M. Youssef Baghdadi, Directeur Général de Bank Assafaa
La Nouvelle Tribune : M. Baghdadi, vous dirigez Dar Assafaa, filiale du groupe Attijariwafa bank, spécialisée dans la distribution de produits financiers alternatifs. Pouvez-vous nous parler du coeur de cette activité que vous exercez depuis 2010 ? Qu’est ce qu’un crédit en finance alternative, en quoi consiste le contrat et quels en sont les avantages pour vos clients ?
Youssef Baghdadi : Dar Assafaa est la seule société de financement dédiée à la distribution des produits dits alternatifs notamment la Mourabaha. Elle jouit d’une expérience de 7 ans dans ce domaine particulier.
Notre produit phare, la Mourabaha, consiste en l’achat préalable par la banque au comptant d’un bien, puis sa revente au client avec une marge bénéficiaire convenue, et avec un règlement échelonné du prix de revente sur une durée précise.
Aujourd’hui la future banque participative du groupe Attijariwafa bank profitera naturellement de l’expertise métier, de la connaissance du marché et du réseau de distribution de la société de financement Dar Assafaa.
A quoi et à qui se destine ce type de financement? Pouvez-vous nous donner des exemples de crédits et nous en expliquer le mécanisme ?
Ce type de financement s’adresse à tous les segments de clients qu’ils soient particuliers, professionnels ou Entreprises.
Le mécanisme de la mourabaha est très similaire à celui du commerce avec facilité de paiement. Il sert à financer l’acquisition d’un bien tangible en l’occurrence un bien immobilier, un véhicule ou équipement professionnel ou personnel…
Le mode opératoire est très différencié :
1ère étape : Le client désigne à la banque participative le bien objet de financement.
2ème étape : La banque participative achète réellement et définitivement le bien, le possède concrètement.
3ème étape : La banque participative revend le bien au client en déclarant son coût réel d’acquisition et en précisant la marge bénéficiaire. Le paiement se fait graduellement selon un échéancier convenu entre les deux parties. Il s’agit là d’un tableau de redevance linéaire et non dégressive, car c’est du commerce avec prix fixe et non pas un crédit amortissable.
Il y a lieu de préciser quelques spécificités importantes :
1- La propriété est transférée une 1ère fois du vendeur initial à la banque participative.
2- La propriété est ensuite transférée immédiatement et définitivement de la banque au client.
3- La banque participative inscrit une hypothèque ou un nantissement sur le bien pour garantir la totalité du paiement.
4- En cas d’impayés, aucune pénalité ou intérêt de retard ne doit être appliqué.
5- Si le client connaît une difficulté financière prouvée, la banque participative procède à un rééchelonnement gratuit selon la situation du client.
6- En cas de remboursement total par anticipation, la banque participative a le droit d’abandonner gracieusement au client une partie de la marge restante due au moment du remboursement.
Sur quelle base réglementaire exerçait Dar Assafaa? Banque Al-Maghrib avait-elle déjà autorisé les produits alternatifs ?
Dar Assafaa a exercé depuis 2010 dans le cadre de la circulaire de Bank Al-Maghrib de 2007 qui réglementait la finance alternative qui est aujourd’hui appelé finance participative. Sachant que Dar Assafaa en tant que société de financement alternative avait obtenu une autorisation spéciale de Bank Al-Maghrib pour les ouvertures de comptes bancaires et la collecte des dépôts (sans agios, ni de dates de valeur)
De fait, votre banque a une longueur d’avance sur les autres banques. Comment pouvez-vous la quantifier en termes d’agences de clients?
Aujourd’hui, nous avons l’honneur d’avoir servi plus de 8.000 clients avec un produit conforme à leur besoin spécifique. Nous avons un encours Mouarabaha qui a dépassé 1 Milliard de dirhams sur un réseau actuel de 17 Agences et d’autres agences en cours de déploiement actuellement.
Pouvez-nous expliquer comment les ressources des Banques participatives sont-elles rémunérés ? votre future banque couvrira-t-elle toutes les activités de banques universelles ?
Oui effectivement, la future banque couvrira toutes les activités de banques universelles. En effet toutes les opérations de banque au quotidien, les produits de financement, les produits d’investissement seront lancés progressivement.
Les comptes d’investissement à base de Modaraba qui sont le produit phare des placements participatifs fonctionnent comme suit :
1ère étape : Le client déposant place son argent sur une échéance précise auprès de la banque selon le principe de partage des profits et pertes. Le client a le droit d’exiger le placement de son argent dans un pool d’investissement bien précis (Moudaraba restreinte) ou bien permettre à la banque d’en faire un usage libre (Moudaraba libre)
2ème étape : La banque place cet argent en vue de le fructifier auprès d’entrepreneur en besoin de financement ou l’utiliser directement pour financer un nouveau portefeuille de clients…
3ème étape : A terme du cycle d’investissement (échéance du placement), la banque distribue les profits éventuels selon la clé de partage convenue.
Quelle est la stratégie commerciale de votre future banque ? Comment assurera-t-elle son expansion du fait de l’expérience acquise ?
La stratégie de notre future banque est d’offrir au marché une expérience client inédite. Nous avons l’ambition de surprendre le client par notre facilité opérationnelle à travers la simplicité de la démarche. En plus nous offrirons à notre clientèle une disponibilité digne de son engouement pour ce nouveau marché. Côté distribution, nous couvrirons l’ensemble des grandes et moyennes villes qui sont les chefs-lieux des régions. A cet effet nous serions présents à travers une trentaine agence d’ici la fin de l’année 2017.
Bien entendu, notre politique digitale ainsi que nos réseaux alternatifs multicanaux nous permettront une proximité client même dans les villes non couvertes en 2017.
Dans le souci d’apporter le meilleur conseil à nos clients, nos collaborateurs ont suivi de nombreuses formations très en finance participative aussi bien locales qu’internationales.
En matière d’offre, nous profiterons pleinement de l’implémentation de notre nouveau Système d’information pour donner vie à une multitude de produits et services fruit de notre propre ingénierie financière participative. Bien sûr nous serons extrêmement rigoureux en matière de conformité aux avis chariatiques du comité charia de la finance participative du Conseil Supérieur des Oulémas.
L’avantage du Maroc de venir en dernier est justement de capitaliser sur l’expérience de 4 décennies d’exercice de ce métier spécifique et surtout d’en éviter ses erreurs. Nous avons un système bancaire très puissant et mature et qui s’exporte d’ailleurs très bien en Afrique. Parlant de l’Afrique, c’est un marché qui nous intéresse et nous profiterons de l’expérience du développement de notre groupe dans les pays africains dès que notre banque participative est bien installée au Maroc.
Entretien réalisé par
Afifa Dassouli