Compétition d'esport en Pologne en mars 2019 © AFP/Archives BARTOSZ SIEDLIK
Les médias français accordent de plus en plus d’attention à l’esport, un engouement auquel la finale du championnat du monde de League of Legends, organisée dimanche à Paris, va donner un coup de pouce supplémentaire.
Secteur florissant (plus de 5 millions de français ont déjà assisté à une compétition de esport, et 2 millions l’ont pratiqué, selon une étude de Médiamétrie en 2018), l’esport dispose déjà d’un vaste écosystème de médias spécialisés, avec des plateformes de diffusion de matches en direct (Twitch, YouTube, Mixer…), des sites d’actu, chaînes thématiques et webtélés avec leurs experts et commentateurs.
Mais l’esport commence aussi à devenir un sujet en vogue pour les médias plus traditionnels.
« Les médias étaient pendant quelques années dans une phase d’exploration, de test, voire d’opportunisme vis-à-vis de l’esport. Certains cherchaient juste à cocher la case esport, mais d’autres y ont vu un intérêt stratégique, face aux audiences des compétitions qui n’ont cessé de croître. Et les médias ont bien compris qu’il était important de se positionner tôt pour se faire une place », estime Bertrand Amar.
Cet ancien animateur d’émissions de jeux vidéo a compris très vite le potentiel de l’esport, notamment lorsque l’arrivée du streaming a permis aux audiences d’exploser, alors qu’il fallait autrefois se déplacer en personne pour voir les matches. Il a fondé la première chaîne française spécialisée, ES1, ainsi qu’une agence de joueurs dédiée aux gamers professionnels, avant d’intégrer le groupe Webedia.
Ce dernier est présent sur la quasi totalité des activités d’esport, sauf l’édition de jeux vidéos qui reste la chasse gardée des fabricants de logiciels.
Outre des sites spécialisés comme l’incontournable Millenium.org, Webedia développe de plus en plus de contenus ou d’émissions pour le compte d’autres médias, tel le magazine « Pro Gamer » lancé depuis la rentrée sur la radio RMC. Une façon de profiter de l’engouement d’autres marques de médias pour l’esport.
– « Un accélérateur » –
L’Equipe a pour sa part développé fortement depuis quatre ans sa couverture de l’esport. Le média sportif enverra sept personnes à Bercy pour couvrir la finale dimanche, diffusée sur son site, et proposera également de nombreux sujets numériques, plus un dossier de huit pages dans le quotidien de ce vendredi, et la Une de son magazine hebdo.
C’est un article multimédia publié en 2015 et « vu par 700.000 personnes en quelques jours » qui a servi d’étincelle, raconte à l’AFP Jérôme Cazadieu, directeur de la rédaction de L’Equipe.
Le journal a depuis développé cette thématique sur son site et créé une rubrique autour d’un reporter à plein temps, avec succès : le nombre de visiteurs de cette thématique est passé de 450.000 à 800.000 entre 2017 et 2019. Et, cerise sur le gâteau, ce sont quasi exclusivement de nouveaux internautes, qui augmentent la fréquentation totale de L’Equipe.
Autre exemple, France Télévisions. Après avoir tâté le terrain avec des tournois de tennis virtuels, le groupe public a mis le paquet pour la finale parisienne de « League of Legends » (LoL). Pour la première fois, il retransmettra la compétition en direct sur les plateformes de France TV Sport, avec l’appui de la société spécialisée O’Gaming, et proposera des sujets d’esport notamment dans « Tout le sport » et « Stade 2 ».
« League of Legends est un phénomène mondial et massif, et le fait que la finale ait lieu à Paris, qu’on ait eu la possibilité d’établir un partenariat avec O’Gaming c’est vraiment un accélérateur », explique à l’AFP Laurent Eric Le Lay, son directeur des sports.
« Nous nous adressons à l’ensemble des Français et notre objectif, c’est de faire rentrer le grand public dans cet univers », indique-t-il. C’est aussi un bon moyen pour le service public de s’adresser aux jeunes, une priorité stratégique, et d’anticiper alors que les Jeux de Paris 2024 se veulent une vitrine de l’esport français.
Le potentiel paraît énorme pour les médias, mais il doivent aussi se préparer à un prochain défi : l’inflation inévitable des droits de diffusion, les éditeurs des jeux cherchant de plus en plus à les monétiser. Encore modeste, « le marché des droits explose » avec l’intérêt grandissant pour la discipline, et « la gratuité ne durera pas » pour les spectateurs aujourd’hui habitués à des plateformes de diffusion financées par la publicité, prévient Bertrand Amar.
LNT avec AFP