Cas des Importations de Bétail et des Produits de Base
Par El Mostapha BAHRI, Consultant Economiste
Lors de la session des questions orales au conseil des conseillers le 23 juillet 2024, un conseiller parlementaire a soulevé une affaire importante en présence du ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime et des Eaux et Forêts. Il a déclaré que les chiffres annoncés par le ministère de l’Agriculture concernant les importations autorisées avant la fête de l’Aïd Al Adha n’étaient pas réels. « Sur le papier, elles sont entrées, mais en réalité, ce n’est pas le cas. Je vous ai averti de ce problème… Il y a eu des manipulations aux douanes… Quelqu’un fait entrer un camion avec 300 têtes et en déclare 600 », a-t-il ajouté. Le soutien annoncé par le ministère n’a bénéficié qu’aux grands éleveurs de bétail, tandis que les petits éleveurs n’ont reçu aucun soutien. Certains importateurs malhonnêtes ont ainsi bénéficié des 500 dhs de subvention sur des importations fictives.
Un système de subvention défaillant
La gestion des subventions au Maroc pose des problèmes récurrents. Le système de subvention, instauré depuis les années 1930, vise à offrir des avantages significatifs en termes d’accessibilité et de soutien économique. Cependant, sa mise en œuvre est souvent inefficiente et souffre de nombreuses insuffisances. Une gestion rigoureuse et une évaluation régulière sont nécessaires pour minimiser les inconvénients et maximiser les bénéfices pour l’ensemble de la société. Malheureusement, les quatre-vingts ans de gestion des subventions au Maroc n’ont pas permis de mettre en place un système transparent et inviolable. Ce système de gestion de la subvention, devait être conçu pour garantir que les fonds alloués à des bénéficiaires spécifiques ne peuvent être détournés ou mal utilisés. Un type de système qui doit reposer sur des principes et des mécanismes pour assurer son intégrité et son efficacité.
Cas des importations de bétail
L’importation de bétail pour répondre à la forte demande lors de la fête de l’Aïd Al Adha n’a pas donné les résultats escomptés. Les consommateurs ont continué à se plaindre de la cherté des moutons pendant la fête et des prix élevés de la viande après la fête. Ces prix élevés ont freiné la demande, impactant négativement l’activité des bouchers. L’augmentation des prix du poulet et des œufs a également privé de nombreuses familles à faible revenu de sources essentielles de protéines, ce qui risque d’entraîner des conséquences graves pour leur santé ; sachant que la sécurité alimentaire qui est une responsabilité du Gouvernement, permet l’accès de tous les citoyens, à tout moment, à une quantité suffisante, sûre et nutritive d’aliments pour mener une vie active et saine.
La farine nationale de blé tendre : Une autre problématique
Les fausses déclarations de quantités concernent également d’autres produits subventionnés, comme la farine nationale de blé tendre. Gérée par l’Office National Interprofessionnel des Céréales et des Légumineuses (ONICL), cette farine est destinée aux ménages à faible revenu. Cependant, des fraudes se produisent, certaines minoteries déclarant des productions fictives pour bénéficier de la subvention sans produire la farine. Les rapports de l’administration ont déjà mis en évidence l’inefficience des systèmes de compensation existants et proposé de nouvelles méthodes pour la gestion de cette denrée.
Le gaz butane et le sucre : subventions massives
Le gaz butane, dont la consommation nationale dépasse les 2 millions de tonnes par an, est principalement importé. La subvention de ce produit coûte entre 14 et 15 milliards de dirhams par an. La caisse de compensation intervient à plusieurs stades de la filière pour régulariser les coûts d’importation, de stockage, de transport et de distribution.
Le sucre, avec une consommation nationale de plus d’un million de tonnes par an, est subventionné à hauteur de 2847.27 dirhams par tonne. La production locale couvre 40% des besoins, le reste étant satisfait par le raffinage du sucre brut importé. La subvention annuelle varie entre 3.2 milliards et 5 milliards de dirhams.
Des questions cruciales restent en suspens
Pour assurer une gestion efficace des subventions, plusieurs questions demeurent :
- Quel système de contrôle est mis en place pour vérifier les quantités mises sur le marché ?
- Combien de contrôles sont effectués chaque année ?
- Les administrations de tutelle publient-elles des rapports annuels sur les opérations de contrôle et l’approvisionnement du marché ?
- Quel est l’impact de la dernière augmentation des prix de la bouteille de gaz sur les autres produits énergétiques de substitution et l’abattage clandestin des forêts ?
Un système de subvention efficace doit reposer sur la transparence, la sécurité, la surveillance, la responsabilisation et la participation des parties prenantes. Ces éléments permettent de créer un environnement où les subventions sont distribuées et utilisées de manière intègre, minimisant les risques de fraude et de détournement.