M. Anas Zermouni, Responsable Pôle Marché Entreprises à Bank of Africa.
Bank of Africa a adopté depuis 2010 une stratégie dédiée à la TPME et à son financement. Pour expliquer à nos lecteurs la place qu’occupe cette catégorie d’entreprises au sein du groupe bancaire, M. Anas Zermouni, Responsable Pôle Marché Entreprises à Bank of Africa, a accepté de répondre à nos questions.
Entretien réalisé par Afifa Dassouli
Zermouni, vous êtes Responsable Pôle Marché Entreprises à Bank Of Africa, merci d’avoir accepté de répondre à mes questions dans le cadre de ce spécial dédié au Financement de la TPME. Que représentent les PME pour le secteur bancaire ?
Les petites et moyennes entreprises (PME) représentent 95% du tissu économique national. Elles contribuent à hauteur de 40% à la production nationale, occupent 50% des emplois et mobilisent 50% de l’investissement au Maroc. C’est dire le potentiel important que représente cette catégorie d’entreprises pour le secteur bancaire. En tant qu’institution financière, nous travaillons avec l’ensemble des personnes morales, dont la PME reste centrale. Certes, historiquement, les banques travaillaient plus avec les grandes institutions publiques, les multinationales et les grandes entreprises, mais il y a déjà plusieurs années qu’elles se sont investies sur le segment de la PME, et même la TPE, segments qui occupent un pan entier de l’économie nationale, participent activement à la croissance économique et sont présentes dans tous les secteurs d’activité économique. Toutefois, l’approche adoptée pour adresser ce segment important des entreprises diffère d’une banque à l’autre.
Zermouni, pouvez-vous développer pour nos lecteurs le business plan de BMCE avant, et BOA aujourd’hui, relatif à cette importante catégorie de clients ?
Les TPME jouent un rôle moteur dans le développement économique et social du Maroc. Consciente de cet enjeu, BANK OF AFRICA a tracé une stratégie depuis 2010 visant à renforcer son positionnement sur le segment de la PME et de facto accroître son taux de pénétration auprès de cette cible, en termes d’élargissement du portefeuille et d’équipement de cette clientèle.
Pour cerner le secteur de la PME, nous avons adopté les critères mis en place par Bank Al-Maghrib pour définir les différents segments de la personne morale. A ce titre, la PME se caractérise par un chiffre d’affaires situé entre 10 et 200 millions de dirhams. Dans cette tranche assez large, nous retrouvons 3 segments : A, B et C, auxquels nous avons défini 3 orientations et stratégies différenciées. Précisons que la tranche C est associée à un chiffre d’affaires situé entre 10 et 50 MDH, la B entre 50 et 100 MDH, et la A entre 100 et 200 MDH.
Les TPME jouent un rôle moteur dans le développement économique et social du Maroc. Consciente de cet enjeu, BANK OF AFRICA a tracé une stratégie depuis 2010 visant à renforcer son positionnement sur le segment de la PME et de facto accroître son taux de pénétration auprès de cette cible, en termes d’élargissement du portefeuille et d’équipement de cette clientèle.
N’incluez-vous pas la GE là-dedans ?
Non, en effet, parce que nous avons deux autres segments : celui des entreprises que l’on appelle entreprises de taille intermédiaire ETI, entre 200 et 500 MDH de CA, et celui de la grande entreprise GE, au-delà de 500 MDH de CA, sans oublier la TPE, dont le CA est inférieur à 10 MDH.
En quoi consistent les stratégies pour chacune des catégories de PME ?
À BMCE BANK, nous avons lancé une stratégie pour la PME dans un premier temps pour adresser ce segment et pouvoir l’accompagner de façon structurée en mettant en place une offre dédiée, une organisation spécifique, et une expertise en interne pour traiter cette PME qui est différente de la GE. En général, c’est une cible qui a besoin, en plus du financement, de conseil et d’accompagnement de la part du banquier. C’est un élément très important. Nous ne sommes pas que des bailleurs de fonds. Contrairement à la GE, la PME n’est pas forcément bien organisée et parfois n’a pas les moyens de l’être. Il s’agit d’entrepreneurs dans un cœur de métier qui est loin de la finance en général. Ils montent en compétence sur ce sujet au fur et à mesure. C’est à ce titre qu’ils ont besoin d’être accompagnés. D’autant que si notre rôle est d’accompagner l’économie et les entreprises, nous sommes soumis à la réglementation de la banque centrale qui nous impose d’être regardants par rapport à la solvabilité de l’entreprise, sa structure financière, etc. Pour se financer, l’entreprise doit en connaître les conditions et les préalables, dans le cadre d’un partenariat. Avec l’entreprise en général et la PME en particulier, la banque a une relation de confiance et une relation sur la durée. Parce que l’objectif est de réussir ensemble, ce n’est pas donner un crédit et de lâcher l’entreprise dans la nature. Pour ce faire, notre offre se doit d’être personnalisée en fonction des besoins et de la situation de chaque entreprise.
Dans cet objectif, quels sont les moyens que vous vous êtes donnés ?
BMCE a développé un réseau de centres d’affaires, soit des agences spécialisées, dédiés aux différents métiers pour accompagner la PME. Les conseillers dédiés connaissent bien les activités des PME et les accompagnent en connaissance de cause. Pour les PME, les commerciaux sont aussi des financiers qui maîtrisent l’analyse financière, le montage des business plans, l’étude de la rentabilité, du retour sur investissement, etc. Ils vont accompagner et challenger l’entrepreneur tout en le finançant, en fonction de notre connaissance, mais aussi du secteur d’activité, de la conjoncture… Comme vous le savez, en période de crise actuelle, il s’agit d’accompagner les entreprises dans leurs investissements, mais aussi dans leur fonctionnement et financer leur cycle d’exploitation. D’où l’explosion des crédits de trésorerie, depuis 2008. La période Covid19 a connu la mise en place du crédit « Oxygène » pour aider les entreprises à continuer de fonctionner, suivi du crédit «Relance» pour booster la reprise de l’économie.
La stratégie PME a été accompagnée par le lancement d’offre de service dédiée à cette cible comme :
– « Pack Business PME » pour faciliter la gestion des opérations courantes avec la banque ;
– Portail www.businessonline.ma pour simplifier l’accès au financement. Signalons, que Bank Of Africa est la 1ère banque de la place à permettre aux TPME de demander un crédit ou de le renouveler via un canal digital ;
– « Club PME » pour renforcer la dimension conseil, formation et information aux PME. Bank Of Africa a été la 1ère banque de la place à lancer en 2012 ce cycle de formation certifiant en partenariat avec 5 Universités dans le but de faciliter aux clients la maitrise des techniques bancaires (opérations bancaires, montage des dossiers de crédit, les différents types de financement disponibles…), diffuser les bonnes pratiques de terrain et permettre un échange d’expérience, sans finalité commerciale, et enfin renforcer la relation banque-PME.
Zermouni, comment votre banque fait-elle face aux difficultés des TPME et au risque qu’elles représentent, sachant qu’avec les différentes crises qui se succèdent, certaines ont atteint le risque suprême, celui de baisser le rideau, et que beaucoup ont fermé ?
Nous sommes conscients des difficultés que rencontrent les PME, et disposons d’un observatoire de la PME en interne. Historiquement, un centre de documentations avait été créé depuis la création de la banque et qui produisait des études et analyses. Ce centre est devenu le Centre d’Intelligence économique, au sein duquel a été créé l’Observatoire de l’entreprenariat qui suit les tendances, produit des analyses et nous permet d’encourager l’entreprenariat au Maroc. Cela fait partie des dispositifs qui sont mis en place pour accompagner des TPME à travers des programmes entrepreneuriaux, et un club de l’entrepreneuriat où une formation est dispensée pour des entrepreneurs réunis en groupe.
Pouvez-vous revenir aux difficultés de la TPME ?
En effet, la TPME est un segment de clientèle assez délicat. Il s’agit dans une grande majorité de structures familiales qui se caractérisent par la faiblesse de leurs actifs immobilisés, une prédominance de l’actif circulant, une sous-capitalisation et un manque de moyens techniques et financiers. S’ajoute à cela le fait qu’elle évolue dans un environnement économique difficile, connait des problèmes de délais de paiements, des difficultés de trésorerie et celles qui n’ont pas les reins solides, deviennent vulnérables. Notre mission dans ce contexte difficile est d’accompagner la PME, chose que nous assumons, tout en faisant converger la vision orthodoxe de la finance avec la réalité du terrain, pour financer au mieux la TPME.
Le financement de la PME, difficile et risqué, s’appuie sur la garantie de Tamwilcom. Celle-ci est-elle la condition systématique au financement des TPME ? Quels sont les critères pour bénéficier de cette garantie ?
Certes, l’appui de la Caisse de garantie, Tamwilcom, est très important. L’Etat avec un tel organisme donne des garanties aux entreprises pour se faire financer et même les co-finance en partie. Ce dispositif a permis aux banques de réduire le risque encouru et de disposer d’un levier important pour développer et accompagner davantage la PME. Il est un fait que les banques ont la mission de financer les PME.
Et même de les pousser à investir ?
En effet, la décision d’investissement est décisive pour l’entreprise en général, et la PME en particulier. Ce qu’est la PME aujourd’hui est le résultat de ses investissements passés, et ce qu’elle sera demain est celui de ses investissements à venir.
La problématique de l’Investissement est un sujet d’actualité à l’échelle nationale. C’est l’objet du fonds Mohammed VI pour l’investissement, doté déjà d’un budget cible important de 45 milliards de dhs, et de la Charte de l’investissement qui l’accompagne par des incitations.
Ce fonds est censé relancer la machine, avec le lancement de grands projets, autour desquels la PME graviterait et accèderait aux différents marchés.
L’Etat a identifié des secteurs prioritaires en ce moment, des orientations importantes comme la sécurité alimentaire, la protection sociale, la santé, l’énergie, et le défi de l’eau qui est très pressant. Là encore, Tamwilcom a réconforté davantage les banques face à des PME fragiles, par son système de garantie. Aujourd’hui, pour le fonctionnement, le produit Damane Atassyir de Tamwilcom couvre jusqu’à 60% de l’enveloppe de crédit accordée à l’entreprise. amwilcom vient de hausser le plafond de ce financement de 10 à 15 millions de dirhams par nature de financement.
Dans ce sens, l’entreprise peut disposer d’une garantie à hauteur de 15 MDH sur les lignes de fonctionnement, et 15 millions additionnels sur l’investissement. Par ailleurs, le produit Intelaka, basé sur l’investissement, avait bien démarré avant que la crise sanitaire n’arrête son élan. Intelaka permet de financer les entrepreneurs qui lancent les projets de petite taille et créent des emplois, et de faire basculer une partie de la population vers l’autoentrepreneuriat. C’est un produit qui a été mis en place bien avant covid et qui est relancé à nouveau.
Il s’agit d’accompagner les autoentrepreneurs pour qu’ils se lancent sur des projets viables. Certains se lancent dans des activités pour profiter d’incitations fiscales comme les autoentrepreneurs. D’autres se sont lancés sur des secteurs qui ont été touchés de plein fouet par la crise mais qui se sont redressé après cette période.
Zermouni, quels sont les engagements de Bank Of Africain envers la TPME ? Avez-vous des indicateurs significatifs ?
Sur les dernières années et grâce à la stratégie PME déployée, la banque a enregistré des performances constantes avec des retombées très positives. En effet, notre portefeuille PME a plus que doublé sur une dizaine d’années, ce qui nous a permis de renforcer le positionnement de BANK OF AFRICA sur ce segment. Le volume des crédits accordé à la PME a plus que doublé aussi.
Partant, le poids des crédits accordés à la PME au niveau de la banque est passé de 10% à 34%. Et ce sont tous ces dispositifs dont nous avons parlé, qui ont permis de donner à la PME la place la plus importante au niveau du secteur financier. Cette année 2022, sur les 9 premiers mois, le financement de la PME en général a dépassé nos prévisions. Dans un contexte économique difficile caractérisé par le renchérissement des matières premières, du coût des intrants, de la logistique, l’inflation s’est installée et les besoins des PME ont crû, et les financements pour les accompagner avec.