M. Obaid Amrane, membre du directoire de Masen: Produire de l’énergie propre, durable et au moindre coût
La Nouvelle Tribune: Qu’est-ce que Masen ? Que fait-il ? Dans quel objectif ?
M. Obaid Amrane: Au titre de la Loi 37-16 d’août 2016, Masen est passé de « Moroccan Agency for Solar Energy » à « Moroccan Agency for Sustainable Energy ».
Le sigle est donc resté le même, mais les prérogatives, elles, se sont élargies : désormais, Masen a la responsabilité de conduire l’ensemble des projets ENR* du Royaume.
L’objectif de Masen est de contribuer à porter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique marocain à 42% d’ici 2020 et 52% d’ici 2030, à travers l’installation de capacités ENR d’origines solaire, hydraulique et éolienne, et l’ouverture sur toute autre forme d’énergies renouvelables qui serait pertinente pour notre pays (comme l’énergie marémotrice ou la biomasse). Dans maintenant moins de 15 ans donc, le Maroc devrait faire partie du club restreint des pays dont le mix énergétique est à plus de la moitié d’origine renouvelable.
Tout ceci ne manquera pas d’installer le Maroc de façon pérenne sur les voies d’un développement durable et de lancer les bases d’une économie verte.
D’où est partie l’idée de Masen ?
L’idée de Masen part de la volonté d’atteindre progressivement l’indépendance énergétique : nous dépendons aujourd’hui très fortement des importations en énergie fossile. S’appuyer sur une énergie disponible, abordable et pérenne permettra d’améliorer la balance des paiements et de nous prémunir de la variation et de la volatilité des cours mondiaux des matières premières.
En outre, disposer d’une énergie de très bonne qualité et de surcroît renouvelable améliore l’attractivité du pays au regard des acteurs industriels et investisseurs, à l’échelle internationale : le recours à l’énergie propre devenant de plus en plus un critère de choix pour les grands groupes mondiaux.
A cela s’ajoute la volonté de faire en sorte que la production d’énergie propre devienne, dans notre pays, un secteur industriel performant à part entière, doté d’une sphère de compétences humaines qui puisse porter et réaliser ces projets industriels, avec tout ce que cela implique en termes de Recherche et Développement et d’innovation.
Enfin, la préoccupation de durabilité dans le secteur énergétique préside à la création de Masen. Si le Maroc a investi dans les énergies renouvelables, c’est donc aussi pour cette raison-là : permettre de soutenir la croissance de notre pays et l’augmentation de nos besoins en énergie (entre 5% et 7% par an, ce qui nécessite de doubler nos capacités de production d’énergie électrique tous les dix ans) tout en préservant la Planète et en contribuant à l’effort climatique mondial.
Où en est aujourd’hui Masen de ses réalisations ?
Avec les quatre centrales qui le composent, le complexe Noor Ouarzazate offrira, dès début 2018, une capacité totale de 580 MW, soit l’équivalent de la consommation de près de deux millions de personnes.
La première centrale du complexe, Noor Ouarzazate I, d’une capacité de 160 MW, est opérationnelle depuis février 2016 et utilise la technologie CSP avec miroirs cylindro-paraboliques. Sa production électrique est directement injectée dans le réseau national de haute tension pour une livraison un peu partout dans le pays. Cette centrale permet un stockage de trois heures après le coucher du soleil.
Avec Noor Ouarzazate II (200 MW) et Noor Ouarzazate III (150 MW), deux centrales CSP (respectivement à miroirs cylindro-paraboliques et à tour) dont les travaux sont avancés à plus de 80%, c’est un stockage de plus de 7 heures qui est assuré, permettant de répondre à la pointe de la consommation en fin de journée.
La quatrième centrale du complexe, Noor Ouarzazate IV, utilise la technologie photovoltaïque (PV) et offre une capacité de 72 MW. Ses travaux ont débuté le 1er avril dernier.
D’autres projets sont en cours de construction sur les complexes solaires Noor Boujdour et Noor Laayoune, tous deux photovoltaïques, avec une capacité des premières réalisations respectivement de 20 MW et de 80 MW.
Par ailleurs, dans le solaire toujours, Masen a lancé l’appel d’offres pour le complexe Noor Midelt. La première phase du projet aura une capacité de 800 MW : pour la première fois au Maroc et probablement dans le monde, les deux technologies solaires (CSP et PV) seront « couplées » dans une même centrale pour en améliorer la production.
De quelles capacités Masen dispose-t-il aujourd’hui ?
Concernant le solaire, une capacité de 160 MW est en opération, alors que pas moins de 1300 MW sont en cours de développement. Le premier électron solaire a été produit en février 2016. Parallèlement, un énorme travail en calendrier caché a permis de lancer Noor Ouarzazate II et Noor Ouarzazate III au même moment. Le 1er avril 2017, SM le Roi Mohammed VI a donné le lancement des travaux de la première phase photovoltaïque du Plan Noor, à travers le projet Noor PV I. Le complexe solaire de Midelt, enfin, est en phase d’appel d’offres.
Pour ce qui est de l’éolien, pas moins de 895 MW sont déjà installés, et 850 MW en cours de développement.
Tout cela a permis de développer une tarification parmi les plus basses au monde, démontrant la capacité du Maroc à mettre en œuvre une stratégie pertinente dans le domaine des énergies renouvelables.
Masen va-t-il opter définitivement pour l’une ou l’autre technologie ?
Masen se veut technologiquement agnostique, c’est-à-dire qu’il ne se cantonne pas à une seule technologie. Le Groupe se donne la possibilité de recourir à des technologies différentes pour répondre aux besoins spécifiques du réseau, au prix le plus compétitif.
Que dire en termes de durabilité et de financement des projets ?
Masen conçoit des projets d’avant-garde et d’envergure à travers notamment des Partenariats Publics-Privés (PPP) où Masen tient des rôles innovants pour optimiser le coût de l’énergie, à travers une meilleure allocation des risques qu’ils soient industriels ou financiers.
Au cas par cas, Masen mobilise des financements publics (à travers des fonds concessionnels levés avec la garantie de l’Etat, à des taux d’intérêt proches de zéro, permettant un financement sur le très long terme) et prépare de manière continue la transition vers le financement privé innovant.
Le lancement avec succès en 2016 des premières obligations vertes du Maroc (Green Bonds, avec un taux d’intérêt particulièrement intéressant sur 15 ans) souscrites par des investissements locaux est une illustration du recours par Masen au financement privé dans le cadre des projets Noor PV I en véritable pionnier de la finance verte en Afrique.
Pouvez-vous partager avec nos lecteurs, les modalités de financement d’un tel projet structurant ?
Masen est une société anonyme de droit privé à capitaux publics.
Cette configuration originale fait de Masen une entité qui associe la flexibilité du secteur privé aux garanties fortes et pérennes de l’Etat marocain.
En la matière, le législateur a innové pour permettre à Masen de s’engager dans différentes formes de collaborations adaptées à ses projets et qui ne pouvaient se faire selon d’autres schémas institutionnels. Cette configuration est notamment très utile dans le financement des projets et le soutien à une R&D appliquée et pré-opérationnelle adossée à un projet industrielle.
Nous avons quatre actionnaires : l’ONEE, l’État, le Fonds Hassan II et la Société d’Investissements Énergétiques (SIE).
Quelle est l’action de Masen en termes de développement local ?
En plus d’assurer la production électrique d’origine renouvelable, Masen cherche à maximiser les retombées positives de ses projets, l’impact local étant un aspect essentiel de la démarche intégrée du Groupe.
Cela passe par la contribution à l’amélioration des conditions de vie des populations locales sur les sites d’implantation de nos unités de production électrique.
En se dotant d’une stratégie de développement local sur mesure, Masen s’adapte au profil socio-économique des régions d’implantation, et participe, avec le soutien des autorités locales et des autres acteurs publics et privés concernés, à la mise en place des infrastructures et équipements de base, à l’éducation, à la santé, à l’animation socioculturelle et sportive, ou encore à l’amélioration des activités économiques et à l’amélioration de l’employabilité.
Quel rôle Masen est-il amené à jouer en Afrique ?
Depuis l’année dernière, Masen est amené, au regard de ce qui a été réalisé jusqu’à présent, à accompagner la dimension stratégique marocaine sur le continent africain, en matière d’énergie. Et, comme vous le savez, l’Afrique est le continent le moins bien équipé en la matière, le niveau d’électrification y est même en régression du fait que les dynamiques démographiques dépassent les dynamiques d’équipement…
Aussi, à l’occasion des tournées royales en Afrique subsaharienne, Masen a-t-il signé un certain nombre de protocoles d’accords portant sur la coopération institutionnelle, l’échange d’expériences en matière d’énergie, mais aussi sur l’identification de projets de développement pour lesquels nous apportons notre soutien.
Comment appréhender le rapprochement entre Masen et l’ONEE ?
Il a été décidé de regrouper au sein d’un acteur central, Masen, la production de l’ensemble des énergies renouvelables dans le cadre de l’évolution du paysage énergétique national.
Responsable de la gestion de la demande nationale en énergie électrique, l’opérateur historique, l’ONEE, assure (et continuera à assurer) une partie importante de la production électrique de notre pays, de son transport et de sa distribution.
La relation entre Masen, dédié au développement intégré de projets ENR et à la production d’énergie propre, d’une part, et l’ONEE, chargé de son acquisition-distribution, a été renforcée.
L’ONEE assure les débouchés à l’électricité produite par Masen. De son côté, Masen choisit la technologie la plus pertinente au meilleur prix pour répondre aux besoins de l’ONEE. L’ensemble des projets ENR de Masen se fait donc en totale concertation avec l’ONEE.
Entretien réalisé par
Afifa Dassouli
*ENR : Énergies renouvelables
Masen, maître d’œuvre du plan énergétique propre et renouvelable marocain
D’après les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie, la demande mondiale en énergie devrait croître de 40% à l’horizon 2030. L’électricité est l’un des secteurs dont la demande va augmenter le plus rapidement pour être multipliée par 3.
Pour répondre à cette problématique, le Maroc a développé une politique énergétique nationale qui s’oriente vers une diversification des sources d’approvisionnement en énergie en portant à l’horizon 2020 à 42% la contribution des énergies renouvelables dans la production électrique.
Créée en 2010 pour porter le plan solaire marocain de production d’électricité à partir de l’énergie solaire «Noor», Masen, l’Agence marocaine pour l’énergie durable, a pris le pari de réaliser un programme de développement de projets intégrés de production d’électricité d’une capacité totale minimale additionnelle de 3 000 MW à l’horizon 2020 et 6 000 MW à l’horizon 2030.
Le Plan Noor porté par Masen vise le développement d’une capacité minimale de 2 000 MW d’ici 2020 pour l’énergie solaire. Il devrait générer des investissements de plus de 9 milliards de dollars et permettre une économie de 3,7 millions de tCO2.
Lancé en mai 2013 par le Roi Mohammed VI, le projet Noor I, a déjà débuté sa production d’énergie électrique. La centrale thermo-solaire d’une puissance de 160 MW, développée sur une surface d’environ 480 hectares, sur la base de la technologie thermo-solaire, avec capteurs cylindro-paraboliques, a une capacité de stockage de 3 heures à pleine puissance.
Lancés en février 2016, Noor II et Noor III, dont le taux d’avancement des travaux de réalisation atteint, respectivement, les 76 et 74 %, adoptent le schéma de production IPP (Independent Power Production).
Le 1er avril dernier, le Roi a lancé les travaux de la Centrale Noor Ouarzazate IV, ultime étape de ce vaste complexe énergétique solaire tenu par Masen et dont la capacité totale atteindra 582 MW.
Ce nouveau projet sera développé sur une surface de 137 ha en utilisant la technologie photovoltaïque (PV), avec un investissement estimé à plus de 750 millions de dirhams et une capacité de 72 MW. Il fait appel à la technologie photovoltaïque qui permet de produire de l’énergie électrique directement à partir du rayonnement solaire capté par des cellules semi-conductrices.
Dans le cadre de ces projets, Masen et l’OFPPT, ainsi que le groupe d’ingénierie et de construction Sener, ont signé une convention de partenariat pour la formation d’une centaine de jeunes aux métiers liés à l’énergie solaire à concentration. Ces derniers devraient suivre une formation d’environ 3 mois à partir d’avril 2017, qui leur permettra de recevoir une attestation de formation sur l’énergie solaire à concentration. Une soixantaine de personnes devraient ainsi être retenues pour travailler sur les sites Noor Ouarzazate II et Noor Ouarzazate III.
A. Loudni