D’un Conseil à l’autre, Bank Al-Maghrib maintient son taux directeur à 2,25% depuis le 22 mars 2016, à un plus bas qui dure depuis longtemps.
De ce fait, les explications et justifications de son Gouverneur, M. Abdellatif Jouahri, restent les mêmes, à savoir que le taux d’inflation est inférieur à 1% et que si les perspectives de croissance économique du Maroc se sont améliorées, elles ne se concrétisent pas encore par quelques tensions inflationnistes, en particulier !
En effet, que les taux d’intérêts restent bas est une réalité.
Sur les maturités longues, 2 ans, 5 ans et 10 ans, les taux sont historiquement à leur plus bas, situés entre 2,8 et 3,3%.
Le marché des capitaux connaît un réel déséquilibre entre l’offre de capitaux et la demande qui se concentre entre les mains du Trésor (Cf. l’article sur le Trésor qui règne en maître sur le marché des capitaux, in La Nouvelle Tribune du 21 décembre dernier, numéro 1053). Mais, le taux directeur de BAM agit à la source sur le marché monétaire, sachant que celui-ci correspond au taux de refinancement des banques auprès de la Banque centrale à 7 jours, soit le taux de base bancaire.
Ainsi, l’on se souvient qu’entre avril et juin 2016, le taux repo auquel les opérateurs se refinancent au jour le jour, était tombé à 1,5%, bien inférieur donc au taux de base bancaire en question.
Bank Al-Maghrib a dû réagir en relevant le taux de la réserve obligatoire des banques de 2% à 4% pour aspirer la surliquidité et rétablir son taux directeur dans son rôle.
En effet, le marché interbancaire était passé en surliquidité, entrainant les taux encore plus à la baisse parce que les banques n’avaient plus besoin de se refinancer pendant ces deux mois de 2016.
A l’origine, il faut savoir que le phénomène de surliquidité bancaire est la résultante de flux extérieurs excédentaires.
En effet, la balance commerciale de notre pays est déséquilibrée et continue de l’être, avec un taux de couverture des importations par les exportations qui est inférieur à 60%.
Mais notre balance des services, elle, est excédentaire ! Elle bénéficie de 50 milliards de recettes touristiques, démontrant que le Maroc est très résilient en matière touristique.
Mais aussi d’investissements extérieurs nets récurrents, de 25 à 30 milliards de dirhams l’an, que l’on peut projeter sans trop de risques, tant leur renouvellement a été continu sur les dernières années avec de grands projets industriels lancés dans le cadre de conventions avec des partenaires étrangers.
Les transferts de MRE observent la même régularité dans le temps avec quelque 55 milliards de dirhams l’an, progressant doucement et surement de 4% en 2017.
En conséquence, l’excédent de la balance des services compense en partie le déficit de la balance commerciale.
Pour ce qui concerne la balance du compte courant, hors IDE qui sont comptabilisés dans le compte capital, elle reste déficitaire, mais à un taux qui, de son pic de 10% qui date de l’époque où le baril était à plus 100 dollars, est tombé à 4 % seulement depuis, soit une correction à la baisse de 60%.
Avec les IDE, elle rétablit donc son équilibre.
Par ailleurs, la réserve de change du Maroc se reconstitue très rapidement comme on a pu le constater avec les pertes qu’elle a connues lors de la récente crainte de dévaluation du dirham, qui s’est traduite par de gros volumes de couvertures de change.
En quatre mois, la réserve de change s’est reconstituée de 50 milliards de dirhams.
En réalité, la surliquidité en devises date de la forte baisse du baril de pétrole en 2016 qui a entrainé une baisse de moitié de la facture énergétique, de 100 à 50 milliards de dirhams.
La contrepartie de ces devises transférées à BAM en dirhams, se retrouve chez les banques, lesquelles sont ainsi automatiquement en surliquidité.
La réaction de BAM aurait pu être à ce moment de passer d’un système où elle injecte des liquidités à un système où elle en ponctionne.
Ce qu’elle n’a pas fait tout de suite et a attendu son conseil de Juin pour augmenter la réserve obligatoire de 2 à 4% afin d’absorber d’un trait tous les excédents du marché monétaire.
Elle aurait pu également recourir à la baisse du taux directeur, d’autant que le taux d’inflation reste faible, à moins de 1%.
Mais l’Institut d’émission savait que baisser encore plus le taux directeur ne servirait pas à accroître les crédits du fait d’une demande structurellement faible, sans compter qu’il en allait de la santé financière des banques.
Pour toutes ces raisons, le taux directeur de BAM restera donc à 2,25%, aplatissant la courbe de tous les taux en commençant par ceux du Trésor, des émissions privées aux taux des crédits bancaires !
Seule la création de richesse pourrait retourner cette situation. Tant que cette dernière restera faible, la rémunération de la dette comme celle du capital restera également faible.
Ce sont les investissements qui constituent le meilleur indicateur d’un futur meilleur en termes de création de richesse et qui de ce fait rétablissent la confiance, elle-même caution de la création de richesse, condition directe de l’amélioration du rendement…
Afifa Dassouli