Les relations entre le Maroc et la France continuent de faire couler beaucoup d’encre et de générer moult analyses et spéculations, chacun y allant de sa petite surenchère. Celles-ci sont donc qualifiées de glaciales voire polaires, et l’actualité des dernières semaines et derniers jours ne semble pas tendre vers un réchauffement quelconque entre Paris et Rabat.
Comme dans les feuilletons télévisuels où il se passe tellement de choses chaque jour qu’on ne comprend plus la chronologie des faits, dans cette brouille qui dure, on ne saurait dire avec certitude si c’est le Maroc ou la France qui est vexé. Pegasus, Qatargate, demi-finale de Coupe du Monde, résolution hostile du Parlement européen avec les votes des députés macronistes, levée de boucliers et réactions officielles en cascade au Maroc, rappel officiel de l’Ambassadeur du Maroc à Paris, mandats d’arrêt de la justice belge contre des responsables marocains, tout cela saupoudré de bienveillance algérienne, bien heureux serait celui qui serait capable de dénouer le vrai du faux dans tout cet imbroglio.
En revanche, quelle que soit l’origine de l’œuf ou de la poule, ce qui est clair, c’est que la situation s’envenime.
Pourtant, après de longs mois d’attente, la visite en fin d’année au Maroc de la Ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna, annonçant une visite, si ce n’est datée mais du moins planifiée, du Président Emmanuel Macron, présageait d’un retour à la normale rapide. La France annonçait d’ailleurs dans la foulée, rétablir les dispositions consulaires habituelles pour l’octroi de visas aux Marocains. Dans les faits, non seulement la question des visas n’est pas du tout réglée, mais la décision des eurodéputés, dont un bon nombre de Français parmi eux, de mettre le Maroc sur le banc des accusés à la mi-janvier, n’a pas pu avoir d’autres conséquences que de provoquer un refroidissement à nouveau des relations entre Paris et Rabat.
La stratégie diplomatique de la France dans la région pose question à la lumière de ces faits. En effet, la visite en Algérie en août dernier du Président Macron a été interprétée partout comme un rapprochement fort avec l’Algérie, et un retour en grâce des relations bilatérales entre les deux pays. Et, si au Maroc cela a été ressenti comme une mauvaise nouvelle, c’est aussi parce que la France n’a manifesté aucune intention ou tentative de rapprochement entre le Maroc et l’Algérie, dont les relations diplomatiques sont rompues et les espaces aériens réciproquement fermés depuis 2021. Ce n’est donc pas tant une volonté de diviser pour mieux régner qui semble caractériser la position de la France face au Maroc et à l’Algérie, mais plutôt une retenue distancée aux conséquences similaires.
Or, la lune de miel est belle et bien consommée entre Paris et Alger qui vient également de rappeler son ambassadeur, avec force et fracas, suite à la rocambolesque affaire Amira Bouraoui.
Alors que faire ? Parce que le statu quo semble impossible. Entre le Maroc et la France, on peut lister indéfiniment les raisons stratégiques, politiques, historiques, culturelles, économiques qui font barrage à l’idée que nos deux pays ne peuvent pas se réconcilier. La réalité est que ni l’un ni l’autre ne peut s’offrir le luxe de perdre les acquis communs.
Dans un communiqué ce début de semaine, le Président du groupe d’amitié France-Maroc du Sénat français, Christian Cambon, qui est également à la tête de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, écrit « le Maroc, dans tous les domaines, reste notre plus fidèle partenaire et allié au service de la paix dans cette région du Monde ».
L’apaisement est indispensable autant que l’enjeu est grand. Le Maroc a réussi avec succès une stratégie diplomatique de ralliement de grandes capitales, de Washington à Tel Aviv en passant par Madrid. Paris peut s’en offusquer et feindre la vexation, mais le juste règlement de la question de la marocanité du Sahara occidental a besoin de l’appui et du soutien de la France, c’est indéniable. De même, Paris peut sécuriser des marchés publics en Algérie et une partie de son approvisionnement en gaz, ou maintenir son influence en Afrique subsaharienne comme au Mali avec le concours d’Alger.
Après la réforme des retraites, espérons que le Président Macron aura encore de la combativité en réserve pour s’attaquer au chantier de l’amélioration des relations bilatérales avec le Maroc. Parce que Mbappé a encore besoin des passes décisives de Hakimi,
Zouhair Yata