés au cours des échauffourées devront répondre de leurs actes.
Garder la même approche
Mais, la dimension répressive, compréhensible lorsqu’une marche tourne à l’émeute, ne doit pas prendre le pas sur le dialogue, la recherche de l’apaisement et la volonté de rester à l’écoute des citoyens de Jerada. Ceux-ci ne sont pas des casseurs patentés.
Certes, dans les cortèges de protestataires, on trouve des jeunes désœuvrés habiles au lance-pierre, manipulés et «chauffés» par les propagandistes de la Fitna.
Si le dernier mot, effectivement, doit rester à la Loi, rien n’interdit cependant de poursuivre dans la voie de l’apaisement et de la satisfaction des revendications des habitants de Jerada, en privilégiant l’approche de la concertation avec les citoyens responsables, leurs représentants, élus ou autoproclamés.
Jerada a besoin de l’attention soutenue de l’État, du gouvernement, afin que les solutions proposées se dessinent rapidement.
Et s’il fallait tirer un enseignement du précédent épisode contestataire, celui d’Al Hoceima, c’est bien celui que le retour au calme est généré par les actions concrètes en faveur des populations.
Car aujourd’hui alors que le programme Manarat Al Moutawassit avance à grands pas, qui parle encore du Hirak, sinon les seuls avocats dans des prétoires devenus quasiment déserts ?
Fahd YATA