La réforme des marchés publics était au centre d’une journée d’échange et d’information organisée par la Trésorerie Générale du Royaume (TGR) en partenariat avec le Comité national de l’environnement des affaires (CNEA) et le Projet promotion de l’entreprenariat de l’Agence de coopération allemande au développement (GIZ). Cette réforme, qui est entrée en vigueur au mois de septembre, marque une avancée décisive dans la gestion des marchés publics au Maroc vers des normes plus modernes, axées sur la performance, la transparence et la reddition des comptes.
Au Maroc, la commande publique représentait en 2023 un budget de 300 milliards de dirhams (MMDH), soit l’équivalent de 25% du PIB. En 2024, le PLF prévoit une augmentation de 11,6% de ce budget à 335 MMDH. C’est dire son importance pour l’économie marocaine. De plus, les études récentes de la croissance, explique-t-on auprès de la TGR, montrent que l’investissement public peut avoir un effet d’entraînement sur l’investissement privé, l’Etat exerçant une influence directe sur l’efficacité du secteur privé. Il était donc vital pour le Royaume d’en adresser les insuffisances, comme une gouvernance qui n’était pas suffisamment structurée, une complexité qui pouvait être un blocage pour les entreprises plus modestes, ou encore un manque de suivi et de transparence.
La réforme des marchés publics est en train de provoquer une transformation profonde et inévitable de la gestion des finances publiques, a déclaré lors de son discours d’ouverture le Trésorier Général du Royaume, Noureddine Bensouda. Cette réforme se déroule dans un contexte de crises multiples et complexes qui touchent le monde actuel, ce qui rend impératif de réévaluer les choix et les méthodes de gouvernance dans le domaine des achats publics, a-t-il souligné.
Le Trésorier Général du Royaume a noté que la commande publique, en particulier les marchés publics, suscite un grand intérêt en raison des enjeux budgétaires sous-jacents et du volume considérable des dépenses associées. Il a également souligné que la commande publique, à travers les marchés publics, vise à produire des biens et services de haute qualité, à soutenir la croissance en stimulant la demande des entreprises, et à orienter les investissements à l’échelle territoriale.
M. Bensouda a expliqué que la réforme a relevé des défis fondamentaux et remanié la gestion des marchés publics, en mettant l’accent sur la performance et la réalisation des objectifs stratégiques des politiques publiques, le tout dans le but de renforcer la confiance des citoyens. Il a souligné que cette réforme s’inscrit dans le cadre des réformes plus larges en cours au Royaume, qui touchent les domaines institutionnels, politiques, économiques et sociaux. Elle représente un bond qualitatif dans le processus de modernisation, de transparence et d’efficacité dans la gestion de la commande publique.
Au cours des dernières années, les marchés publics ont été au cœur des réformes en matière de finances publiques, visant à rationaliser les dépenses publiques. Il ne s’agit pas de dépenser moins, mais de dépenser de manière plus efficace pour garantir la prestation d’un service public de haute qualité. L’État, en tant qu’acteur économique, crée des opportunités de richesse, de valeur ajoutée locale, et de répartition des ressources grâce à la commande publique. L’État doit veiller à l’égalité des chances pour les entreprises qui participent aux marchés publics, en mettant en place une réglementation conforme aux normes internationales, tout en tenant compte du contexte et des spécificités nationales.
M. Bensouda a grandement insisté sur le fait que la « mise en place d’une telle réforme n’est pas une œuvre simple, c’est un processus de longue haleine », qui « dépend de l’implication des acteurs ». Pour cela, « la TGR a déjà formé les formateurs et les comptables publics » et mis en oeuvre « une véritable stratégie de formation continue sur les marchés publics tout en intégrant le secteur privé ». « L’encadrement juridique seul ne suffit pas » pour la réussite de la réforme, a prévenu M. Bensouda, insistant sur l’importance des ressources humaines, et la mise en place de cycles de formation continue, entourés d’une stratégie efficace de communication et d’action sur les comportements. Un véritable « travail de fond et de sensibilisation » pour la « transformation effective des marchés en outils stratégiques de gouvernance, qui ne peut s’opérer que dans un environnement propice ». « Nous allons veiller à la bonne application de ce décret », a promis M. Bensouda.
Cette notion d’implication de toutes les parties prenantes est au centre de la réforme depuis sa conception, vu que la TGR, en plus de consulter ses partenaires habituels, comme la Cour des comptes, la CGEM, ou encore l’Ordre des architectes, a présenté au parlement la réforme et a pris en considération ses remarques, ce qui est une première. La réforme a également été ouverte aux consultations publiques, et environ 30% des plus de 2000 remarques ont été prises en compte, a expliqué le Trésorier du Royaume.
Parmi les obstacles que la TGR a dû surmonter, M. Bensouda a cité « une culture qui adore et favorise la dérogation », à laquelle il a fallu faire face pour assurer l’universalité et la transparence de la réforme. De même, la notion de de préférence nationale, qui a été introduite « vues la force et la puissance économique des multinationales », devait « respecter les accords » et les engagements internationaux du Maroc envers ses partenaires.
De son côté, le Chef de la coopération de l’ambassade d’Allemagne, Sébastian Wilde, a souligné l’importance de la réforme des marchés publics dans la stimulation du secteur privé, la promotion de l’inclusion des jeunes, des femmes et des petites entreprises. Il a également noté que ces domaines sont au cœur de l’engagement de l’ambassade dans la coopération avec le Maroc.
Au programme de cette journée d’information, plusieurs panels ont abordé divers aspects de la réforme des marchés publics, notamment la dimension économique, le rôle de la réforme dans l’intégration sociale, le développement durable et l’inclusion territoriale, la transparence, l’intégrité et la redevabilité, ainsi que la digitalisation et la formation en tant qu’éléments stratégiques pour accompagner la réforme.
Selim Benabdelkhalek