Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu (C) à Paris, le 15 janvier 2017 © POOL/AFP/Archives THOMAS SAMSON
La Turquie a menacé vendredi d’annuler un accord de réadmission des migrants signé avec la Grèce et l’Union européenne après le refus d’Athènes d’extrader huit militaires turcs accusés d’être liés au putsch manqué de juillet.
« Nous avons un accord de réadmission entre la Grèce et nous, avec l’Union européenne. Nous prendrons les mesures nécessaires, y compris l’annulation de cet accord de réadmission », a déclaré le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, dans un entretien à la chaîne de télévision publique TRT.
Ankara et Bruxelles ont signé un accord controversé sur les migrants en mars 2016, qui permet notamment le renvoi en Turquie de tout migrant arrivé illégalement en Grèce. La Turquie abrite plus de trois millions de réfugiés, en grande majorité des Syriens.
Un accord bilatéral entre Ankara et Athènes avait été signé précédemment portant sur une mesure de retour des migrants illégaux.
La cour suprême grecque a rejeté jeudi la demande d’extradition vers la Turquie de huit officiers turcs, soupçonnés par Ankara d’avoir pris part à la tentative de putsch du 15 juillet.
Cette décision a suscité l’ire des autorités turques qui ont immédiatement émis un mandat d’arrêt contre les huit hommes, suivi vendredi d’une nouvelle demande d’extradition.
Dénonçant une décision « motivée par des considérations politiques », le ministère des Affaires étrangères turc avait indiqué jeudi qu’Ankara allait procéder à une « évaluation exhaustive » de l’impact de ce refus sur ses relations avec Athènes.
« Que nous le voulions ou non, cela affectera nos relations et nous devons évaluer les mesures à prendre », a affirmé M. Cavusoglu. « Nous ne pouvons pas regarder positivement un pays qui protège des terroristes, des traîtres, des putschistes. La Grèce doit savoir cela. »
– Risque de ‘torture’ –
« La Grèce est un Etat de droit », et en son sein la « justice grecque indépendante a la compétence exclusive » sur les affaires liées aux extraditions, a répondu le service de presse du Premier ministre grec, Alexis Tsipras, dans un communiqué.
M. Tsipras avait été parmi les tous premiers dirigeants internationaux à prendre position contre le putsch avorté en Turquie.
Mais Athènes s’est par la suite inquiété du durcissement du régime turc, y compris sur les différends bilatéraux traditionnels de souveraineté en mer Egée.
Les militaires turcs, quatre capitaines, deux commandants et deux sergents, étaient en détention provisoire depuis leur atterrissage en hélicoptère dans le nord-est de la Grèce, le 16 juillet.
« Indépendamment de leur culpabilité (présumée), leur extradition n’est pas autorisée car leur droits sont en danger » en Turquie, a statué la cour suprême grecque. Le président a mis en avant le risque de « torture ».
Les huit militaires turcs ont démenti à plusieurs reprises toute implication dans la tentative de coup d’Etat et affirmé qu’ils avaient décidé de fuir par peur des représailles contre des militaires lors de la reprise en main de la situation par le gouvernement turc.
La cour suprême a ordonné jeudi leur libération, mais ils restent en détention provisoire « pour raisons de sécurité nationale…. », selon l’agence grecque ANA, du fait de leur arrivée illégale dans le pays.
Malgré une inimitié historique entre les deux pays, bien qu’alliés au sein de l’Otan, Athènes compte sur Ankara pour endiguer le flux migratoire alors que plus de 15.000 réfugiés et migrants s’entassent dans des camps sur les îles grecques en mer Egée.
Natasha Bertaud, porte-parole de la Commission européenne, a réagi vendredi, affirmant ne pas encore avoir eu connaissance des propos de M. Cavusoglu, mais assurant que « pour le moment », l’accord sur les réfugiés tient.
« Nous sommes confiants que cela va rester le cas », a-t-elle déclaré au cours d’un point presse quotidien.
Selon la police grecque, 1.183 migrants ont été renvoyés en Turquie par la Grèce au cours des 12 derniers mois, dans le cadre de l’accord bilatéral de réadmission qui date de 2002.
LNT avec AFP