Le président Emmanuel Macron, le 24 mars 2022
Après de longs mois de silence et une ambiance délétère dans les relations entre le Maroc et la France, enfin une déclaration officielle du Président français vient peut-être d’annoncer le retour d’un anticyclone après la dépression.
Le 27 février dernier, dans un discours tenu à l’Élysée avant son déplacement en Afrique centrale, Emmanuel Macron a tenu les propos suivants en réponse à une question d’un journalise : « Moi, ma volonté est vraiment d’avancer avec le Maroc. Sa Majesté le roi le sait. Nous avons eu plusieurs discussions, les relations personnelles sont amicales ; elles le demeureront. Il y a, après, toujours des gens qui essaient de monter en épingle des péripéties, les scandales au Parlement européen, les sujets d’écoutes qui ont été révélés par la presse. Est-ce que c’est le fait du gouvernement de la France ? Non ! Est-ce que la France a jeté de l’huile sur le feu ? Non ! Voilà, donc il faut avancer malgré ces polémiques mais, enfin, sans en rajouter. Parce que je pense que nos jeunesses elles ont besoin qu’on bâtisse des projets et qu’on avance ».
Cette déclaration, certainement anticipée par le Chef de l’État français, est lourde de sens et de messages pour le Maroc. Par sa réponse, Emmanuel Macron semble vouloir, si ce n’est dédramatiser, du moins circonscrire la crise actuelle qui caractérise les relations franco-marocaines. En affirmant publiquement que la France n’est pas officiellement derrière les récentes attaques musclées contre le Maroc, Emmanuel Macron semble se désolidariser et se dédouaner de ce qu’il appelle des « péripéties ». Alors bien sûr, du point de vue du Maroc, cela peut prêter à sourire, parce que ce qu’affirme le Président français suppose que d’autres ont « jeté de l’huile sur le feu ». Mais, en définitive, le plus important n’est pas le fait que les termes utilisés dans cette déclaration préservent la position de la France, mais que l’intention affichée est d’avancer vers un réchauffement concret « malgré ces polémiques ».
Qu’on le veuille ou non, en fonction des intérêts que l’on défend, la position de la France est en train de changer, avec en premier lieu un changement radical de ton et de lexique au niveau du Président de la République. Parce que l’enjeu pour la France n’est pas seulement un problème bilatéral avec un ou deux pays africains. Paris a vu concrètement son influence en Afrique se réduire à peau de chagrin pendant les mandats d’Emmanuel Macron et la situation s’est dégradée à un point tel que la France se doit de réagir.
Exit donc la suffisance et les certitudes, place à l’humilité et à la reconquête. Et Dieu sait à quel point la tâche sera rude pour la France qui doit se réinventer de manière pragmatique face à une Afrique qui ne semble plus encline à attendre sa rédemption de Paris. Mais, il est important de noter le risque qu’encourent les pays africains à changer durablement de partenaires, ou de fusils d’épaule pour ceux dont la guerre demeure tristement le quotidien. La Chine et la Russie sont des partenaires de fait désormais en Afrique à coups de financements colossaux et de milices paramilitaires armées. C’est ce qui fait dire à Emmanuel Macron, de manière très pragmatique et non pas dans une posture de séduction, que l’Afrique n’est pas ou plus un « pré carré ». Du côté africain, s’il est clairement positif qu’à l’aune des différentes crises de confiance entre la France et les pays africains, ceux-ci aient montré, Maroc en tête, que Paris ne peut plus les prendre pour acquis, il ne faudrait pas non plus être tentés de lâcher la proie pour l’ombre. Ce que l’histoire douloureuse de la colonisation nous a laissé comme héritage est indéniablement des liens inextricables entre nos cultures, nos peuples et a fortiori nos économies. L’équilibre des relations est au cœur des enjeux diplomatiques et politiques qui se trament en Afrique, mais gardons à l’esprit que ce n’est pas demain la veille que le couscous sera le plat préféré en Russie.
Zouhair Yata