L’AMMC vient de publier pour la première fois les statistiques relatives au comportement du marché des prêts emprunts de titres. Elles montrent que les transactions et les volumes de ce dernier ont explosé en 2016.
Comment expliquer ce comportement d’un marché quasiment dormant jusque-là alors même qu’une nouvelle réglementation était destinée à le booster ?
Telle est la question que l’on a posée aux opérateurs des salles de marché et autres utilisateurs de cet instrument financier qui n’a pas encore dit son dernier mot, tant il s’avère important à plus d’un titre (sic).
Les atouts d’un nouveau mode de financement
En effet, les prêts emprunts de titres sont utilisés pour des besoins de financement notamment des banques et portent à hauteur de 80% sur des obligations d’État.
Or, il s’agit d’un très bon moyen de financement pour tous les opérateurs demandeurs de liquidités. Et ce, même s’ils sont encore utilisés de façon très fine et très timide et malgré le triplement des volumes réalisés au dernier trimestre 2016.
En effet, cela permet de faire tourner les lignes d’un portefeuille, catégorie d’actifs par catégorie d’actifs, car si ce sont les Bons du Trésor qui font très majoritairement l’objet de ces transactions, les obligations privées et les actions sont de plus en plus utilisées, offrant aux gestionnaires la possibilité de recycler les actifs et d’en améliorer la liquidité.
Le prêt emprunt de titre est utilisé sous deux angles d’attaque. Soit le prêteur va utiliser ses actifs pour améliorer sa rémunération sur le marché, soit l’emprunteur va acquérir des titres dans l’objectif d’une opération monétaire qui lui permettra de lever du cash pour se refinancer grâce au fait que le titre est une garantie mobilisable transférable.
Et si le plus grand nantisseur de titres n’est autre que la Banque Centrale par le biais des avances accordées aux banques, les opérateurs échangent leur cash de plus en plus sur le marché monétaire par l’utilisation d’un collatéral.
Et les banques ne sont pas les seules utilisatrices de prêts emprunts de titres, (PET), elles font appel aux OPCVMs qui sont également des intervenants de taille sur ce marché. Car, non seulement, ils peuvent avoir besoin de cash pour financer en partie leur trésorerie, mais ils peuvent, de surcroît, espérer améliorer leur rendement grâce à cet instrument financier puisque l’AMMC les autorise à utiliser leur portefeuille à hauteur de 10%.
En effet, un OPCVM soumis à une obligation de rachats et devant prendre le temps de vendre pour y répondre, pourra dans l’intervalle se financer sur le marché monétaire par un prêt de titres. Il pourra ainsi avoir des mouvements sur son Passif, mais sans se délester rapidement de son Actif.
C’est ce que l’on désigne par la gestion Actif-Passif dont l’un des moyens est de faire travailler ses actifs pour optimiser sa politique de gestion.
Toutefois, il faut savoir que le marché des prêts emprunts de titres est associé à des risques que l’AMMC a listés, (voire article ci-après ). Cela, d’ailleurs, a pu quelque peu freiner son développement avant que le régulateur ne prenne en charge le contrôle rigoureux.
Par ailleurs, au-delà des aspects techniques et réglementaires, les PET sont très bien accueillis par le marché des capitaux en général.
Des avantages avérés
Celui-ci a besoin de se doter d’outils supplémentaires qui interviennent au-delà de la formation du prix par l’offre et la demande et permettent d’apporter plus de liquidités aux actifs, tout en les faisant travailler davantage pour en améliorer le rendement.
C’est donc un nouvel outil qui peut être utilisé couramment, en sus de son approche parfois spéculative. Parmi les garde-fous, la circulaire d’application de cet instrument prévoit qu’un titre emprunté ne peut plus être prêté, et ce pour éviter l’effet boule de neige.
Par ailleurs, les personnes physiques ne peuvent intervenir sur ce marché, lequel est réservé aux personnes morales .
De plus, ce nouvel instrument financier permet une meilleure cotation de la qualité du papier, titre ou valeur, objet de toutes les transactions sur tous les compartiments.
Certes, la qualité du papier se détermine par le prix du prêt emprunt, comme à l’international et un bon papier, très demandé, sera forcément plus cher à emprunter qu’un autre, moins demandé.
Les titres sont donc classifiés en fonction de leur prix lesquels sont le résultat de leur qualité qui résulte elle-même de leur risque.Le prêt emprunt titre permet de montrer le positionnement du marché en faveur ou contre certaines valeurs, notamment boursières. C’est un outil, un baromètre supplémentaire pour connaître le positionnement d’un marché.
Mais, en outre, le prêt emprunt titre peut être également utilisé à découvert, quand il y a une très forte demande sur un titre à emprunter, cela annonce parfois sa chute prochaine.
Il faut savoir qu’aux États-Unis, le concept acheteurs et vendeurs se mesure par le coût de l’emprunt des titres. Ainsi, « le marché des prêts emprunts titres permet d’équilibrer les marchés et les excès de ces derniers pour éviter les écarts importants. Il ne faut pas le voir comme un outil de spéculation, mais comme celui de l’équilibre des marchés et une complétude des services financiers », nous explique un directeur d’une des salles de marché parmi les plus actives de la place.
Pour ne prendre que l’exemple récent du boom de la bourse à la fin de 2016, on peut affirmer que si les actions avaient été empruntées, on aurait pu éviter l’incompréhensible et injustifiable hausse de 30% du marché actions.
Un outil de développement du marché
In fine, le marché PET, en améliorant l’efficience et la liquidité du marché boursier, permet d’éviter les dérives, à la hausse comme à la baisse, en équilibrant les intérêts acheteurs et vendeurs.
Il efface les déséquilibres qui naissent du fait qu’il n’y a pas d’offre face à la demande et réciproquement.
C’est pourquoi, il faut croire que cet outil qu’est le marché des prêts emprunts titres, n’est pas encore suffisamment utilisé chez nous comme c’est le cas sur des marchés plus matures.
Le fait que les Bons du Trésor en représentent 80% des transactions est d’ailleurs la preuve que le marché Actions est encore peu représentatif sur le marché des capitaux avec à peine 10% de l’activité totale.
Le marché des prêts emprunts titres est aussi un mécanisme très important pour le développement futur au Maroc du marché des dérivés nécessaires à la commercialisations des produits financiers. Concrètement, quand un opérateur vendra des options soit des put, ou quand il achètera des calls, il devra emprunter des titres sur le marché prêt-emprunt de titres. Le PET permet de mettre toujours une offre face à la demande, en recourant à des titres par l’emprunt et établir des prix d’équilibre sur un long terme.
Le marché financier a besoin d’arbitragistes et de spéculateurs. Enfin, le marché des PET s’avère être une soupape de sécurité parce que le choix des titres impose une analyse de leurs fondamentaux, même si la durée des emprunts se fait sur un jour….
Ainsi, c’est vers l’amplitude des instruments financiers et leur bon encadrement pour éviter toute dérive que la réforme du marché des capitaux marocain devrait s’acheminer.
Afifa Dassouli