Les pharmaciens reviennent à la charge ! L’essentiel de leur revendication resterait d’actualité. Samedi 21 septembre à Rabat, ils ont tenu à exprimer leur inquiétude, tout en insistant sur l’importance d’une refonte révision de l’arsenal juridique propre au secteur pharmaceutique.
D’ailleurs, c’est autour de l’urgence de la modernisation et la réglementation de la pharmacie d’officine que la 7ème édition du Congrès International MPharma Day a été tenue sous le thème : « La pharmacie face à un tournant décisif ». En plus des pharmaciens marocains, cette édition a connu la participation de leurs homologues jordaniens et tunisiens venus exposer les expériences de leur pays en la matière.
Cela a donné une journée riche en échanges et en données avec un important programme scientifique animés par des professionnels au cursus bien fourni.
Il est important de constater que lors de cette journée, il a été surtout question de la situation actuelle de la pharmacie d’officine et ses perspectives de développement. Là, le constat est unanime et on ne fait pas dans la dentelle. Tous les pharmaciens ont saisi l’occasion pour tirer la sonnette d’alarme et inviter une énième fois le Gouvernement à prendre au sérieux leurs revendications et aspirations. Aujourd’hui plus que jamais, une réforme approfondie, réfléchie et avec une bonne dose d’audace s’impose, dit-on auprès des pharmaciens, pour qui les quelques mesures qualifiées de timides prises çà et là n’ont guère arrêter l’hémorragie d’un secteur qui souffre énormément.
Dr Hasna Mamouni, Présidente Exécutive de MPharma, tient à préciser qu’il est grand temps d’aller de l’avant dans le grand espoir de sauver qui peut car la situation de la pharmacie d’officine ne prête guère à quelconque retard ou report : « Si dans d’autres pays voisins de la région Mena, ont adopté des réformes adaptées à un environnement en perpétuel mouvement, la pharmacie d’officine marocaine n’arrive toujours à évoluer pas comme il se doit ». Et de poursuivre que le pharmacien dans des pays comme la Tunisie ou la Jordanie a connu sa profession élargie à d’autres rôles loin de sa mission classique, à savoir « ce simple commerçant de médicaments ».
C’est dans ce sillage que s’est inscrit le travail des commissions mixtes avec le ministère de la Santé, au lendemain de la grève du 13 avril 2023. La synthèse de ce travail a d’ailleurs mis l’accent sur l’importance de la révision du décret de fixation des prix des médicaments, l’octroi de substitution et l’extension des missions du pharmacien. A cet égard, un premier pas a bien été effectué à travers la publication au BO de la liste des TROD pouvant être réalisés en officine.
Pour Dr Mohamed Essafi, l’idée est que l’image stéréotypée selon laquelle le pharmacien est un commerçant de médicaments devrait disparaître, particulièrement à un moment où les besoins en services de santé de proximité se font constater de plus en plus : « L’idée existe déjà en Tunisie depuis le début des année 80 et l’expérience s’est avérée fructueuse », dit-il, tout en notant qu’au Maroc, il faut que l’Etat active les procédures et mette en place les mesures et les réglementations nécessaires pour que le pharmacien marocain puisse intégrer de nouveaux rôles.
Même son de cloche chez Dr Mohamed Hassan qui a indiqué que sur les 9 points à l’ordre du jour, 3 seulement ont connu des avancées notoires notamment les circuits de commercialisation des médicaments, la loi 18/28, les compléments alimentaires. Néanmoins, d’autres points aussi importants et stratégiques pour la profession n’ont pas connu jusqu’à présent d’essor dont, entre autres, la représentativité des pharmaciens à travers les 12 régions, les dispositifs médicaux, le droit de substitution des médicaments. Toutefois, c’est ce chapitre bien précis que les pharmaciens estiment qu’il est urgent de le règlementer.
Pour Dr Essafi, il est important de souligner qu’à ce niveau, ce droit de substitution du médicament est en mesure de ne pas baisser le prix du médicament, mais il contribue bel et bien à baisser du coût d’une part et à la disponibilité en continue du médicament. Cela étant, la réglementation est aujourd’hui une nécessité.
Si au Maroc, le médicament continue de constituer la seule source de revenu du pharmacien, en Tunisie par exemple, elle représente uniquement 30%, alors que les 70% proviennent des autres missions du pharmacien qu’il exerce dans le cadre de la réglementation en vigueur. A cet égard, les yeux des officinaux sont rivés vers de nouveaux rôles à même de diversifier leur source de revenu : « La réglementation de l’extension des missions du pharmacien s’avère de plus en plus urgente », tient à préciser Mme Mamouni.
Au Maroc, le nombre des pharmacies s’élève à quelque 12 000 officines, employant environ 53 000 personnes. La moyenne de la demande en médicaments par les Marocains est qualifiée par les professionnels de très faible, soit entre 400 et 500 Dhs par an, alors que dans d’autres pays, le montant dépasse les 1 000 Dhs/an. A en croire les pharmaciens, l’actuel business-modèle mène à la faillite et d’ailleurs, 40% des officines sont dans le rouge.
Par la même occasion et lors de cette journée, ils ont exprimé leur grande inquiétude quant à l’avenir d’une profession toujours réglementée par des lois obsolètes. Un cadre juridique qu’ils considèrent comme l’un des principaux freins au développement de la profession du pharmacien au Maroc et du secteur dans son ensemble. Des lois obsolètes dont les exigences ne sont plus d’actualité tel le Dahir réglementant le trafic de substances traitant les maladies mentales et maladies neurologiques datant du temps du protectorat, depuis 1922 exactement.
Avec le chantier de la couverture sociale générale, on espère plus de visibilité. Lors de cette journée, les pharmaciens participants ont beaucoup insisté sur ce point.
H. Zaatit